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Blés et orges : comment se portent les cultures en sortie d’hiver ?

Semis retardés, excès d’eau, sols abîmés : quelles sont les conséquences de ces phénomènes sur le blé tendre et les orges en sortie d’hiver en 2025 ? Tour d’horizon en région avec des observateurs de terrain pour aborder au mieux ce printemps 2025.

<em class="placeholder">Blé tendre début montaison sur une parcelle saine en Maine-et-Loire, mars 2025</em>
D'après Céré'Obs, les conditions de cultures du blé tendre sont jugées bonnes dans deux tiers des cas, avec d'importantes disparités régionales. En Île-de-France ou en Pays de la Loire près de 10 % des surfaces sont jugées dans un état mauvais.

Des semis de blé tendre encore perturbés par les pluies à l’automne

La situation n’est pas aussi marquée qu’en 2023 mais les semis ont à nouveau été perturbés par les pluies dans la plupart des régions de France à l’automne. Dans la moitié nord, les semis ont été fréquemment retardés à cause de l’humidité, d’une à trois semaines en moyenne selon Céré’Obs, mais parfois de plus d’un mois dans certaines parcelles. Entre les excès d’eau et les problèmes de structures, les cultures cumulent les embûches. Les inquiétudes portent surtout sur certaines situations dans les Pays de la Loire, la Beauce, le Berry, l’Île-de-France, la Lorraine, ou encore le nord de l’Allier… « Il a beaucoup plu dans ces secteurs, constate Jean-Charles Deswarte, ingénieur chez Arvalis. Dans ces régions, il y a des sols fragiles sujets à l'hydromorphie avec de l’eau qui ne s’évacue pas ».

10 à 15 jours de décalage en blé tendre dans les Hauts-de-France

Dans les Hauts-de-France, la majeure partie des semis de blé tendre a été effectuée fin octobre début novembre avec 10 à 15 jours de décalage par rapport à la normale. « Il y a eu de très beaux semis, mais aussi des zones moins favorisées après des arrachages de betterave ou de pomme de terre dans des conditions difficiles », note Charlotte Boutroy, ingénieure régionale Arvalis. Malgré des semis retardés, les cultures sont à un stade conforme à la moyenne pluriannuelle en sortie d’hiver. Le stade épi 1 cm devrait être atteint fin mars début avril. « La plaine n’est pas magnifique en termes de biomasse, mais il n’y a pas d’inquiétude à ce stade », avance-t-elle.

Les zones hydromorphes en difficulté en Eure-et-Loir

En Eure-et-Loir, la majeure partie des semis s’est effectuée plus tardivement qu’à l’accoutumée, entre le 25 octobre et le 5 novembre. À cause des conditions climatiques de l’hiver marqué par de fortes pluies, les surfaces qui n’ont pas pu être semées en cultures d’hiver sont encore plus importantes qu’en 2024, d’après Patricia Huet, conseillère agronomique à la chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir.

C’est particulièrement le cas dans les zones de sols hydromorphes dans le Perche et Faux-Perche, au nord du département, où les cultures sont pénalisées. Il reste difficile à ce stade d’évaluer l’ampleur des dégâts et les éventuels retournements de parcelles. En outre, après un hiver plutôt froid, le blé tendre enregistre un peu de retard : les biomasses ne sont pas très développées et le stade épi 1 cm ne sera atteint que fin mars début avril.

70 % des surfaces dans un état correct à bon dans l’ex-région Poitou-Charentes

Dans le secteur de l’ex-région Poitou-Charentes, la plus grosse vague de semis a été effectuée entre le 25 octobre et le 15 novembre, soit un peu plus tardivement qu’à l’accoutumée. Céline Drillaud, ingénieure régionale chez Arvalis, décrit une situation correcte à bonne sur 70 % du territoire, notamment dans les secteurs de sols filtrants.

Plus de 10 % de parcelles resemées au printemps en Moselle pour les semis tardifs

Les sols particulièrement hydromorphes de Moselle n’ont pas été épargnés par les pluies. Dans ce secteur, les semis de céréales sont généralement effectués avant le 15 octobre, sous peine de ne plus pouvoir entrer dans les parcelles. Au-delà de cette date, les semis sont considérés comme tardifs. Cette campagne, une bonne partie des semis a été effectuée jusqu’à la Toussaint. « Au moins 10 % des surfaces semées tardivement font l’objet d’un resemis ce printemps », note Constance Richard, responsable agronomique à la coopérative Lorca en Lorraine. Le blé tendre va être remplacé par de l’orge ou du blé de printemps, et dans une moindre mesure par du maïs. « Nous avons de la demande pour du blé de printemps alors que c’est une culture qui ne se fait jamais par ici habituellement », précise la responsable.

Dans l’Ouest, sur le territoire de la coopérative Terrena, les intentions de semis de blé tendre étaient à la hausse par rapport à l’an dernier, mais la pluie en a décidé autrement, notamment dans le secteur nord-ouest caractérisé par des limons hydromorphes. C’est notamment le cas des Pays de la Loire marqués par des cumuls de pluies importants. « Les trois quarts des semis se sont déroulés tardivement durant les trois premières semaines de novembre », décrit François Lebreton, expert Cultures chez Terrena. À noter les excès d’eau exceptionnels du mois de janvier sur la bordure maritime (Vendée, Loire-Atlantique, Mayenne) avec des cumuls de 100 à 200 mm, pénalisant les cultures en place. Malgré cela, la sole de blé tendre revient dans la norme pluriannuelle dans ce secteur après la baisse de l’an dernier.

Retour à des dates de semis plus classiques dans la moitié sud

Au sud d’une ligne Poitiers – Lyon, les semis ont été réalisés à des dates assez proches de celles habituelles. Il y a eu plus de chaleur en hiver que dans le Nord. « Des semis précoces ont été réalisés dans de bonnes conditions », précise Clément Roux de la coopérative Arterris. Les conditions ont été moins faciles pour les semis plus tardifs réalisés derrière des récoltes d’automne. En blé dur, toutes les surfaces n’ont pas pu être semées, notamment au sud de Toulouse. Elles seront sans doute semées avec du tournesol, du maïs et parfois de l’orge de printemps. Dans ces parcelles, les densités de pieds de blé tendre sont un peu déficitaires et les cultures enregistrent un léger retard de développement.

Des excès d’eau et de structures de sol défavorables au développement racinaire

Pour reprendre des sols matraqués par les pluies en 2024 et après les difficultés de désherbage de l’an dernier, les agriculteurs ont eu recours au labour dans des proportions beaucoup plus importantes qu’habituellement afin de réaliser des semis dans des conditions correctes. « Globalement, les structures de sols ne sont pas très belles avec la formation de croûte de battance par endroits, observe Charlotte Boutroy, dans les Hauts-de-France. Les pluies tout au long de l’hiver ont aussi gêné l’évacuation de l’eau avec l’apparition de mouillères dans certaines parcelles et de phénomènes d’hypoxie au niveau des racines. « On ne s’attend pas à des enracinements extraordinaires », ajoute-t-elle. « Les mauvaises structures de sol ont de graves conséquences sur les systèmes racinaires des céréales d’hiver », confirme Constance Richard, en Lorraine. Au stade épi 1 cm, les racines doivent normalement descendre à 50 cm à 1 mètre. « Nous n’y sommes pas cette année », rapporte Jean-Charles Deswarte.

« Le nombre de pieds par hectare en blé tendre n’est pas extraordinaire », déplore aussi Patricia Huet en Eure-et-Loir. En cause, la forte pression limaces lors des semis et l’humidité présente tout au long de l’hiver. Elle rapporte aussi des phénomènes de phytotoxicité par endroits après les interventions herbicides de l’automne. Dans les parcelles où les pertes de pieds sont les plus importantes, Patricia Huet conseille une conduite de la culture à l’économie alors que beaucoup de frais ont déjà été engagés.

À l’image de l’ensemble du territoire, dans l’Ouest, François Lebreton de Terrena rapporte une situation de cultures plus favorables sur les sols filtrants.

Fractionner les apports d’azote en blé tendre

« Pour les semis tardifs, avec de mauvais enracinements, on peut craindre des difficultés d’assimilation de l’azote, note Clément Roux chez Arterris. Dans ces conditions, un épisode sécheresse à la fin du printemps serait très dommageable pour le blé tendre avec un fort risque d’échaudage. Face à cette capacité moindre à absorber l’azote, Patricia Huet préconise un fractionnement des prochains apports d’engrais. « L’idée est d’apporter de petites quantités, au moment où la plante en a besoin, qui seront bien valorisées », explique-t-elle.

Sur le territoire de la coopérative Terrena, François Lebreton constate une lixiviation de l’azote après les pluies de janvier qui a rendu cet élément peu disponible pour les plantes à la reprise de végétation. « Des apports à mi-tallage ont dû être effectués », détaille-t-il. Il préconise lui aussi un fractionnement des apports.

Des orges davantage en souffrance que les blés

Les températures jusqu’à – 5°C ou -10°C n’ont pas été létales pour les cultures cet hiver. Mais parmi les espèces, les orges ont été pas mal secouées avec la combinaison de l’excès d’eau, du coup de froid et de la phytotoxicité de traitements herbicides. Les orges sont plus sensibles à l’excès d’eau et au froid que le blé. Et dans de nombreuses situations, elles ne sont pas assez en croissance pour détoxifier les herbicides appliqués. Les orges de printemps semées à l’automne ont été particulièrement affectées pour la plupart, voire ont été détruites. Les orges d’hiver ont moins souffert. 

Les températures douces et le rayonnement plus important de fin février-début mars ont remis en route le développement des plantes. Le retard de sortie d’hiver se résorbe. Cette situation n’est pas négative : avec des cultures mal implantées, il vaut mieux une montaison légèrement retardée pour permettre aux céréales de se réenraciner et de refaire un peu de tallage pour aboutir à un état de développement plus satisfaisant. « Il faut une fin de tallage pas trop précipitée pour permettre aux cultures de se préparer pour la montaison », assure Jean-Charles Deswarte.

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