Blé : ils contrôlent les maladies avec peu de fongicides malgré une forte pression
Substances naturelles, variétés tolérantes, semis peu denses et retardés, bas volume associé à réduction de dose : en Seine-Maritime, des agriculteurs contiennent une forte pression maladie tout en réduisant les fongicides.
Substances naturelles, variétés tolérantes, semis peu denses et retardés, bas volume associé à réduction de dose : en Seine-Maritime, des agriculteurs contiennent une forte pression maladie tout en réduisant les fongicides.
Les maladies foliaires trouvent des conditions idéales pour leur développement dans des départements aux conditions humides comme la Seine-Maritime. Pour autant, il reste possible de réduire l’indice de fréquence de traitement fongicide aux alentours de 1. « Il y a quelques années, j’avais un programme à trois applications fongicides. Je suis maintenant passé à deux traitements à dose réduite, voire un seul, explique Yann Matura, agriculteur à Buchy. En 2022, j’ai réalisé un traitement fongicide au stade dernière feuille étalée (DFE) avec le pack Approvia + Aquino (50 €/ha). Mais la présence de rouille jaune m’a obligé à intervenir précédemment avec un peu de Mayandra (15 €/ha). »
En 2020, le programme fongicide s’était limité à un seul traitement au stade dernière feuille étalée. En 2021, l’humidité a contraint d’ajouter une intervention contre la fusariose des épis à épiaison. Pour réduire son utilisation de fongicides, Yann Matura s’appuie sur plusieurs stratégies, comme celle de traiter en préventif à l’aide de purin d’ortie. « Depuis trois ans, j’utilise des produits formulés prêts à l'utilisation (Form GC) de J3G avec une application au 1er nœud et une seconde à 2 nœuds si le temps s’y prête. Avec un coût de 10 euros à l'hectare, ces produits tonifient les cultures. Le feuillage des blés est plus vert après l’épandage. Il me semble que cette intervention aide la culture à combattre les maladies. C’est plus vertueux que d’utiliser des fongicides. »
Non loin, à Saint-Martin-Osmonville, Dominique Leroy a choisi la même stratégie. « J’utilise du purin d’ortie depuis huit ans. J’étais sur un programme fongicide à bas volume et à dose très réduite qui m’amenait parfois à faire quatre traitements. Les deux premières applications ont été remplacées par deux traitements au purin d’ortie. En présence de rouille jaune, un fongicide reste indispensable. J’ai produit moi-même du purin d’ortie mais c’est très chronophage, ce qui m’amène à en acheter dans le commerce maintenant. » Dominique Leroy réalise un traitement systématique au stade dernière feuille étalée, généralement à demi-dose. Il est souvent suivi d’un traitement contre la fusariose des épis, car « avec le prix élevé du blé, le retour sur investissement est garanti ». En 2022, l’IFT fongicide était supérieur à 1. En 2020, année à faible pression parasitaire, il était de 0,6.
L’agriculteur est un adepte des traitements à bas volume (40 à 60 l/ha). « On obtient des bouillies plus concentrées, ce qui permet de réduire jusqu’à deux tiers les doses de fongicides, mais il faut être rigoureux sur les conditions d’application avec l’obligation d’une hygrométrie élevée. Je traite préférentiellement le matin très tôt avant la levée de la rosée. J’associe les produits à un humectant (sulfate d’ammonium) ainsi qu’à d’autres adjuvants. »
Les variétés de blé sont une autre arme utilisée par Dominique Leroy contre les maladies. Il mélange au moins quatre variétés en choisissant de préférence des obtentions peu sensibles aux maladies. « Mais la faiblesse de l’une d’elles sur une maladie est compensée par la résistance des autres, précise-t-il. Je choisis des variétés tardives comme Garfield, RGT Libravo, KWS Extase, Sorbet CS et RGT Perkussio. S’il y a des attaques, les maladies se répandent beaucoup moins vite. » Le comportement face aux maladies influence également le choix variétal de Yann Matura. « Je ne les cultive pas en mélange et je prends soin de les renouveler régulièrement. Certaines variétés peuvent décrocher en termes de tolérance aux maladies. C’est le cas avec RGT Libravo, qui est devenu plus sensible aux rouilles et à la septoriose. »
Chez Dominique Leroy et Yann Matura, l’assolement diversifié – jamais de blé sur blé – participe aussi à la réduction du risque parasitaire. « Le fait d’avoir plusieurs cultures atténue les maladies », observe l’agriculteur de Buchy. Il évite de semer trop dense ses blés pour ne pas générer un milieu favorable aux champignons. « La densité est à 200 grains par mère carré pour les premiers semis début octobre et à 260 grains au 20 octobre. Je suis toutefois face à un dilemme avec les adventices contre lesquelles la densité du blé ne doit pas être trop basse pour réduire leur développement. »
EN CHIFFRES
Deux exploitations de polyculture élevage
Yann Matura à Buchy, Seine-Maritime
120 ha dont 40 de blé tendre (90 à 105 q/ha), 40 de pâtures, maïs, lin, betterave fourragère.
Dominique Leroy et Philippe Gazan, Gaec de Bréquigny à Saint-Martin-Osmonville, Seine-Maritime
275 ha dont 75 de blé tendre, 100 d’herbage, 30 de maïs ensilage, lin textile, colza, pomme de terre, non-labour depuis 20 ans.
Élevage laitier et sols limono-argileux, argiles à silex sur les deux exploitations.
Des agriculteurs autonomes dans leurs décisions
Économe et autonome, tel est le leitmotiv des Civam pour les agriculteurs. « Nous n’apportons pas de conseils directs. Nous sommes davantage sur un accompagnement des agriculteurs pour leur apporter la plus grande autonomie possible dans leurs décisions, précise Élodie Martin-Abad, chargée de projets grandes cultures économes du réseau des Civam normands. Nous apportons des outils que les producteurs s’approprient, comme les carnets « Tour de plaine » pour diagnostiquer ses parcelles. Nous proposons des formations comme Posypré sur la protection fongicide réalisé par SC2 Grandes Cultures, cabinet de conseil indépendant. »