[VIDEO] L’aquaponie émerge
L’aquaponie couple les productions de poissons et de plantes en transformant les déchets issus de la pisciculture en source de nutriments pour les végétaux.
L’aquaponie couple les productions de poissons et de plantes en transformant les déchets issus de la pisciculture en source de nutriments pour les végétaux.
L’aquaponie est (ré)-apparue avec la notion de développement durable. Ce concept de production, associant végétaux et poissons, trouve ses origines dans les Chinampas, jardins flottants cultivés par les Aztèques et les systèmes de rizipisciculture développés en Asie et en Afrique. On assiste aujourd’hui à sa modernisation et à son développement sous différentes formes : aquaponie domestique pour des particuliers, aquaponie commerciale en activité annexe et aquaponie "industrielle", notamment au Canada, en Australie et aux Etats-Unis. « En aquaponie, les rejets des poissons deviennent des nutriments valorisables pour une production hors-sol de plantes d’intérêt économique comme les plantes ornementales, herbes aromatiques ou médicinales, légumes à forte valeur ajoutée. Ceci permet aussi la recirculation d’une eau d’élevage saine pour les poissons », précise le programme Apiva (Aquaponie innovation végétale et aquaculture).
Installé à Aiguillon dans le Lot-et-Garonne, Acra, centre de recherche privé dédié à l’aquaponie, fait partie de la quinzaine de sites d’aquaponie recensés en France. Il dispose d’une serre verre de 1 000 m2, dont un tiers est actuellement utilisé pour l’expérimentation.
Avoir une rotation pour épurer l’eau
Pour l’heure, Acra dispose de deux conteneurs de 6 m3 pour l’élevage des poissons (voir encadré). La production de légumes est réalisée sur des tablettes avec un système de lits de billes d’argile qui servent à la fois de support de culture et de filtre pour l’eau. « La présence de micro-organismes permet de transformer l’ammoniaque des déjections des poissons en nitrate absorbable par les plantes », explique Titia Meuwese, responsable du site. En effet, le principe de l’aquaponie permet de transformer les déchets issus de l’aquaculture en source de nutriments facilement assimilables par les racines des végétaux, après une étape préalable de dégradation microbienne des composés ammoniacaux par des bactéries nitrifiantes. Acra a mis en essai de nombreuses espèces légumières : salade, concombre, tomate, poivron, aubergine, petits pois, blette, plantes aromatiques… « L’objectif est d’avoir une rotation pour disposer de plantes toute l’année, pour assurer la filtration de l’eau, et d’associer les besoins des cultures à l’évolution de la taille des poissons et donc du volume de leur déjection », explique la spécialiste. L’ensemble est alimenté prioritairement par la récupération des eaux pluviales, en recyclage permanent sans rejet extérieur. « L’idéal est de disposer de trois bacs d’élevage de poissons pour lisser les volumes d’eau à filtrer » précise-t-elle. Une deuxième tranche qui testera un autre procédé hydroponique de culture sur plaques flottantes ou rafts est en cours d’installation. La technique de culture sur film nutritif (NFT) où l’eau s’écoule en flux permanent, est également possible en aquaponie. Actuellement, la valorisation du système est assurée par la vente des poissons, les légumes ne bénéficiant pas de valeur ajoutée de la technique aquaponie. « L’aquaponie pourrait être qualifiée de culture biologique si la culture hors-sol n’était pas une limite à cette labellisation, ce qui est le cas aux Etats-Unis. Toutefois, un label pourrait être défini pour les poissons élevés en aquaponie », précise Apiva.
Elever des poissons
Après avoir débuté avec l’élevage de carpe, poisson facile à élever mais peu valorisé, l’Acra élève des perches, poisson carnassier prisé de la restauration. « Nous avons également choisi une espèce qui supporte bien l’eau chaude, entre 18° et 24 °C. L’eau est donc chauffée l’hiver et refroidie l’été par un système de pompe à chaleur » explique Mohamad Elkattan. Les alevins, de 2 à 3 grammes, sont introduits dans les bassins puis alimentés avec de la nourriture sèche sous forme de granulés à base de 80 % de protéines végétale. En 9 mois, les poissons atteignent leur taille commercialisable, environ 500 g/pièce. En fin de cycle, la densité de poisson par m3 peut atteindre 100 kg. Les poissons sont vendus de 12 à 18 euros/ kg.
Des recherches en France et en Europe
Lancé en 2013 par le service aquaculture de l’Itavi (Institut technique des filières avicole, cunicole et aquacole), le projet Apiva vise à tester les performances de l’aquaponie dans un système innovant de type AIMT (Aquaculture intégrée multi-trophique) et des cultures hors-sol. Ce programme de recherche français se fait en partenariat avec l’Inra, le Cirad et le lycée aquacole de La Canourgue (Eplefpa Lozère), ainsi que la station horticole Ratho en Rhône-Alpes. L’union européenne finance également depuis 2014, un projet de recherche Inapro (Innovative aquaponics for professional application) qui durera quatre ans. Il comptera quatre sites de démonstration d’environ 500 m2 en Espagne, en Belgique, en Allemagne et en Chine, et s’appuiera sur les résultats du projet antérieur allemand intitulé Astaf-Pro. Inapro rassemble 18 partenaires de huits pays et est basé à l’Institut Leibniz d’écologie aquatique et de la pêche en eau douce (IGB) de Berlin.