« Transformer des résultats académiques en innovations pour l’agriculture »
Abdelhafid Bendahmane est directeur de recherche au sein de l’Institut des Sciences des Plantes de Paris Saclay (IPS2) du Centre Inra Ile-de-France-Versailles-Grignon. Il a reçu en novembre dernier le prix "défi scientifique" des Lauriers de l'Inra 2018.
Quel a été votre parcours jusqu’à cette reconnaissance ?
J’ai consacré les premières années de ma carrière aux relations plantes/pathogènes dans différents laboratoires européens. Puis en 1999, j’ai rejoint l’Inra pour développer des projets de recherche en travaillant sur les plantes d’intérêt agronomique dans le cadre du programme Génoplante. Grâce à une approche génomique, nous avons pu ainsi identifier et cloner plus de 20 gènes d’intérêt agronomique dont des gènes de résistance aux maladies ou impliqués dans le développement de la plante. Un contact avec Michel Pitrat et Catherine Dogimont de l’Inra Provence-Alpes Côte d’Azur a été déterminant. Il a conduit au clonage des gènes de détermination sexuelle du melon et à la mise en évidence d’un mécanisme sous-jacent jusqu’alors inconnu chez les cucurbitacées qui amène aujourd’hui à recevoir ce Laurier Inra 2018 avec toute mon équipe.
Quelle est la nature de vos travaux ?
Nos travaux consistent à cloner des gènes d’intérêt agronomique pour comprendre comment ils contribuent à améliorer la performance des plantes. Nos travaux consistent également à générer des allèles nouveaux qui sont mis à la disposition des sélectionneurs. A titre d’exemple, nous avons pu mieux comprendre le développement des organes sexuels de la fleur, ce qui a permis d’envisager de transformer les fleurs mâles en fleurs femelles, à l’origine de la formation des fruits, et donc d’améliorer les rendements. C’est aussi un facteur souvent recherché dans le domaine de la sélection variétale pour maîtriser les modes de production des semences hybrides et améliorer les rendements.
Quelles sont vos perspectives ?
Aujourd’hui, ces connaissances acquises sur des cucurbitacées européennes peuvent être transmises à des espèces largement consommées dans certains pays d’Asie, comme les calebasses ou les parwals mais éloignées jusque-là des moyens modernes de sélection variétale. Je souhaite également travailler à la valorisation des outils de génomique et post-génomique développés jusque-là dans d’autres domaines de la biologie végétale. Ces outils permettent de prendre en compte des transitions majeures qui animent notre monde et des enjeux auxquels est confrontée l’agriculture tels que le changement climatique et la sécurité alimentaire. Il est important de transformer des résultats académiques en innovations pour l’agriculture et de sceller des collaborations avec des partenaires académiques et socio-économiques. Pour que notre recherche ait plus d’impact, il est également important de mettre en place un mécanisme d’échange avec les agriculteurs qui permettrait à la recherche académique de mieux intégrer plus en amont les besoins opérationnels pour une agriculture plus efficace et durable. Je souhaite également participer à la formation des jeunes chercheurs venus de tous les coins du monde.