QUESTIONS À
Réduire de 40 % à 45 % l’usage de pesticides
SYLVAINE SIMON, chercheuse, Inra unité de Gotheron
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L’essai BioReCo, qui croisait trois modes de production avec trois variétés de pomme, vient de s’achever. Quels sont ses grands enseignements ?
BioREco avait pour objectif de concevoir un verger innovant pour réduire durablement l’utilisation des pesticides, tout en assurant une production satisfaisante en quantité et en qualité. Le projet préfigurait la démarche actuelle d’Ecophyto. Nous avons réussi à réduire de 40 % à 45 % l’usage des pesticides dans quatre systèmes sur neuf. Il s’agit des systèmes Eco (économe en intrants) et Bio (agriculture biologique) limitant le recours à la lutte directe, plantés avec des variétés résistantes et peu sensibles aux maladies comme Ariane et Melrose. Il faut ajouter à ces composantes techniques l’importance de l’évaluation du risque qui s’est traduite par un nombre important d’observations, jusqu’à plus d’une vingtaine de contrôles par an. Ce sont ces trois composantes qui permettent d’atteindre une réduction importante des pesticides.
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Ce premier essai système a-t-il insufflé une réflexion au sein de la filière ?
Tous les systèmes ont leurs mérites et leurs limites. Les plus vertueux en matière de réduction des pesticides ne sont pas transposables à toutes les situations de production. L’accès ou la disponibilité des informations comme celle d’un réseau tavelure ou la rapidité d’intervention liée à un parcellaire morcelé ou très étendu sont par exemple des facteurs restrictifs. BioREco a également été un lieu d’interaction entre expérimentateurs, conseillers, arboriculteurs, chercheurs, enseignants… Le projet a permis de créer un espace de dialogue autour de la durabilité des vergers. Débuté en 2015, il a servi de base méthodologique pour la mise en place des expérimentations systèmes en arboriculture initiées dans la cadre d’EXPE Ecophyto.
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Un nouveau projet d’expérimentation est en cours d’installation sur le site de l’Inra de Gotheron. De quoi s’agit-il ?
Dans le verger actuel, continuer à réduire l’utilisation des pesticides se ferait probablement au détriment du rendement commercialisable. Il faut donc réorganiser l’espace de production en diversifiant en termes de variétés, d’espèces fruitières, de plantes associées et de faune auxiliaire. L’objectif est de réduire l’arrivée des bio-agresseurs, de limiter leur développement grâce à des résistances génétiques mais aussi la concurrence et l’action de la biodiversité. On peut ainsi introduire des plantes « barrières » à la dispersion des spores de tavelure ou moniliose, des plantes « pièges » et des plantes répulsives qui détournent les pucerons et des plantes « hôtes » qui accueillent des auxiliaires. Ce nouveau verger est en cours de construction. C’est un projet sur une longue durée car on construit un agro-écosystème sur quinze à vingt ans à l’échelle supra-parcellaire sur huit hectares, avec différents modules à expérimenter. Il part de processus écologiques à mettre en oeuvre dans un cadre agronomique.
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