Pomme - Journée technique CTIFL Balandran
Prospectives 2020 : les nouvelles technologies en embuscade
L’un des premiers fruits à être entré de plain-pied dans les échanges mondiaux, la pomme devrait voir ses volumes progresser dans les dix ans. Une augmentation, liée davantage à l’amélioration des rendements qu’à des progressions de surfaces.



Au cours de la journée nationale pomme, organisée par le CTIFL Balandran, Desmond O’Rourke, PDG de la société d’analyses des marchés des fruits Belrose Inc*, s’est livré à l’exercice délicat « d’une analyse critique de la situation et de ses perspectives ». La pomme a été l’un des premiers fruits à entrer de plain-pied dans les échanges mondiaux. Emergence de nouveaux pays producteurs (+ 74 % d’augmentation de la production mondiale depuis dix ans) ; changements significatifs des protagonistes ; commerce mondial qui se développe plus vite que la production (+ 102 % et 11 % de la production mondiale contre 9 % il y a vingt ans) ; sans compter avec des modifications notoires des régions de production, font que la situation et les perspectives de la production de pommes sont sur un curseur qui ne cesse de varier.
Entre 1990 et 2009, selon l’association Wapa, la production mondiale de pommes est passée à plus de 71 millions de tonnes. La Chine domine avec près de la moitié de ce potentiel (31 Mt) mais la France reste dans le top 10, en septième position avec autour de 1,68 Mt, ce qui fait dire à certains participants, « nous sommes des nains sur le marché mondial ». Si l’on considère les projections entre 2010 et 2020, il faut s’attendre, selon Desmond O’Rourke, président de Belrose Inc, à une progression de 33 % pour la Chine (40 Mt), de 21,4 % pour l’Europe (15 Mt), de 17,1 % pour hémisphère Sud (5,9 Mt) soit une augmentation mondiale de 24 %.
En Europe, toujours sur la même période, la France devrait progresser de 13,1 % (à 1,9 Mt), l’Italie de 10,9 % (2,4 Mt), la Pologne de 63 % (3,2 Mt) et pour les autres pays européens de 14,9 % (8,8 Mt). « La progression de la production mondiale sera donc constante mais moins importante qu’elle ne l’a été depuis dix ans, indique Desmond O’Rourke. Elle devrait être liée, non pas à des augmentations de surfaces, mais à des augmentations de rendements, comme en Chine, dans l’Hémisphère Sud ou en Europe (France et Italie). L’Italie qui aura de plus en plus de difficultés à trouver des surfaces supplémentaires pour son verger de pommiers. Au niveau européen, il faut surveiller attentivement les évolutions de la Pologne qui a moyen terme peut devenir un concurrent très important. »
Si l’augmentation de la production mondiale est donc inéluctable, elle est liée à plusieurs facteurs concomitants. Les vergers ayant échappé aux premières crises deviennent de plus en plus importants en surface. L’introduction de capitaux nouveaux (issus notamment de fonds d’investissements) va servir à introduire de nouvelles technologies, avec notamment des plantations plus denses, des rendements plus élevés et surtout une recherche sur des variétés plus précoces dans le sens d’entrées en production plus rapides. Pour le président de Belrose Inc, il faut également prendre en considération « l’augmentation de la production comme la Turquie, l’Iran, l’Inde » qui n’hésiteront pas à investir le marché mondial.
Vers la création d’une marque nationale ?
En parallèle à cette augmentation structurelle, le fonctionnement de la filière connaît de profondes mutations. Une grande part de la production mondiale est aux mains d’entreprises qui ont intégré les fonctions de production/expédition/mise en marché, pour la plupart, dans l’intention de répondre aux demandes de la distribution. On peut y ajouter une fonction “achat” pour des variétés bien définies ou des variétés sous licence “club” afin de répondre aux exigences du category management. Des variétés club, qui bien que très demandées par les grosses entreprises, ne font pas l’unanimité. « Le principe ne favorisera pas la consommation, du fait que certaines d’entre elles ne présentent pas suffisamment de spécificités qualitatives pour faire la différence », a-t-on pu entendre au cours de la réunion. Ce qui n’empêchera pas évidemment « plus d’alliances internationales entre pépinières et metteurs en marché. » Enfin, indique Desmond O’Rourke, « il n’y a pas de gestion globale de la filière pommes. » Certains intervenants sont allés plus loin. Pourquoi pas une marque nationale pour la pomme française, à l’instar de l’Italie ou des Etats-Unis qui ont su le faire en mettant, par exemple comme l’Italie, sous une même bannière (la pomme Marlène) près d’un million de tonnes ? Le Wapa n’a-t-il pas les compétences pour des actions de promotion marketing au niveau mondial ? Débat d’idées resté encore sans réponse.
En ce qui concerne les tendances variétales, Desmond O’Rourke dégage plusieurs tendances. Jusqu’en 2020, les variétés telles que Red Delicious et Golden resteront prédominantes, mais Gala, Fuji, Pink Lady vont gagner du terrain alors que la croissance de Jazz, Cameo, Honeycrunch sera ralentie par les restrictions “club”. Et a en croire Desmond O’Rourke, « de nombreux changements mais aucune nouvelle venue ne se démarquent véritablement. »
Sur le plan de la commercialisation, il faut s’attendre à une hausse probable des exportations, mais qui ne passera pas par le marché européen. Les meilleures possibilités de croissance sont vers les pays qui ne produisent pas, qui ont un pouvoir d’achat avéré ou en croissance ou encore où la grande distribution est en pleine expansion (Russie, Asie du Sud-Est et du Sud). La conclusion de Desmond O’Rourke est sans appel : « Les exportateurs européens devront cibler des marchés plus lointains. Ils devront développer de nouveaux marchés et rechercher de nouveaux clients. La compétition sera dure dans le sens où les Etats-Unis, le Chili, la Nouvelle-Zélande vont aller sur les mêmes marchés. Il faut s’attendre à une vive concurrence internationale à laquelle s’ajoutera celle d’autres fruits, de production nationale ou d’importations. »
Mais au-delà des considérations des spécialistes, il ne faut pas occulter un paramètre majeur : la réaction du consommateur. Un consommateur de plus en plus vieillissant mais au pouvoir d’achat important. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir parfois des réactions illogiques. Il ne se déclare pas prêt à payer pour des exigences supplémentaires. Quant à la nouvelle génération, elle serait peu encline à consommer des pommes.
* Pour plus d’informations : e-belrose.com