Pomme : la lutte contre le carpocapse se complexifie
Face à la moindre disponibilité des solutions de lutte contre le carpocapse du pommier, l’efficacité du biocontrôle nécessite d’être optimisée.


La lutte contre le carpocapse du pommier s’est complexifiée ces dernières années, avec le retrait d’usages des produits à base de fenoxycarbe en mai 2021, et surtout de la substance pivot chlorantraniliprole fin 2021. Des dérogations d’usage ont été obtenues en 2023 et 2024. Et à partir de 2025, il y aura certes un retour de l’usage, mais avec des restrictions. « La règle est désormais une application tous les deux ans. Il y a urgence de trouver d’autres solutions », indique Bertrand Alison, SudExpé (ingénieur détaché CTIFL), lors de la rencontre phytosanitaire fruits.
Un travail mené par SudExpé et Invenio dans le cadre du projet PAUPFL (Plan alternatives d’urgence phytosanitaire fruits et légumes), vise notamment à améliorer l’efficacité des virus de la granulose contre le carpocapse et à évaluer des stratégies sans chlorantraniliprole. Les deux sites présentent deux situations différentes par rapport au carpocapse. À Sud Expé, dans le bassin Sud-Est, la pression est très forte. À Invenio, dans le Sud-Ouest, la pression carpocapse est plus variable selon les années, mais elle est en progression.
Les tendances obtenues sont cohérentes
Un premier essai mené en 2023 sur le site de Marsillargues de SudExpé (Hérault) a comparé la référence PFI avec l’emamectine (Affirm) à différentes modalités à base du virus de la granulose : virus seul Madex Pro (référence AB), virus à double dose, virus + adjuvant, virus double dose + adjuvant, nouvelle souche de virus Madex. Les applications ont été réalisées en G1, à 1 % des éclosions puis 10 % des éclosions (trois traitements en 2023). « Au 6 juin, l’efficacité était médiocre pour la référence PFI avec 40 % d’efficacité, et les différences n’ont pas été significatives entre les modalités, expose Bertrand Alison. Mais les tendances obtenues sont cohérentes par rapport à ce que l’on pouvait imaginer. Dans l’ordre croissant d’efficacité, on trouve d’abord la référence AB virus seul (14 % d’efficacité) puis le virus + adjuvant et le virus à double dose, la nouvelle souche de virus et enfin le virus à double dose + adjuvant, qui est au même niveau que la référence PFI ». Au 21 juin, il n’y avait pas non plus de différence significative entre les modalités.
Cependant, on observe que toutes les modalités ont perdu en efficacité par rapport à la date de notation précédente, y compris la référence chimique qui n’a plus que 34 % d’efficacité. La référence biologique ainsi que la double dose de virus ne présentent presque aucune efficacité. La nouvelle souche de virus montre une certaine efficacité (15 %). Les modalités adjuvantées, simple ou double dose, ont une efficacité similaire. En 2024, les traitements ont été plus réguliers, mais les résultats ont été difficiles à interpréter car la pression carpocapse était très faible sur la parcelle en G1. La pression a tout de même été globalement plus forte dans le témoin que dans les modalités traitées, mais celles-ci n’ont pas pu être différenciées.
Renforcement de la confusion
Un autre essai de SudExpé, visant à optimiser les stratégies sans chlorantraniliprole, n’a pas non plus été concluant en 2023. Le but était de travailler en grande parcelle sur tout le cycle du carpocapse, avec une protection type biocontrôle par le virus de la granulose, l’utilisation de nématodes à l’automne et potentiellement la prophylaxie en saison. Cette parcelle biocontrôle était comparée à une parcelle de référence en PFI. « Malheureusement, très vite, la protection a craqué, que ce soit en PFI complète ou en biocontrôle », rapporte Bertrand Alison. En 2024, les leviers utilisés ont été l’adjuvantation du virus de la granulose et le renforcement de la confusion, avec notamment l’application de confusion liquide en début de G1 et potentiellement sur des pics en saison. Encore une fois, cette protection a été insuffisante.
En revanche, un essai chez un producteur a été beaucoup plus concluant. « Ce producteur a renforcé sa stratégie PFI classique par différents leviers. Il a positionné un traitement de Coragen, puis des traitements avec du virus de la granulose adjuvanté et de la confusion sexuelle renforcée. À partir de fin juillet il a arrêté de traiter et cela a très bien tenu ». Pour 2025, la station SudExpé veut travailler sur une meilleure application des virus. En recouvrant mieux le feuillage, le but est d’optimiser les chances que les larves de carpocapse consomment le virus. Pour ce travail, elle s’appuiera sur une étude réalisée par La Pugère, le GRCeta et l’Inrae d’Avignon, qui a montré des résultats encourageants en conditions semi-contrôlées. « Nous allons continuer les traitements nématodes et faire aussi du piégeage massif, souligne Bertrand Alison. Nous avons installé beaucoup de plantes pièges dans les parcelles pour essayer de faire baisser la pression ».
Des nématodes plus facilement applicables ?
Le projet Capcydia (1) vise à concevoir une formulation innovante de nématodes entomopathogènes contre le carpocapse. « Les nématodes entomopathogènes fonctionnent bien quand ils sont bien appliqués, mais il est compliqué d’avoir les bonnes conditions d’application », indique Bertrand Alison, de SudExpé. Les deux espèces utilisées pour la protection des cultures, Steinernema feltiae et Steinernema carpocapsae, nécessitent qu’il y ait une forte hygrométrie lors de l’application, et des températures pas trop basses pour qu’elles puissent survivre. « On arrive parfois à avoir ces conditions à l’automne, mais c’est assez rare, poursuit-il. L’idée est de trouver une forme d’encapsulation qui va permettre de maintenir les nématodes et de s’affranchir des conditions d’application contraignantes nécessaires. Nous travaillons aussi sur l’attractif qui va accompagner ces solutions pour optimiser leur efficacité ».