Pomme : 3 techniques automnales contre le puceron cendré
Des stratégies de perturbation de la ponte du puceron cendré en automne sont évaluées par le CTIFL, le Cefel et la station expérimentale de La Pugère.
Des stratégies de perturbation de la ponte du puceron cendré en automne sont évaluées par le CTIFL, le Cefel et la station expérimentale de La Pugère.
Barrières physiques à base d’argile, défoliation précoce à base d’engrais foliaires ou application d’insecticides de biocontrôle, telles sont les méthodes testées contre le puceron cendré sur pommier. « Lorsqu’elles sont mises en oeuvre dans de bonnes conditions, et selon la pression parcellaire, elles divisent par deux le nombre d’applications d’insecticides au printemps, voire les suppriment totalement », observe Anne Duval-Chaboussou, auteure de l’étude parue dans Infos-CTIFL en mars 2023.
1/ Application d’argile
La mise en place de barrières physiques à l’automne consiste en l’application d’argiles calcinées afin de recouvrir les feuilles. L’objectif est de perturber le vol retour du puceron vers les feuilles de manière visuelle, olfactive et physique. Ces trois effets combinés limitent le développement et la reproduction du ravageur sur l’arbre. Sur une parcelle de Gala du centre CTIFL de La Morinière conduite en AB, les applications d’argile à l’automne 2018 ont permis de fortement diminuer les infestations de pucerons au printemps, avec près de trois fois moins de foyers par arbre et cinq fois moins de pucerons.
Quatre applications de la spécialité Argibio (95 % d’argile kaolinite) ont été réalisées, et les conditions étaient propices au maintien de la couche de protection avec un automne sec. De plus, l’application d’argile a permis de réaliser une seule application d’azadirachtine (Neemazal T/S) en préfloral sur la modalité traitée, contre deux applications dans la modalité témoin (en pré et postfloral). En 2019, l’automne a été beaucoup plus pluvieux et a nécessité huit passages d’Argibio, additionné d’un adjuvant (Héliosol). Contrairement à l’année précédente, la stratégie automnale n’a cette fois pas permis une économie de traitements au printemps suivant.
En revanche, lors d’un autre essai réalisé à l’automne 2019 avec une argile formulée (Surround) en cinq applications, la stratégie qui associe argile et azadirachtine au printemps est plus efficace que celle avec insecticide seul. Ainsi, les applications d’argiles à l’automne réalisées dans des conditions climatiques favorables (pluviométrie faible à moyenne) peuvent permettre d’économiser un traitement au printemps et/ou d’augmenter l’efficacité de la stratégie à base d’azadirachtine. Cependant, la principale limite à l’application de barrière physique à l’automne est qu’elle est difficilement applicable sur des variétés à récolte tardive. En effet, les résidus d’argile sur les fruits peuvent générer des surcoûts de lavage en station de collecte et rendre les fruits invendables.
2/ Défoliation précoce
Une autre façon de perturber le vol retour est de provoquer une défoliation rapide et plus précoce que la sénescence naturelle. Comme pour les applications d’argile, l’objectif est de brouiller la localisation de l’arbre par les adultes ailés, et surtout d’empêcher l’alimentation ainsi que la reproduction sur les arbres et, de fait, la ponte des œufs. La défoliation précoce est provoquée par une phytotoxicité volontairement induite par l’application d’engrais foliaires, principalement des chélates de cuivre ou des sulfates de zinc. L’application doit être positionnée après la récolte et avant l’intensification du vol retour, mais une défoliation trop précoce peut entraîner un refleurissement des arbres. Par ailleurs, il est recommandé de vérifier le taux de chute des feuilles, et de réaliser une deuxième application si celui-ci est inférieur à 80 % dix jours après le premier passage. La vitesse de chute dépend de la vigueur de la variété.
Granny serait plus difficile à défolier que Golden, Gala, Braeburn ou Crimson Crisp. De plus, les essais n’ont pas montré d’impact négatif de la méthode sur le retour à fleur au printemps. Cependant, cette technique de défoliation précoce ne peut s’appliquer que sur les variétés récoltées avant début octobre, car l’utilisation d’engrais foliaires n’est pas homologuée sur fruit. Le sulfate de zinc dosé à 1 % a été identifié comme une alternative au chélate de cuivre, bien qu’il ne soit actuellement pas conseillé puisqu’un risque de toxicité racinaire n’est pas encore exclu. Concernant l’efficacité de la méthode de défoliation précoce, les essais conduits sur la saison 2018-2019 mettent en évidence une diminution des populations printanières de 50 % en moyenne.
3/ Application d’insecticides de biocontrôle
Sur les variétés récoltées après début octobre, la défoliation précoce et les applications d’argile ne sont pas possibles. Des travaux ont pour objectif d’identifier les produits, les doses et les positionnements optimaux des applications d’insecticides à l’automne pour perturber la ponte sur les arbres. À la Pugère, deux essais ont été mis en place, en AB et en agriculture conventionnelle. Le premier comparait différentes doses et périodes d’applications en automne d’azadirachtine (Oïkos) et d’acides gras (Flipper), avec la référence de deux applications d’Oïkos en pré et postfloraison au printemps.
La modalité comprenant trois applications de Flipper à l’automne, puis une application d’Oïkos début mai, se rapproche le plus de la modalité référence, mais ces premiers résultats doivent être confirmer. L’essai en conventionnel comparait, à divers taux d’applications automnales, Teppeki (flonicamide), Catane (huile de paraffine) et Nori Pro (polymère organique de synthèse). La modalité de trois applications de Nori Pro à l’automne présente une efficacité de 89 %, proche de la référence. Ces résultats encourageants doivent là aussi être confirmés dans de prochains essais. Des essais en cours visent à identifier le nombre et le positionnement le plus optimal des insecticides automnaux.
Identifier le pic des vols retour
Afin de positionner de manière optimale les différentes stratégies à l’automne, un suivi du vol retour du puceron cendré du pommier est réalisé via un relevé hebdomadaire de plaques engluées jaunes et/ou frappages des arbres, avec récolte des pucerons dans un « parapluie japonais ». Les suivis de populations dans le Sud-Est, réalisés à la station d’expérimentation de la Pugère, montrent une intensification du vol entre le 25 octobre et le 20 novembre, avec un pic de vol centré sur la première décade de novembre. Les suivis réalisés dans le Val de Loire, sur le centre CTIFL de La Morinière, montrent une intensification du vol légèrement plus précoce entre le 15 octobre et le 10 novembre. Cependant, l’analyse met en évidence des décalages d’une année sur l’autre, notamment en 2020 où le pic de vol semble être décalé de près d’un mois, avec une intensification du vol autour du 30 novembre dans le Sud-Est et autour du 10 novembre en Val de Loire.