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Europe
Pêches et nectarines : « L’eau va être l’enjeu majeur pour la campagne 2023 »

Manque d'eau, sécheresse et inondations. Si les campagnes de pêches et nectarines européennes se déroulaient sans incident majeur climatique, permettant d'entrevoir un potentiel de production normal, la sécheresse qui sévit en Espagne et dans les Pyrénées-Orientales pourrait avoir un impact à la baisse sur les volumes et les calibres mais permettre une qualité exceptionnelle. Et en Italie, l'Emilie-Romagne vient de subir des inondations catastrophiques, les vergers sont ravagés. Les potentiels de production seront donc réactualisés en juin.

La nectarine à chair jaune Carene® Monecar cov montre des fruits de forme parfaite et une bonne qualité gustative de saveur semi-douce. © Sudexpé
L’Europe présente pour 2023 un potentiel normal, près de 3,4 millions de tonnes, mais on parle bien de potentiel et non de prévision de récolte, des incidents climatiques majeurs (sécheresse, inondations) étant encore en cours.
© Sudexpé / photo d'archives

Eric Hostalnou, chef de service Fruits et légumes à la chambre d’Agriculture des Pyrénées-Orientales avertit : « Les prévisions de récolte, ça n’est jamais un exercice facile. Les gelées, on a l’habitude, on peut anticiper, on arrive à gérer. Mais cette année, ce sont des événements climatiques exceptionnels, dont deux toujours en cours : la sécheresse en Espagne et dans le Sud de la France, et les inondations en Emilie-Romagne en Italie, et pour lesquels les pertes sont impossibles à estimer actuellement. »

Pour cette raison, les parties prenantes des prévisions de récolte européennes de pêches et nectarines se sont refusés à avancer des chiffres prévisionnels de récolte lors des Mardis de Medfel le 23 mai, mais préfèrent parler de potentiel de production à la mi-mai (soit avant les inondations des 17 et 18 mai en Emilie-Romagne).

NB : les chiffres présentés ci-dessous prennent en compte à la fois les pêches et nectarines, rondes et plates, et les pavies. Ces dernières sont majoritairement destinées au marché de l'industrie. Les pavies représentent la moitié de la production grecque mais sont peu produites en France notamment.

 

Un potentiel européen normal à réactualiser mi-juin

A mi-mai, l’Europe observait un potentiel de production 2023 en pêches et nectarines normal, après des années 2021 et 2022 très difficiles en raison des gros épisodes de gel. Il s’agit d’une hausse de +14 % sur un an et de +2 % par rapport à la moyenne 2017-2021. Mais ce potentiel sera sûrement revu à la baisse en raison des incidents climatiques en cours (sécheresse, inondations). Europêch’ et Medfel annoncent une actualisation des potentiels mi-juin.

  • France : 231 000 t (contre 228 000 t en 2022) ;
  • Grèce : 665 800 t (contre 699 300 t en 2022) ;
  • Italie : 933 000 t (contre 1 014 200 t en 2022) ;
  • Espagne : 1 548 700 (contre 1 033 100 t en 2022).

 

France : les Pyrénées-Orientales réellement impactés par la sécheresse

Le potentiel français serait stable et presque optimal, à 231 000 t, mais il sera peut-être revu à la baisse suivant les impacts de la sécheresse. Dans le détail des bassins :

  • Rhône-Alpes : 39 500 t ;
  • Paca : 75 700 t ;
  • Languedoc-Roussillon : 104 900 t ;
  • Sud-Ouest : 10 900 t.

L’hiver a été plutôt correct avec une absence de gels significatifs au printemps. La campagne serait normale mais avec 8 jours de retard comparé aux années précédentes qui étaient précoces. « On est sur une situation normale, avec à date une qualité plutôt bonne, mais cette épée de Damoclès qu’est la sécheresse : quel impact sur les quantités et le calibre ? », résume Bruno Darnaud, président de l’AOP Pêches et Abricots de France.

Il rappelle que de nombreux arrêtés sécheresse ont été pris dans le Sud-Est de la France, en particulier dans les Pyrénées-Orientales. « Il est impossible d’annoncer des pertes de récolte. On a eu quelques jours de pluie qui font du bien mais ne fait que reculer le problème. La sécheresse dans les Pyrénées-Orientales est historique, avec des arrêtés préfectoraux. Mais que sera la suite en termes de pluies ? de décisions administratives ? En tout cas sur le calibre, sur les premières pêches attendues dans les prochains jours, le calibre n’y est pas. »

En Paca, mieux fournie en eau avec ses canaux d’irrigation, et en Rhône-Alpes, pas impactée par le manque de pluie, les potentiels sont normaux.

 

Commercialisation : « des discussions constructives avec la grande distribution »

Et côté commercial ? Dans un contexte inflationniste, c’est la deuxième inconnue. Les producteurs européens de pêche et nectarine continuent d’observer une hausse des coûts de production. L’AOP Pêches et Abricots de France parle d’une hausse de +10 % pour cette année, après déjà une flambée de +12 à +13 % en 2022.

« Nous avons des discussions constructives avec la grande distribution mais il y a l’enjeu du 1er prix qui peut bloquer. Les consommateurs, qui sont le juge de paix, restent la grande incertitude dans une contexte de pouvoir d’achat restreint. Il vaut que nous trouvions un prix attractif pour eux et pour nous », analyse Bruno Darnaud.

 

 

Grèce : perte de surfaces en pêches au profit des kiwis

La Grèce prévoit un potentiel de 665 800 t, un niveau dans les normes, et une légère baisse de 5 % en pêches et nectarines et de -4 % en pavies.

« Il n’y a pas eu d’incidences climatiques majeures, résume Georges Kantzios de l’Asepop. L’hiver a été doux, la campagne était en avance d’une semaine mais le froid d’avril a annulé cette précocité. La pluie que l’on observe presque tous les jours en mai provoque une incertitude quant à la qualité des fruits, il faudra attendre un mois avant de se prononcer. »

La Grèce observe une diminution de son verger de pêches, en raison des mauvais rendements économiques de ces dernières années. « Les producteurs arrachent les pêchers et remplacent par des nectariniers, des cerisiers, des abricotiers. Mais surtout, surtout, ils plantent des kiwis », observe Georges Kantzios.

 

Italie : le Nord, déjà impacté par le froid et les pluies, ravagé par les inondations

Avant les inondations des 17 et 18 mai en Emilie-Romagne, l’Italie tablait sur un potentiel de production de 933 000 t, un baisse de -8 % sur un an et de -12 % sur la moyenne 2017-2021. Dans le détail des bassins, les potentiels à mi-mai étaient de :

  • Sud de l’Italie (qui concentre la moitié de la production italienne) : 665 100 t (légère hausse) ;
  • Centre : 54 400 t (stable) ;
  • Vénétie : 25 100 t (légère baisse) ;
  • Piémont : 79 000 t (légère baisse) ;
  • Emilie-Romagne : 109 400 t (forte baisse, et ce déjà avant même les inondations).

Les premières récoltes sont annoncées en retard dans le Sud, et sur un calendrier normal dans le Nord. Elisa Macchi, de CSO Ferrara, explique que le Sud est stable en surfaces et n’a pas observé d’incidents climatiques majeurs. « En revanche dans le Nord, qui accuse une baisse de surfaces de -3 à -4 %, les températures très froides et les pluies avaient en plus réduit le potentiel dans le Piémont et en Vénétie (-10 à -17 %) et surtout en Emilie-Romagne (-40 %). Puis les inondations en Emilie-Romagne vont changer la donne. L’eau est encore présente, il y a de la boue, des glissements de terrain. » Il est impossible d’estimer les dégâts avant au moins 2-3 semaines et la décrue.

 

Espagne : le Nord touché par une sécheresse historique qui ne sera pas prise en charge par les assurances

Après avoir perdu 400 000 t en 2022 en raison du gel, l’Espagne annonce un potentiel recouvré à 1 548 700 t (+50 % en pêches et nectarines et +40 % en pavies). Par bassin :

  • Andalousie : 59 500 t (légère baisse) ;
  • Extramadure : 129 100 t (stable) ;
  • Murcia : 338 000 t ;
  • Valencia : 15 700 t ;
  • Catalogne : 448 100 t ;
  • Aragon : 491 700 t.

Mais que restera-t-il réellement de ce potentiel ? Les régions du Sud sont paradoxalement moins impactés par la sécheresse car bien équipées en termes hydrauliques. Mais la situation est tout autre dans le Nord.

« En Espagne il n’y a pas eu d’incident climatique, mais à voir l’impact de la situation de manque d’eau. C’est maintenant, en mai et juin, que les aquifères doivent être re-remplies, après il est trop tard. Et ça fait 4-5 mois qu’il ne pleut pas », s’affole Javier Basols, de la Fédération des coopératives agricoles espagnoles. Manel Simon d’Afrucat (Catalogne) avertit : « Le modèle espagnol des assurances agricoles [qui a sauvé les exploitations espagnoles après les gels de 2022, NDLR] qui est un exemple dans l’Europe ne couvre pas la pénurie en eau pour les cultures irriguées. »

La fermeture du canal d’Urgell (irrigant 50 000 hectares) inquiète. Manel Simon explique : « Le canal d’Urgell permet l’irrigation de 55 % des pommes et poires espagnoles mais seulement 7 % des pêches. Une session d’arrosage, et une seule, aura lieu, en juin. La survie des arbres ne semble pas en jeu mais il y a possibilité de perdre tous les volumes de pêches de 2023. Nous estimions le potentiel de Catalogne en hausse de +4 % par rapport à la moyenne 2017-2021 ; mais si on perd 100 % des fruits à noyau du canal d’Urgell, alors le potentiel chutera à -5 %. »

Seule bonne nouvelle de la sécheresse : la qualité organoleptique. Sur les espèces précoces comme la cerise, les fruits se montrent très concentrés en sucre. « Donc en fruits à noyau, la qualité des fruits -pour ceux que nous arriverons à produire- devrait être exceptionnelle », conclut Manel Simon.

 

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