Pomme - Opération grand public
Ouvrez, ouvrez la porte aux vergers...
L’Association Nationale Pommes Poires (ANPP) organisait, les 20 et 21 août, une première opération “Vergers ouverts”. Quarante-quatre pomiculteurs ont accueilli curieux et cueilleurs.






Ce samedi 21 août, 7h45, un premier couple de retraités gare sa voiture à l’ombre, en bordure du verger de Marie-Claire et Jean Bertrand, à St-Nauphary (Tarn-et-Garonne). Ce sont les premiers visiteurs de la journée, venus cueillir leurs pommes chez le producteur.
Une tente est installée dans le pré, à quelques mètres des pommiers, pour se protéger du soleil. A l’entrée, des panneaux, réalisés par l’ANPP (Association Nationale Pommes Poires), expliquent comment est conduit un verger “écoresponsable” et quelles sont les principales variétés de pommes cultivées en France. Un présentoir propose des “tirés à part” du journal pour enfants “Le Petit Quotidien”, sur la pomme et les vergers, ainsi que des ballons gonflables. Des dépliants sur “Les secrets de nos vergers” sont à la disposition des visiteurs. Plus loin, à l’entrée du verger, une bâche a été placée à bonne hauteur pour indiquer l’opération “Vergers ouverts” chez ce producteur “agréé vergers écoresponsables”.
Sud-Ouest : 5 à 6 t de pommes cueillies pendant les deux jours
« Voilà maintenant dix ans que nous ouvrons nos vergers aux cueilleurs plusieurs fois dans l’année, fin août pour la Gala, le premier week-end d’octobre pour l’Ariane et fin octobre pour la Fuji, confie Jean Bertrand. C’est tout naturellement que nous nous sommes greffés sur l’opération “Vergers ouverts” de l’ANPP. Nous avons déjà cueilli et livré à Blue Whale, notre expéditeur, les pommes des branches les plus hautes et nous avons gardé sur les arbres celles qu’on peut atteindre sans échelle. Nous accueillons généralement, en deux jours, 200 à 300 personnes, qui cueillent elles-mêmes 5 à 6 t de pommes. Depuis trois ans, nous les leur vendons 0,60 euro le kilo. » Une bonne opération, à la fois pour les consommateurs, qui achètent ainsi des fruits de grande qualité à un prix imbattable, et pour le producteur qui encaisse 3 600 euros en deux jours, sans avoir à récolter ses pommes, ni à les conditionner. A cela s’ajoutent les ventes de pur jus de pomme (2,50 euros le litre) et de jus de pommes gazéifié (3 euros les 75 cl), fabriqués à façon pour Jean Bertrand par d’autres exploitants.
Sud-Est : deux jours de réjouissances dans une ambiance festive
Dans le Sud-Est, les deux départements des Hautes-Alpes et Alpes-de-Haute-Provence ont participé à cette opération.
Pour Patrick Massot, producteur dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, au Nord de Sisteron « cette initiative était bienvenue. Trop de messages négatifs ont été véhiculés sur la production de pommes. Il fallait ouvrir les vergers aux consommateurs pour les rencontrer, leur expliquer les réalités de notre métier et dénoncer des idées préconçues. Nos démarches PFI, dont les résultats sont garants de la sécurité alimentaire mais sont méconnus du grand public. J’admets que la profession a pêché par un manque de communication ou d’arguments de défense incompréhensibles du consommateur. Nous avons été les parents pauvres de la communication. Le message que j’aimerais faire passer, c’est que la production de pommes est en évolution constante et que l’on est loin de certains clichés. Nos démarches sont mal connues. Il faut insister sur nos efforts constants pour raisonner l’irrigation, les intrants, l’utilisation de produits phytosanitaires appliqués maintenant a minima. Sur des problèmes plus techniques mais plus naturels comme la confusion sexuelle pour lutter contre le carpo, l’enherbement sur le rang pour abriter les auxiliaires ; de toutes nos méthodes qui sont validées et acceptées par les cahiers des charges des distributeurs, afin de leur démontrer à quel point nos productions sont sécurisées et tracées. Il faut aussi que le consommateur admette qu’il y a des traitements qui sont incontournables au risque de perdre la totalité de la production, mais ceux-ci sont effectués dans le respect de la sécurité alimentaire. Si l’on explique clairement aux consommateurs, tous les efforts qui sont déployés et qui continuent de l’être, je reste persuadé que la consommation de pommes de qualité ne peut qu’augmenter. Il faut également leur indiquer que la France est très bien placée dans les techniques de production apportant toutes les garanties aux consommateurs, par rapport aux productions d’autres pays. Nous avons toujours discuté avec les distributeurs, jamais avec les consommateurs, il est temps de le faire, de leur dire que nous sommes entrés de plain-pied dans une démarche de développement durable. »
Les producteurs ont joué un rôle pédagogique
L’ambiance était festive chez Jacques Richier, Domaine de La Pradelle à Plan de Vitrolles (Hautes-Alpes), qui bien que producteur indépendant est adhérent de l’ANPP, participait aux journées “Vergers ouverts”. Un exercice facilité par le fait que Jacques Richier travaille en vente directe depuis quinze ans et possède une boutique le long d’une route très passante. En dépit de cela, il sait qu’il lui reste encore un long parcours d’explication à faire auprès des consommateurs. « ça me révolte, lorsque j’entends dire que si le produit n’est pas bio, il est mauvais, explique-t-il. Ce sont des attaques infondées. Pour ma part, je préfère expliquer à mes clients qu’il vaut mieux acheter la production locale, produite en PFI qu’un produit bio qui vient de très loin. Une certaine psychose s’est installée dans l’esprit de certains consommateurs depuis quelque temps. J’y suis d’autant plus sensible que je suis très régulièrement en contact avec eux. Je déplore profondément l’attitude de ces consommateurs emplis d’idées préconçues. Avec d’autres cela se passe mieux. Ils arrivent à admettre et à intégrer tous les efforts produits par les pomiculteurs. Dans ma famille, je suis la quatrième génération d’arboriculteurs et mon fils s’apprête à prendre la relève. Nous sommes des professionnels qui travaillent correctement et, pour moi, le concept de développement durable est un simple retour au bon sens. Il faut arrêter de se plaindre et reprendre les choses en main. »
Dans son verger, Jacques Richier a installé de la documentation, des fiches ludiques expliquant la récolte, les variétés, les différents stades d’évolution des fruits. Une famille de vacanciers venue des Pyrénées-Atlantiques arrive justement au Domaine de La Pradelle avec une avalanche de questions, n’ayant jamais vu « un vrai verger ». Tout y passe : pourquoi des filets de protection ? Quelles variétés ? Quels rendements ? Comment cueille-t-on les pommes ? A quelle époque ? De l’eau pour protéger contre le gel ? Impensable… A la question qui tue « et les traitements alors ? » c’est le grand-père qui monte au créneau : « Bien sûr qu’il en faut un peu. J’ai un poirier dans mon jardin et je sais parfaitement que si je ne le traite pas un peu, je n’aurai aucune poire sur l’arbre. »
Val-de-Loire : un sous-préfet dans les vergers
Claude Moron, producteur de pommes et ancien président de l’OP Pom’Evasion, et son neveu François Cordier, à la tête aujourd’hui de l’entreprise, ont été satisfaits de ce week-end. « Notre métier est mal connu et, avec ces portes ouvertes, nous tentons de démystifier notre travail et les fausses rumeurs qui peuvent être diffusées », regrette Claude Moron. Le sous-préfet saumurois Abdel-Kader Guerza et plusieurs élus locaux se sont passionnés durant 2 heures pour la production et la conservation de pommes sous un soleil de plomb, le dimanche après-midi. Les familles présentes se sont étonnées par exemple du mode de conservation qu’elles pensaient beaucoup plus compliqué et moins naturel. Et ainsi les deux pomiculteurs ont-ils répété au fur et à mesure des visites le principe : « Les pommes qui viennent d’être récoltées et versées le plus délicatement possibles dans les pallox grâce aux “picking bag” sont acheminées vers les chambres frigorifiques tempérées à 1 °C. Les fruits qui respirent encore mais très lentement dégagent toujours du CO2 (gaz carbonique). Celui-ci prend progressivement la place de l’oxygène. Le niveau du gaz carbonique passe alors de 0,03 % à 3 % de l’atmosphère. A ce stade, le producteur en stabilise la teneur en récupérant l’air à travers un charbon actif qui capte le CO2 qui est ainsi recyclé. »
Les quatorze affichettes explicatives de la production avaient été placées sur les poteaux soutenant le système paragrêle du verger en démonstration. Et à l’entrée de l’exploitation, les visiteurs ne pouvaient manquer le nouveau panneau installé depuis peu portant le label Ecoresponsable, agrément délivré par l’ANPP pour les exploitations respectant la biodiversité et privilégiant la lutte biologique avec l’utilisation d’auxiliaires au lieu de produits phytos. « Nous pratiquons ces méthodes depuis vingt ans, souligne le producteur. Et aujourd’hui nous maîtrisons bien le processus. »
La brochure “Les secrets de nos vergers” distribuée aux participants et éditée par l’ANPP reproduit les affichettes explicatives et les exigences des vergers Ecoresponsables. “Le petit Quotidien” destiné aux enfants et édité aussi par l’ANPP a été distribué aux jeunes visiteurs. Ces derniers ont pu goûter à la variété Gala qui a commencé à être récoltée. Et ils ont pu découvrir la nouvelle variété bicolore Rubinette d’origine suisse et élue “Saveur de l’année 2011” comme les variétés Belchard et Golden pour les adhérents de Pom’Evasion. Claude Moron estime que l’opération a donc été profitable et qu’il est nécessaire de la renouveler : « C’est la première fois que nous organisons des portes ouvertes. Et nous pouvons d’ores et déjà en tirer quelques améliorations comme mieux flécher le parcours pour venir à notre exploitation depuis Ambillou-Château. Nous souhaiterions aussi en retarder la date au début septembre. C’est en tout cas la remarque que je vais formaliser dans le questionnaire que je dois remettre à l’association. »
Les producteurs ont seulement regretté un faible nombre de visiteurs surtout le dimanche matin. Des invitations ont été diffusées pourtant dans la presse locale. Claude Moron est intervenu sur Radio Bleu Loire Océan. Le message a été gagnant puisque certains auditeurs se sont rendus sur le lieu de visite. Claude Moron, véritable ambassadeur de la pomme, qui estime avoir mangé plus de 9 t de pommes dans sa vie et qui a participé au livret “La Pomme, ses atouts santé” (Editions Expressions Santé) destiné aux professionnels de la santé, a choisi d’y présenter la recette traditionnelle des pommes au four : « C’est un dessert vraiment très facile à faire. Avec un éplucheur automatique, la pomme est vite épluchée. Enfournée au four, il suffit de 30 à 40 min de cuisson à 220-230 °C. Il n’est pas nécessaire d’y ajouter de l’eau ou du sucre. »
Si l’opération se renouvelle, Claude Moron démarchera aussi les offices du tourisme qui dans la région angevine pratiquent largement ce que l’on appelle le tourisme industriel et les visites d’entreprises.
Une opération qui est appelée à durer
« L’objectif de ces journées est de montrer au grand public l’engagement des producteurs dans la démarche “Vergers écoresponsables”, mais aussi de le sensibiliser au goût des pommes cueillies à maturité, explique Régine Duclos-Breil, responsable des relations avec la distribution et la restauration au sein de l’ANPP. Nous voulions également que l’opération soit bénéfique aux pomiculteurs participants et nous avons cherché à leur rendre service en leur proposant de nombreux outils pédagogiques. »
L’ANPP a beaucoup communiqué sur l’opération, au niveau national et dans les départements, mettant en avant les vergers à visiter. De leurs côtés, les producteurs ont également fait leur publicité, participé à des reportages télé, radio et dans la presse écrite, placé de petits panneaux sur le bord des routes, des affichettes chez les commerçants locaux, etc. « La participation du grand public a été très variable, selon les régions, selon que la météo était à la canicule, comme dans le Sud-Ouest, ou plus agréable, comme dans le Nord, mais aussi selon le bruit médiatique qui avait été fait alentours, note Sandrine Gaborieau, responsable marketing et communication de l’ANPP. Sur les quarante-quatre participants de cette première édition, beaucoup avaient déjà l’habitude de recevoir du public (écoles, vente à la ferme…), ce qui leur a facilité les choses, car ils possédaient une notoriété locale. L’un d’eux a même accueilli 1 500 personnes par jour ! »
Pour l’ANPP, le bilan est donc plus que positif et cette opération est appelée à durer. “Vergers ouverts” sera à nouveau organisée, l’année prochaine, avec davantage de producteurs. Toute la difficulté sera de choisir une date nationale unique, sachant que la maturité des fruits varie du Nord au Sud de la France. Heureusement, pour cette première édition, chaque région a pu proposer la cueillette de certaines variétés, mûres précocement.