Salon de l’Agriculture
Pouvoir d'achat : les fruits et légumes pénalisés par leur prix?
Au cœur des discussions sur le Salon de l’Agriculture : l’inflation des produits alimentaires et le pouvoir d’achat des Français. L’éternel débat sur le prix des fruits et légumes est revenu. Interfel a souligné que l’inflation d’un panier de fruits et légumes réellement acheté est moindre que l’inflation affichée. Et une matinée débat organisée par Aprifel a mis en évidence l’importance de différencier le prix en euros du prix à la calorie. Lorsque le budget est contraint, il est logique de se tourner vers des produits riches en énergie.
Au cœur des discussions sur le Salon de l’Agriculture : l’inflation des produits alimentaires et le pouvoir d’achat des Français. L’éternel débat sur le prix des fruits et légumes est revenu. Interfel a souligné que l’inflation d’un panier de fruits et légumes réellement acheté est moindre que l’inflation affichée. Et une matinée débat organisée par Aprifel a mis en évidence l’importance de différencier le prix en euros du prix à la calorie. Lorsque le budget est contraint, il est logique de se tourner vers des produits riches en énergie.
Alors que le pouvoir d’achat des consommateurs devient un sujet de plus en plus brûlant, que les enseignes de la grande distribution lancent des “paniers anti-inflations” les unes après les autres avec des produits de grande consommation à prix bloqués et que le gouvernement remet au cœur de ses réflexions le chèque alimentaire, les fruits et légumes ne sont pas épargnés. Les banques alimentaires alertent que les fruits et légumes comme la viande et le poisson, sont les plus demandés, parce que l’inflation a renchérit leur prix et l’institut CSA souligne que 86 % des Français ont perçu une hausse des prix pour les légumes (+ 12 points par rapport à 2021) et 85 % pour les fruits (+ 6 points).
Inflation réelle : les fruits et légumes plutôt préservés
Pourtant, d’une manière générale, et surtout par rapport à d’autres filière alimentaires (viandes, produits laitiers), la filière fruits et légumes a plutôt été préservé par l’augmentation générale des prix auquel le consommateur doit faire face. On parle de 5 à 6 %.
Laurent Gradin, président d’Interfel, a rappelé pour une interview à FLD le 2 mars sur le Salon de l’Agriculture que les fruits et légumes représentent 80 à 100 espèces. « Si 20 espèces flambent effectivement, 20 voient leur prix baisser et 40 restent stables, estime le président de l’interprofession. Dans le rayon lors de l’achat, les consommateurs se dirigent naturellement vers les produits qui coûtent moins. » Ainsi, selon le calcul d’Interfel basé sur les données Kantar, l’inflation du panier fruits et légumes réellement acheté ne serait que de 1 %.
L’institut CSA a ainsi souligné que le fait le plus notable est l’évolution des habitudes d’achat. On assiste à un glissement au niveau des gammes. Cela se caractérise par des achats moindres de fruits et légumes portant un signe de qualité ou un logo (origine France et locale comprises). 46 % des Français ont acheté moins de fruits et légumes de cette catégorie.
Une question de perception de cherté
Certes, certaines catégories, fragiles, sont effectivement chers, et la montée des labels et certifications a fait aussi monter les prix. Mais pour Interfel, les fruits et légumes ne sont pas dans les faits chers, mais perçus comme tels, et ce pour plusieurs raisons : absence de process donc croyance que “ça pousse tout seul” (d’où l’importance de communiquer sur les métiers de la filière), fluctuation des prix durant l’année, manque de connaissances de produits et de leur saisonnalité…
Sur ce dernier point, Interfel propose depuis le premier confinement les “Paniers malins”, des listes de courses pour nourrir une famille de quatre pendant une semaine pour 35 € de fruits et légumes. L’interprofession a aussi lancée dès fin 2018 une campagne de communication Cuisinés maison : « Cuisinés maison, les fruits et légumes frais restent légers dans votre budget ». « Une soupe faite maison revient ainsi à 1€ par personne », illustre Laurent Grandin.
Le sociologue de l’agriculture et de l’alimentation Eric Birlouez a aussi rappelé la force des représentations. « La viande c’est désormais has been, les fruits et légumes c’est tendance mais encore vu comme réservés aux élites et prenant du temps à préparer », a-t-il déclaré lors d’une matinée d’informations et de débat passionnante autour de l’alimentation durable, organisée par Aprifel le 2 mars à l’occasion du Salon de l’Agriculture.
Est-ce que la popularisation de ces produits par des grandes marques, comme McDo qui se lance dans les frites de légumes, pourrait donner l’impulsion à ce changement de paradigme ? Tel est en tout cas le vœu de Delphine Tailliez Lefebvre, directrice adjointe d’Aprifel.
Se nourrir pas cher, oui, mais avec des calories
Les fruits et légumes donc, ne sont pas si chers, en plus d’être bons pour la planète et pour la santé. Alors pourquoi leur consommation reste limitée ? A cette même matinée Aprifel, Nicole Darmon, directrice de recherche à l’Inrae et qui s’intéresse aux inégalités sociales quant à la consommation de fruits et légumes, a confirmé que les fruits et légumes était la catégorie alimentaire pour laquelle la différence sociale influence le plus le niveau de consommation.
« Les personnes en insécurité alimentaire sévère consomment en moyenne 231 g de fruits et légumes là où les Français dans la catégorie 1 en consomment 386 g et celles dans la catégorie la plus haute (catégorie 5) en consomment 450 g/jour [recommandation de l’OMS : 400 g/jour] », a-t-elle démontré.
Or cette catégorie reste celle où les niveaux de prix sont les plus modérés* : 1,3 €/kg pour des carottes, 2,5 €/kg pour des tomates… là où des chips affichent des prix autour des 8,4 €/kg. Ce ne serait donc pas le prix qui freinerait la consommation. Oui, mais… C’est en réalité là où le bât blesse, mais les choses sont plus subtiles. Nicole Darmon a ainsi rapporté le prix des aliments à leur valeur calorique. « C’est là que le bénéfice des fruits et légumes s’inverse. Pour 100 kcal, les tomates explosent à un prix de 1,7 €, loin, très loin des chips qui chutent à 0,2 €/100 kcal. Car les fruits et légumes sont riches en fibres, en vitamines, et minéraux, mais beaucoup moins en macroéléments (protéines-glucides-lipides) qui font l’énergie et les calories d’un aliment. »
Ainsi, avec un prix aux 100 kcal autour de 0,66 €, les fruits et légumes sont les produits les plus chers rapportés à la calorie. Les viandes et poissons tournent autour de 0,58 €/100 kcal. Les matières grasses agricoles sont situés très bas, 0,06 €/100 kcal, les céréales sont autour de 0,11 €/100kcal, les produits sucrées et salés à 0,18 €/100kcal. « C’est une très mauvaise nouvelle pour la nutrition. Les produits les plus sains sont aussi les plus chers. Soumis à des contraintes budgétaires, il est très logique que les consommateurs se tournent vers des produits riches en énergie. Ce sont malheureusement des produits souvent défavorables à la santé… et à l’environnement », conclut la chercheuse.
Opticourses, un outil pour manger sain avec un budget contraint. Nicole Darmon a conclu son intervention en présentant Opticourses, un projet qui s'est déroulé de 2011 à 2021 avec pour objectif d'améliorer le rapport qualité nutritionnelle/prix des achats alimentaires de personnes en situation de précarité. « Comment avoir une alimentation équilibrée avec un petit budget ? En s’appuyant sur la hiérarchie de l’impact carbone rapporté aux 100 kcal des catégories d’aliments, explique-t-elle. Pour les catégories de prix-calories équivalents, limiter la viande en allant davantage sur les fruits et légumes. Et remplacer les produits sucrés/salés par des légumineuses et des céréales complètes. On voit aussi que ces transitions permettent aussi une meilleure prise en compte de l’impact carbone, la viande de ruminants étant la plus impactante (plus de 1 500 g de CO2 pour 100 kcal de viande) là où les fruits et légumes sont moins impactant (215 g CO2/100 kcal). » Actuellement, le premier poste de dépenses de l’alimentation reste la viande et le poisson (20 % et 5 %) suivis des produits céréaliers puis des fruits et légumes.