Navet : Produire sous filet
La pression des mouches et des altises rend impossible la production de navet en Haute-Garonne sans utiliser de filets. Ceux-ci présentent néanmoins des contraintes à prendre en compte.
La pression des mouches et des altises rend impossible la production de navet en Haute-Garonne sans utiliser de filets. Ceux-ci présentent néanmoins des contraintes à prendre en compte.
« En production de navet de plein champ, le filet présente beaucoup de contraintes mais il est indispensable ». Valérie Ginoux, conseillère maraîchage à la Chambre d’agriculture de Haute-Garonne, est formelle. Pour protéger les navets contre les mouches du chou et les altises, les deux principales problématiques en culture de navet dans la région, la pose de filets est devenue incontournable. Ceux-ci sont le moyen le plus sûr de garantir rendement et qualité. Le positionnement d’insecticides est en effet difficile car il est impossible d’effectuer un suivi des vols de mouches du chou sans une identification en laboratoire. Or, celle-ci est coûteuse et requiert du temps. De plus, l’efficacité des insecticides est relative. Le réseau Dephy ferme légumes de Haute-Garonne travaille depuis 2011 sur la technique de production sous filet. Il en a dressé un premier bilan, que Valérie Ginoux, l’animatrice du réseau, a présenté en novembre dernier lors d’une journée technique maraîchage bio organisée par la Chambre d’agriculture de Haute-Garonne et Interbio à Toulouse.
Les attaques de pucerons sont aussi à surveiller
L’impact de la pose de filets sur l’Indice de fréquence de traitement (IFT), sur la pénibilité, sur les coûts de production et sur la marge a ainsi été évalué chez des producteurs du réseau Dephy ferme et hors réseau, sur culture de navet violet. Deux types de filets ont été testés. Les filets de maille plus large, moins chers, bloquent les mouches mais pas les altises, ils n’ont qu’un effet répulsif contre ces dernières. « L’utilisation de ces filets implique de surveiller les vols d’altises, indique Valérie Ginoux. La surveillance se fait au début du cycle des semis jusqu'au dernier vol d’automne, au cours duquel les pontes peuvent causer d’importants dégâts sur les récoltes de février-mars. » Suivant la situation observée, il pourra être nécessaire d’intervenir à l’aide d’un, voire deux insecticides, appliqués par-dessus les filets. Les attaques de pucerons sont aussi à surveiller et peuvent également nécessiter une application d’insecticide. Des filets dont la maille plus fine bloque les altises, plus coûteux, ont aussi été utilisés par les producteurs du groupe Dephy Ferme. « Hors problème de taupin, ces filets pourraient permettre de produire sans insecticide, les pucerons étant eux aussi normalement bloqués », avance Valérie Ginoux. Les parcelles de navet protégées par ces filets n’ont en effet pas nécessité un recours aux insecticides et présentent donc un IFT insecticide nul. Avec le filet bloquant uniquement les mouches, l’IFT insecticide est compris entre 0 et 2. Enfin, sans filet, il est compris entre 3 et 5.
Une marge brute négative sans filet
Les trois méthodes de production (sans filet, filet mouches et filet altises) ont également été comparées d’un point de vue économique. Les coûts de production ont été calculés sur la base d’un semis de 500 000 graines / ha de navet violet, avec récolte et lavage mécanisés. Sans filet, les pertes varient de 30 et 100 %, le calcul a été fait en les considérant à 60 %. Sous filet, la fertilisation en cours de culture se fait en fertirrigation par aspersion. La perte de surface par rapport aux cultures sans filet est estimée à 20 %. Les coûts de production totaux (intrants, emballage, mécanisation, irrigation, main d’œuvre) sont estimés à 13 864 euros/ha pour la production sous filet altises, à 12 985 euros/ha pour celle sous filet mouches et à 10 588 euros/ha pour celle sans filet. Le rendement est plus de trois fois moins important sans filet (7,5 t/ha) qu’avec un filet mouches ou un filet altises (18,7 t/ha). « En considérant un prix de vente des navets de 0,90 euros/ha, soit plutôt dans la moyenne haute, on obtient un chiffre d’affaires de près de 17 000 euros/ha avec les filets, et de moins de 7000 euros/ha sans filet », expose Valérie Ginoux. Au final, la marge brute la plus élevée est obtenue avec le filet mouches (3 845 euros/ha), tandis qu’elle est de 2 966 euros/ha avec le filet altises. Sans filet, la marge brute est négative, à -3 856 euros/ha (de ces marges brutes, il faut aussi déduire le temps de commercialisation et les charges de structure non comptabilisées). La marge moins importante obtenue avec le filet altises ne peut pas être compensée sur le marché de gros, qui ne valorise pas la baisse des insecticides, la concurrence européenne y étant très présente. « Economiquement, ce filet présente un intérêt dans le cadre de la vente directe, précise l’ingénieure Dephy Ferme. La vente directe permet une meilleure valorisation du produit, supérieure à 1,50 euros par kilo, ainsi qu'une prise de risque plus élevée liée aux petites surfaces, permettant de viser un IFT chimique nul. Elle tolère également un niveau qualitatif moindre ».
« Retirer le filet seulement à la récolte »
« Pour limiter la pénibilité liée à la manipulation des filets, il est conseillé de mécaniser au maximum. L’objectif est de poser le filet au semis et de ne plus le toucher jusqu’à la récolte. Les filets peuvent être enroulés sur un enrouleur d’irrigation ou en boule dans un pallox. La largeur sera la plus grande possible pour limiter les bordures fixées au sol (elle sera limitée par la largeur des planches et de la rampe de traitement pour les interventions sur le filet). Les filets sont enterrés mécaniquement à l’aide d’un buttoir. Les adventices devront être gérées en amont de la pose pour ne retirer le filet qu’à la récolte. Attention au stockage : les filets doivent être stockés à l’abri et impérativement protégés des rongeurs. »
Des filets moins utiles pour le céleri branche
L’impact des filets a également été évalué en production de céleri branche au sein du réseau Dephy Ferme 31. Il est apparu qu’en cas de faible attaque de mouche du céleri, le filet n’était pas rentable, notamment car il augmentait le risque de septoriose et donc l’utilisation de fongicides. En cas de forte attaque, le filet peut être rentable sous réserve de planter toute la surface.