L’industrie convoite les légumes bio
L’essor de la bio touche toutes les filières, et les légumes transformés n’y dérogent pas. Cette culture implique maîtrise technique et démarche de contractualisation.
L’essor de la bio touche toutes les filières, et les légumes transformés n’y dérogent pas. Cette culture implique maîtrise technique et démarche de contractualisation.
« La bio a changé d’échelle, elle sort de son milieu historique et touche d’autres clients », annonce Arnaud Brulaire, responsable développement durable chez Picard, lors d’une conférence consacrée aux légumes bio transformés durant le Sival. Si l’essentiel des volumes des légumes bio produits en France se destine au marché du frais, la filière bio pour la transformation connaît une croissance exponentielle dans un marché très porteur, où l’offre est très inférieure à la demande. « La tendance est là, c’est une lame de fond », résume Yannick Van Landeghem, directeur de l’OP Uniprolédi, qui regroupe 250 producteurs de légumes destinés à l’industrie dans le Sud-ouest, lors d’une journée technique organisée dans le Lot-et-Garonne en décembre. « Nos partenaires ont des besoins grandissants, indique le responsable. Presque 10 % de nos surfaces étaient en bio en 2017, cette part devrait passer à 15 % assez rapidement ». Dans la filière légumes bio pour la transformation, le système de production est basé sur la contractualisation, avec des prix déterminés à la fin de l’hiver ou au début du printemps. « C’est réconfortant de connaître le prix d’achat avant semis ou plantation, mais il faut que ce prix soit rémunérateur », constate Hervé Aribaud, producteur dans le Loiret et fournisseur de l’industriel Maingourd, rattaché au groupe d’Aucy, lors du Sival.
La production directement en lien avec l’usine
« Nous mettons actuellement en place avec un de nos clients un nouveau type de contrat d'une durée de trois ans reconductibles, avec surfaces et prix définis, évoque Sylvie Crozat, technicienne tomate industrie Uniprolédi. L'objectif est d'accroître encore la visibilité du producteur en termes économiques mais aussi agronomiques, en permettant d'anticiper la gestion des rotations et des espèces cultivées sur l'exploitation ». En 2017, les prix de vente des principales productions d’Uniprolédi ont été de 180 €/t pour la tomate, 519 €/t pour le haricot vert et 293 €/t pour le maïs doux. Pour le petit pois, les premiers volumes ont été payés 825 €/t en 2017, puis le prix est dégressif en fonction du rendement : 650 €/t pour la deuxième partie de production. « Pour la tomate, avec un rendement moyen de 40 t/ha en 2017, les producteurs ont touché environ 7 200 €/ha, auxquels s’ajoute une aide couplée Tomate industrie de 1 000 €/ha », précise Sylvie Crozat. Avec des charges opérationnelles estimées au total à 5 748 €/ha, la marge opérationnelle (hors aides PAC) s’élève en 2017 à 2 452 €/ha. Dans le cadre de la contractualisation, le planning de production est directement en lien avec le planning de récolte usine. Pour l’ensemble des cultures, les choix variétaux et les dates de semis et de récoltes sont déterminés par l’OP, afin d’avoir une production qui correspond aux besoins des usines. « L’autre raison d’être de l’OP est la mécanisation, à travers notre propre CUMA, souligne Yannick Van Landeghem. Il y a ainsi une mutualisation des machines de récolte et du matériel de semis et de plantation. » En tomate, la plantation a lieu en mai pour une récolte en septembre. Le mildiou est la principale maladie rencontrée. « Même avec des variétés tolérantes, il est nécessaire de traiter les cultures avec une spécialité à base de cuivre », indique Sylvie Crozat. Pour être efficaces, les traitements doivent être réalisés avant les pluies contaminatrices et renouvelés après lessivage. Contre la noctuelle de la tomate, Bt et spinosad sont efficaces sur larve. La spécialité Success 4 est le plus souvent utilisée en tomate de conserve.
Origine France recherchée
La question de l’origine géographique des produits commence à intéresser également les industriels. « Nos clients sont des industriels et des restaurateurs. Une dizaine s’approvisionnent uniquement en produits bio, et parmi eux certains recherchent une origine France, voire régionale », explique le directeur d’Uniprolédi. Une tendance confirmée lors de la conférence du Sival sur les légumes bio transformés : « Dès 2009, nous avons créé notre logo " Producteurs régionaux – fabriqué en France ", qui assure qu’au moins 70 % des ingrédients agricoles sont d’origine France », raconte Marie Rémy, responsable projets filières du groupe Léa Nature. « Nous lançons un projet bio régional, piloté avec la Fédération nationale d’agriculture biologique, pour faire de la régionalisation dans nos magasins », annonce Arnaud Brulaire, de Picard. Mais l’approvisionnement à l’étranger reste encore important. « On est obligés de compléter en allant chercher des produits à l’étranger, comme pour le haricot vert dont la moitié des volumes vient de France, le reste d’Europe », complète Marie Rémy.