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Les challenges du maraîchage périurbain

Le maraîchage en périphérie des villes est soumis aux multiples contraintes de l’urbanisation. Mais il peut aussi tirer profit d’opportunités comme la demande en produits locaux.

Dans les espaces périurbains, l'accès au foncier est difficile, à la fois pour la terre, les bâtiments techniques et le logement. © RFL
Dans les espaces périurbains, l'accès au foncier est difficile, à la fois pour la terre, les bâtiments techniques et le logement.
© RFL

« En 2050, 68 % de la population mondiale vivra en ville, contre 55 % aujourd’hui. Il y a donc un enjeu fort d’accessibilité des fruits et légumes frais », souligne Françoise Lescourret, présidente du GIS Piclég lors d’un webinaire sur le maraîchage périurbain, organisé en octobre 2020 par le département « Action, transition et territoires » ACT d’INRAE et le GIS Piclég. En France, la part de citadins est même supérieure à 75 %. Parmi eux, de plus en plus vivent dans des territoires périurbains, entre ville et campagne. Selon Coline Perrin, géographe à INRAE, 30 % de la population française vivait en périurbain en 2014.

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« L’espace périurbain se caractérise par la discontinuité du bâti, une diversité de paysages et une relation fonctionnelle à la ville », indique-t-elle. Dans ces espaces, le marché foncier est très tendu, ce qui constitue un verrou important pour le maraîchage. Le prix du foncier est plus élevé qu’à la campagne, et l’accès à ce foncier est rendu difficile par la compétition entre les usages agricoles et non agricoles. « Pour les agriculteurs périurbains, il y a donc une difficulté d’accès à la fois à la terre, aux bâtiments techniques, et au logement, résume Coline Perrin. Mais le périurbain présente aussi des opportunités. Il permet une proximité géographique avec les consommateurs, et peut donc répondre aux attentes de local, de circuits courts et d’agroécologie ». Des attentes que les collectivités territoriales souhaitent prendre en compte en favorisant l’installation d’exploitations agricoles dans les zones urbaines et périurbaines (voir encadré).

Le périurbain s'est peu à peu déconnecté de l’agriculture de proximité

Maraîchage et ceintures des villes sont historiquement liés. Le maraîchage faisait ainsi référence au XVIIIe siècle aux jardins potagers situés sur les marais en périphérie de Paris, où était concentrée la production de légumes. Cette pratique agricole s’est ensuite spécialisée peu à peu dans les cultures fragiles puis dans les légumes feuilles. Dans l’histoire plus récente, le périurbain s’est progressivement déconnecté de l’agriculture de proximité, parallèlement à une spécialisation régionale des filières de production agricole. Le développement de l’urbanisation dans les ceintures vertes s’est fait au détriment de la production agricole. Deux tiers des exploitations maraîchères périurbaines auraient ainsi disparu en Ile-de-France entre 2000 et 2010. En ceinture verte de Toulouse, le nombre de maraîchers diminue aussi, une tendance couplée à une spécialisation sur certaines cultures (salades, choux, oignons blancs…). Mais les volumes se maintiennent.

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Une part importante des exploitations maraîchères reste cependant située en zone périurbaine, d’après Christophe Soulard, du département ACT à INRAE. « En 2010, sur 16 000 exploitations maraîchères, 25 % étaient situées dans des pôles urbains, et 30 % dans des couronnes périurbaines », note le spécialiste. Maraîchage et horticulture sont les catégories de production agricole les plus urbaines et périurbaines. En revanche, les exploitations en circuits courts sont plus faiblement présentes en proportion dans les pôles urbains. Elles sont davantage représentées dans le périurbain éloigné et le rural proche.

Pas un seul type d’exploitation

Le maraîchage périurbain ne peut se résumer à un type d’exploitation, car la demande alimentaire des villes est plurielle : marchés, groupements de consommateurs, restauration collective, commerces… « Pour y répondre, il faut une diversité de modèles agricoles : du réseau de petites fermes en circuits courts jusqu’aux exploitations et filières capables de garantir et tracer des volumes importants et de la qualité, observe Christophe Soulard. Ces modèles concernent une grande diversité sociale et économique d’acteurs maraîchers ».

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Christophe Soulard est le co-auteur d’une étude de 2015 sur les systèmes maraîchers urbains et périurbains en Méditerranée. Les auteurs de cette étude ont comparé des exploitations maraîchères des aires urbaines de Montpellier, Pise (Italie) et Meknès (Maroc). L’étude s’appuie sur des enquêtes auprès d’agriculteurs, tous systèmes de production confondus à Meknès (environ 80 exploitations) et à Pise (57), et uniquement pour des maraîchers à Montpellier (30). Trois typologies d’exploitations maraîchères périurbaines ont été identifiées : les exploitations moyennes diversifiées, les grandes exploitations spécialisées, et les petites exploitations en circuit court exclusif, à dominante bio (voir encadré).

« Les maraîchers de la périphérie de Montpellier sont confrontés à un accès de plus en plus contraint au foncier alors que paradoxalement beaucoup de terrains sont en friche à proximité des zones bâties », constatent les auteurs de l’étude. Le prix des terres agricoles peut atteindre 15 000 à 20 000 €/ha. « Seules les grandes exploitations arrivent à trouver des arrangements avec les propriétaires terriens car ils se contentent de location saisonnière, le temps de la culture du melon, qu’ils rémunèrent à très bon prix (jusqu’à 750 voire 1 000 €/ha) car le melon ne peut revenir sur la même terre qu’après six ans. Ces exploitations hyperspécialisées développent une culture nomade quitte à s’éloigner de leur base. »

 

En savoir plus

L’étude sur les systèmes maraîchers urbains et périurbains en Méditerranée (Dugué P, Soulard C-T, Marraccini E, Michel, I, Houdart, M.)

Projet Bâti Alim

Trois types d’exploitations maraîchères périurbaines à Montpellier, Pise et Meknès

Les exploitations moyennes diversifiées, de 5 à 50 ha, combinent abris et plein champ. Majoritairement familiales, ces exploitations sont à dominante circuit long, mais travaillent aussi en circuits courts dans 50 % des cas. Elles produisent 5 à 10 espèces légumières, avec une part en bio (sauf au Maroc). Ce type d’exploitations, apparu dans les années 1970, est en déclin depuis 2010 à Montpellier et Pise, alors qu’il se maintient dans la vallée de Meknès.

Les grandes exploitations spécialisées produisent sous abris ou en plein champ, avec parfois un atelier céréales et/ou élevage. Ce sont des exploitations de 50 à 500 ha, de type familial ou firme, qui cultivent moins de 5 espèces et sont souvent en monoproduction. Les circuits longs sont dominants chez ces exploitations, avec peu de bio. Cette catégorie s’est développée à partir des années 1980. Elle est en progression à Montpellier (surtout pour le melon) et dans la plaine de Meknès (surtout l’oignon). Elle a en revanche disparu à Pise.

Les petites exploitations en circuit court exclusif, à dominante bio, sur 1 à 13 ha, constituent la troisième catégorie d’exploitations maraîchères périurbaines. Elles sont souvent très diversifiées (plus de 10, voire 20 espèces cultivées), ou sont spécialisées sur un créneau spécifique. Les chefs d’exploitation sont principalement des maraîchers traditionnels en fin de carrière ou des néo-agriculteurs à Montpellier et à Pise, et des agriculteurs familiaux à Meknès. Ces petites exploitations sont en développement à Montpellier et à Pise mais semblent en déclin à Meknès où elles sont menacées par l’urbanisation et la pollution de l’eau d’irrigation.

 

Le rôle des collectivités urbaines

Les actions des villes sont importantes pour inciter les installations maraîchères. Les politiques alimentaires urbaines peuvent agir sur plusieurs leviers : foncier, économie, logistique, restauration collective, aide alimentaire… Ainsi, les Projets alimentaires territoriaux (PAT) créés dans la Loi d’avenir du 13 octobre 2014, ont pour objectif de « relocaliser l’agriculture et l’alimentation dans les territoires en soutenant l’installation d’agriculteurs, les circuits courts ou les produits locaux dans les cantines ».

L’élaboration des PAT associe différents acteurs des territoires : collectivités, associations de consommateurs, producteurs, grossistes, supermarchés, organismes de recherche… A titre d’exemple, le PAT de Bordeaux métropole a pour but de répondre à quatre enjeux prioritaires : « permettre à tous d’exercer son choix d’une alimentation saine et durable », « lutter contre le gaspillage alimentaire », « renforcer la capacité agricole alimentaire du territoire » et « relocaliser les filières et encourager les circuits courts et de proximité ». En septembre 2020, on recensait 189 PAT, portés à 90 % par les collectivités locales et territoriales.

Un bâti alimentaire plus durable

Des solutions innovantes de gestion des bâtiments alimentaires sont expérimentées au cours du projet de recherche Bâti Alim.

 

 
Les bâtiments alimentaires désignent les bâtiments dédiés à la production agricole, mais aussi à la transformation, au conditionnement, à la vente... © RFL

Dans un contexte de développement de l’approvisionnement alimentaire local des villes, l’accès au foncier pour les exploitations agricoles est primordial. A la fois pour les terres cultivables mais aussi pour les bâtiments alimentaires (c’est-à-dire les bâtiments de production agricole, transformation, conditionnement, logistique, vente…). Le projet de recherche Bâti Alim, mené depuis 2018 par des chercheurs d’INRAE, vise une gestion durable du bâti alimentaire. « Le projet part du constat que les nouveaux besoins en bâtiments alimentaires sont mal connus », indique Brigitte Nougarèdes, sociologue à INRAE et coordinatrice du projet. Ces besoins doivent être remplis tout en préservant les espaces agricoles du mitage et de l’urbanisation.

Modularité, auto-construction, mutualisation et mobilité

Pour les acteurs du projet, la gestion durable du bâti alimentaire doit intégrer les enjeux environnementaux (préservation des terres agricoles), paysagers (intégration paysagère des bâtiments), économiques (liés aux ressources financières limitées des porteurs de projets), mais aussi sociaux et éthiques. Les solutions architecturales envisagées reposent notamment sur la modularité, l’auto-construction, la mutualisation ou encore la mobilité des structures.

Deux expérimentations ont été présentées par Brigitte Nougarèdes lors du webinaire sur l’agriculture urbaine : la première a lieu à Lodève, dans l’Hérault, et concerne l’installation de deux maraîchers sur du foncier public. Les prototypes de bâtiments associent un module de stockage de matériel avec un module de stockage de légumes, avec un auvent pour l’accueil et la préparation de paniers de légumes. La deuxième expérimentation, à Génolhac dans le Gard, consiste en un atelier de transformation de légumes. Quatre modules sont prévus pour l’atelier, associé à un auvent pour le prélavage des légumes.

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