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Légumes et fraise : une protection des cultures par les UV

Les rayons UV-C constituent une piste prometteuse pour la protection des cultures de légumes et fraise contre différents bioagresseurs. Plusieurs travaux sont en cours, en laboratoire comme en culture.

Utilisés notamment dans le domaine médical pour leur action désinfectante contre les micro-organismes, les rayons ultraviolets UV-C (dont la longueur d’onde est comprise entre 200 et 280 nm) ont aussi montré une efficacité pour le traitement post-récolte des fruits et légumes et contre leurs insectes ravageurs. Ils agissent en affectant la structure de l’ADN des organismes exposés et donc en endommagent leurs fonctions cellulaires. Ces rayons offrent une solution potentielle dans la gestion des maladies, mais restent à risque pour les opérateurs et les plantes si l’application est inadaptée. De nombreux travaux de recherche récents ou en cours évaluent l’efficacité des traitements aux UV-C, en laboratoire ou en culture.

Un effet des UV-C immédiat, mais pas seulement

Le CTIFL a débuté en 2017 un travail d’évaluation en laboratoire du niveau d’efficacité de l’exposition aux UV-C, appliquée sur les principaux bioagresseurs du fraisier : les pucerons (Acyrthosiphon malvae rogersii et Aphis spp.), les acariens tétranyques (Tetranycus urticae), les aleurodes (Trialeurodes vaporariorum), l’oïdium (Podosphaera aphanis) et les thrips (Thrips tabaci), prélevés sur des fraisiers naturellement contaminés en culture. Dans le cas de l’oïdium, l’inoculum primaire a été récupéré en culture, puis multiplié sur folioles détachées en enceinte climatique, en suivant un cycle de deux périodes : 12h d’obscurité à 22°C et 70 % d’humidité relative et 12h de lumière à 22°C et 50 % d’humidité. Pour cette étude, trois types de lampes UV-C ont été utilisés au sein de trois dispositifs : le dispositif principal permettait d’exposer une seule face des folioles à la fois, avec la possibilité de régler la distance au tube à mercure ; le deuxième permettait d’exposer les deux faces de chaque foliole simultanément ; le troisième consistait en une lampe à mercure dans un bocal étanche, un dispositif utilisé spécialement pour les tests thrips. Différentes doses d’UV-C ont été testées en faisant varier la durée d’exposition et la distance entre le tube et les folioles infestées. « L’efficacité du traitement aux UV-C dépend de la durée d’exposition mais également de la distance entre le bioagresseur et le tube à mercure, souligne l’article d’Infos CTIFL(1) sur les travaux du centre d’expérimentation. Des expositions uniques mais également quotidiennes sont faites au cours de l’essai afin d’évaluer leurs intérêts dans la gestion des bioagresseurs du fraisier. Les taux de mortalité obtenus à la distance de 7 cm sont significativement plus élevés comparés à ceux obtenus lorsque cette distance était augmentée de seulement quelques centimètres ». L’effet des UV-C n’est immédiat qu’en partie, certains acariens et pucerons sont aussi éliminés dans les 24 h qui suivent une exposition. En cas d’expositions répétées de façon quotidienne, quatre des huit modalités sont marquées par une élimination totale des pucerons au bout de quatre applications. Il semble donc préférable de les exposer aux UV-C de façon récurrente mais plus courte que d’effectuer une seule exposition prolongée pour obtenir un même niveau d’efficacité.

80 % des thrips morts après 62 mn d’exposition

Les tests effectués sur les folioles infestées au laboratoire montrent un effet biocide satisfaisant pour lutter contre les acariens, soit avec une exposition unique, soit avec des expositions entre 10 et 20 mn répétées quotidiennement (jusqu’à 100 % de mortalité en trois expositions). En moyenne, sur les 6 tests d’exposition unique, 77 % de mortalité a été constaté après 10 mn d’exposition à 10 cm et jusqu’à 87 % de mortalité après 13 mn à 10 cm. « L’effet biocide sur les pucerons est moins rapide car il faut une exposition d’au moins 30 mn pour obtenir une mortalité équivalente à celle obtenue en 20 mn avec les acariens », notent les auteurs de l’article . Pour les larves et pupes d’aleurodes, la mortalité directe liée à l’exposition aux UV-C n’a pas pu être déterminée en raison de leur immobilité à ces stades. Mais après 20 jours en chambre climatique, l’ensemble des boîtes contenant les folioles exposées 20, 30 et 45 mn à 15 cm du tube à mercure ne présentaient aucune forme adulte ailée de l’insecte alors qu’un nombre important d’adultes (entre une dizaine et une cinquantaine) avaient émergé dans les boîtes avec les folioles non exposées aux UV-C. Des thrips ont aussi fait l’objet de suivi de survie après une exposition de durée croissante aux UV-C. Lors du premier test, 80 % des thrips sont morts au bout de 62 mn d’exposition, pour le deuxième test il a fallu 120 mn pour 83 % de mortalité. Quant à l’oïdium, on observe bien un effet inhibiteur de la sporulation du champignon responsable de cette maladie par les UV-C. Une durée d’exposition de 15 mn semble suffisante pour limiter la faculté de contamination d’un inoculum. Depuis l’an dernier, l’étude se poursuit en culture, pour appréhender le niveau d’innocuité en fonction des durées et fréquences des UV-C.

Des résultats prometteurs en serre de fraises

Des essais sont déjà menés en culture dans le cadre du projet européen Interreg Nord-Ouest UV-Robot (2) . Ces travaux ont notamment évalué l’application d’UV-C par un robot dans des serres de fraise de la station d’expérimentation belge d’Hoogstraten. Ils ont visé à déterminer la période d’application, la dose, la fréquence et les effets sur les maladies et ravageurs et également sur une éventuelle perte d’efficacité des produits appliqués sur la culture. Les travaux sur fraise confirment que les UV-C n’accélèrent pas la dégradation des molécules actives des produits chimiques appliqués et ne nécessitent aucun temps d’attente entre deux traitements. Des différences très significatives se font observer entre une application diurne et une application nocturne. En effet, pour un résultat similaire, un traitement cinq fois moins important de nuit sera tout aussi efficace sur l’oïdium que s’il avait été effectué de jour. Les UV-C dégradent l’ADN du pathogène mais qui peut se réparer grâce à la lumière, bleue, disponible seulement en journée. L’utilisation d’UV-C n’a pas impacté les rendements ni le calibre des fruits. En cas de faible ou forte pression de la maladie, la conduite à suivre sera différente. Une pression plus forte induira une intensification des traitements . Concernant les autres maladies et ravageurs, les acariens sont en nette diminution avec trois traitements hebdomadaires tout comme le botrytis, alors que les thrips ne semblent pas réagir. Après les premiers essais, il s’avère que la population d’auxiliaires utilisée contre les acariens semble diminuer avec les traitements UV-C.

Un robot applicateur d’UV conçu pour les serres

Le robot applicateur d’UV utilisé dans le projet UV-Robot est développé par l’entreprise belge Octinion. Le véhicule en lui-même constitue la base du robot pour les cultures sphériques (fraises) et verticales (tomates/concombres). Les roues sont conçues de manière à pouvoir circuler dans les couloirs centraux en béton, ainsi que sur les tubes rails de chauffage entre les rangs de culture. Le robot doit être équipé d’une suspension avant permettant de réduire les vibrations induites sur la rampe et portant les lampes UV-C. Deux moteurs distincts assurent la traction du robot et l’orientation des roues peut être modifiée afin d’offrir d’excellentes capacités de direction. Les vitesses, et par conséquent la dose à appliquer, devront être programmées via une interface développée par CESI (campus d’enseignement supérieur et de formation professionnelle). Si nécessaire, le robot pourra également être contrôlé manuellement par un smartphone. Des réflecteurs permettent de concentrer le rayonnement UV-C sur les plantes. La technologie de lampe actuelle (tubes TL) a une durée de vie moyenne de 9 000 heures. Cependant, si les lampes sont allumées et éteintes trop souvent, leur durée de vie diminue considérablement. Les stations expérimentales de l’Arelpal site CDDM (Loire-Atlantique) et du Caté (Finistère) conduiront respectivement des essais en conditions réelles de productions en concombres et tomates. Durant ces trois mois (février à mai 2021 pour le CDDM, et de juin à août 2021 pour le Caté), les deux stations se familiariseront avec le robot et organiseront des portes ouvertes afin de faire un retour aux producteurs.

Des doses faibles et répétées d’UV-C

Dans le Sud-ouest, Invenio travaille également sur le sujet des UV-C à travers le projet Dephy expé Fragasyst. Des essais débutés en 2019 visent à lutter contre l’oïdium en serre de fraise par l’utilisation de lampes UV-C au-dessus des cultures. Ces essais s’appuient sur des travaux en laboratoire de l’Université d’Avignon, qui ont montré un effet stimulateur des UV-C avec des doses faibles et répétées d’UV-C pour la laitue et la tomate contre Botrytis cinerea ainsi que contre l’oïdium du fraisier. « Les lampes sont allumées seulement cinq minutes par semaine, pendant la nuit », indique Marion Turquet, responsable des essais à Invenio. Si en 2019, les traitements UV-C, débutés au mois de mars, n’ont pas montré d’effets sur fruits, les résultats de 2020 semblent beaucoup plus probants. Cette année, les traitements aux UV-C ont débuté beaucoup plus tôt, dès janvier. « Après douze semaines d’essai, la modalité traitée aux UV-C présente une part significativement moins importante de fraises avec oïdium que le témoin non traité », rapporte l’ingénieure.

(1) Infos CTIFL n°351, mai 2019. Protection alternative du fraisier : évaluation en laboratoire de l’utilisation des UV-C – Alain Bardet (CTIFL), Marine Cabacos (CTIFL/Agrosup Dijon)
(2) Projet impliquant 9 partenaires en Belgique, France et Royaume-Uni, dont le Caté et l’Arelpal - CDDM

Des travaux aussi sur cultures légumières

Tomates, concombres, laitues et basilic sont les autres cultures pour lesquelles l’optimisation et l’automatisation de la technique des UV-C sont étudiées au sein du projet européen UV-Robot.

 
Les objectifs principaux du projet Interreg Nord-Ouest sont de développer des robots pour un contrôle autonome de l’oïdium et du mildiou, d’intégrer cet outil dans une stratégie de PBI, et d’accompagner la mise en œuvre de l’innovation auprès des producteurs lors de la prise en main du robot. Le projet implique neuf partenaires en Belgique, France et au Royaume-Uni, dont les stations légumières françaises Arelpal (site CDDM) et Caté. Concernant les essais sur cultures légumières, « on observe les mêmes effets que sur fraise, mais il faut être encore plus prudent sur ces cultures, note Peter Melis, du centre de recherche d’Hoogstraten en Belgique. Car si la fraise peut tolérer beaucoup d’UV, c’est moins le cas pour la tomate et le concombre ». L’application d’UV-C sur les plants de tomates n’a pas impacté la croissance de la plante, ni la qualité des fruits ou celle du rendement (essais réalisés en 2018 et 2019 par la station de Hoogstraaten). La dose utilisée pour lutter contre l’oïdium variait entre 120 J/m² et 240 J/m² de jour. Concernant les ravageurs et les auxiliaires, les effets se sont ressentis sur Tuta absoluta et les acariens de la tomate avec une diminution de leurs populations. Les essais seront répétés pour confirmer les observations de 2019. Aucun effet n’est à enregistrer sur Encarsia et Macrolophus, mais aussi sur les aleurodes. Les traitements sont à éviter sur les bouquets en fleur. En effet, les fruits qui en résultent sont impactés négativement. Pour 2020, les essais fourniront plus d’informations sur la dose, la fréquence et les périodes optimales d’application.

 

Des premiers résultats plus mitigés sur laitue

Sur concombres, les traitements UV-C réalisés à la station belge de Sainte-Catherine sont appliqués préventivement avec une dose de 15 mJ/cm² (soit 1,5 J/m²). Les répercussions ont été positives sur la diminution de la maladie, mais aussi sur l’aspect qualitatif de la plante en général. Comme pour les essais en fraises, la conduite d’UV-C s’intègre très bien avec les applications de produits et ne cause aucun effet secondaire néfaste concernant l’efficience ou la dégradation des molécules actives. Des essais nocturnes ont eu lieu à quatre doses différentes à un rythme de trois fois par semaine, avec une réduction significative de la maladie. Au-delà de cinq traitements hebdomadaires à une dose de 100 mJ/cm², on observe une diminution de la surface foliaire après trois semaines. Pour la laitue, la station de Sainte-Catherine obtient des résultats mitigés contre le mildiou et le botrytis aussi bien en action préventive que curative. Des impacts sont observés dès que la dose appliquée dépasse 17,5 mJ/cm² (soit 1,75 J/m²). Les essais vont cependant continuer en 2020. Sur basilic, les recherches viennent de débuter. Cette culture répond aux traitements UV-C, mais les travaux nécessitent de définir une dose optimale ainsi qu’une fréquence de traitement. En 2020, le projet sera capable de fournir plus d’informations.

Détecter l’oïdium grâce aux COV

Un appareil, en cours de développement lors du projet UV-Robot, vise à détecter l’oïdium par les composés organiques volatiles (COV) qu’il dégage. Il sera installé sur le robot applicateur d’UV. Les premiers tests en 2018 du « e-nose », menés par Roboscientific Limited, se sont révélés très prometteurs pour la détection avec une distinction claire entre une plante saine ou contaminée par l’oïdium en culture de tomates. Le renouvellement d’air dans le capteur (phase de nettoyage) doit être optimisé afin d’augmenter la capacité et la vitesse d’analyse des échantillons. En deux minutes, le résultat d’échantillonnage est disponible. A terme, le capteur doit permettre de cartographier la serre en fonction de l’intensité de la maladie et d’adapter en conséquence la stratégie d’application des UV-C.

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