Le Royaume-Uni aura encore besoin de l’Union européenne
Début janvier, des images de rayons de fruits et légumes vides dans les supermarchés britanniques ont donné une image apocalyptique des premiers jours de l’après-Brexit.
Début janvier, des images de rayons de fruits et légumes vides dans les supermarchés britanniques ont donné une image apocalyptique des premiers jours de l’après-Brexit.
Le replay du wébinaire consacré aux défits 2021 pour l'export des fruits et légumes bientôt ici
L’accord commercial entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, conclu la veille de Noël, n’a laissé que peu de temps aux entreprises pour se préparer. Au point que le ministre Michael Gove a récemment admis qu’il y aurait « d’importantes perturbations » à la frontière en raison d’une bureaucratie accrue qui ralentit le flux de marchandises.
Nigel Jenney, directeur général du Fresh Produce Consortium (l’interprofession fruit et légumes britannique), a exprimé de sérieuses préoccupations : « S’il est positif que nous ayons obtenu une position non tarifaire pour de nombreux produits d’origine européenne, je suis extrêmement préoccupé par le nombre considérable d’inspections administratives et officielles supplémentaires que la filière devra effectuer ».
Un certain niveau d’impréparation
L’augmentation des procédures était évidente, dans la mesure où le Royaume-Uni devenait un pays tiers et que, de ce point de vue, la seule différence entre un accord ou son absence était les droits de douane. Un certain niveau d’impréparation de la part de certains opérateurs, des deux côtés de la Manche, a été remarqué.
Mais il y a des exceptions. Le commissionnaire en transport 2FL assure environ la moitié de son activité avec le groupage de fruits et légumes vers le Royaume-Uni. Il traite en moyenne 40 000 palettes par an pour un chiffre d’affaires d’environ 5 M€ : beaucoup de pommes et de pommes de terre françaises, mais aussi des fruits et légumes d’Espagne, du Maroc et d’Italie, avec une part non négligeable de bio, constituent les volumes expédiés.
Romuald Delaplace, codirecteur, explique comment l’entreprise s’est organisée face à cette situation : « Dès février 2020, nous avons décidé de prévenir nos clients en leur demandant de nous faire parvenir leur identifiant Eori et leurs codes produits et nous avons assuré une veille informative afin de les tenir régulièrement au courant des évolutions – elles furent nombreuses – concernant les procédures en douane à venir. En septembre dernier, nous avons décidé de sous-traiter la partie “déclaration à l’export” à deux agents en douane en France, sachant que nous avions déjà un agent en Angleterre pour la partie importation ».
Produits bio : il faut l’Ecocert !
2FL se charge de compiler l’ensemble des documents nécessaires (indications à porter sur les factures commerciales, Incoterm, liste de colisage, numéro d’approbation des services des fraudes pour certains produits) et de prendre en charge les démarches pour le compte de ses clients « C’est ainsi que nous avons découvert que la certification Ecocert était obligatoire pour les produits bio ; elle ne l’aurait pas été en cas de no deal ! ».
2FL a proposé ce service sous forme d’un forfait « douanes export import ». « C’est une responsabilité supplémentaire que nous prenons : avant 15 heures en semaine, avant 12 heures le vendredi – afin de se caler avec les horaires des administrations – nous devons recevoir tous les documents, les vérifier, les trier et les expédier à nos agents en douane. L’ensemble est consigné dans une enveloppe logistique dématérialisée. Résultat, nous n’avons enregistré aucun retard de livraison à cause des procédures administratives depuis le 1er janvier », souligne Romuald Delaplace.
Certification phyto : l’axe France-Royaume-Uni
D’autres procédures vont entrer en œuvre en particulier, en avril, la nécessité d’un certificat phytosanitaire. Pour Nigel Jenney, « une chose que le gouvernement britannique pourrait faire, ce qu’il n’a pas encore fait, est d’accepter et de mettre en œuvre l’utilisation de certificats phytosanitaires électroniques, ce qui allégerait la charge administrative de l’industrie de millions de livres par an ». De ce point de vue, Anglais et Français semblent être sur la même longueur d’onde ( C’est un enjeu de poids pour les opérateurs britanniques.
Car, pour le directeur général de FPC, les choses sont claires : « Nous importons en moyenne 65 % de nos fruits et légumes, l’Europe en fournissant 50 %, donc peu importe la situation, l’UE continuera d’être un partenaire commercial clé ».
Le « Buy British » a de l’avenir
Tout comme en France, la tendance aux fruits et légumes britanniques est forte depuis plusieurs années. La pomme est aussi l’objet de toutes les attentions. L’origine locale représente environ 40 % du marché. Dans une interview au quotidien The Telegraph, Alison Capper, présidente de British Apples and Pears (l’équivalent de l’ANPP outre-Manche) a indiqué que la filière espérait atteindre 60 % au cours de la prochaine décennie : « Nous avons reconstruit nos vergers. Nous avons produit 79 % de pommes de plus au cours de la dernière décennie et planté neuf millions d’arbres de plus au cours de la même période. De plus, les améliorations apportées aux variétés britanniques font qu’elles sont disponibles longtemps après la saison des récoltes entre août et novembre. La pomiculture anglaise dispose de beaucoup plus de variétés qui se conserveront beaucoup plus longtemps ».