Ces producteurs de fraise testent des alternatives aux herbicides
Face à la raréfaction des herbicides utilisables dans les cultures de fraise en sol, des producteurs testent des alternatives, souvent mécaniques, déjà utilisées en agriculture biologique.
Face à la raréfaction des herbicides utilisables dans les cultures de fraise en sol, des producteurs testent des alternatives, souvent mécaniques, déjà utilisées en agriculture biologique.
La maîtrise de l’enherbement fait partie des difficultés techniques de la production de fraise en sol. La concurrence des mauvaises herbes est préjudiciable lors de l’implantation et au cours de la production qui peut durer deux ans. La présence des mauvaises herbes et leur développement doivent être contenus à différents niveaux : sur la ligne de plantation, dans les passe-pieds mais aussi entre les serres, dans les serres souvent près des poteaux et en bout des rangs. « En conventionnel, la gestion des passe-pieds était auparavant réalisée avec le Basta F1 qui a perdu son homologation en octobre 2017 », commente Myriam Carmentran-Delias, conseillère spécialiste de la fraise à la Chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne.
Risque de « désherber » les fraisiers
Actuellement, la liste des désherbants autorisés sur l’usage fraise ou traitements généraux sur cultures installées (légumières) répertorie neuf herbicides sélectifs ou totaux (Leopard 120, Fusilade Max, Fusilade Forte, Beloukha, plusieurs spécialités à base de glyphosate) ainsi que des herbicides utilisables en pépinière seulement (Defi, Fasnet SC). « Un seul produit est en biocontrôle, le Beloukha qui demande une répétition des applications et de le positionner en privilégiant des conditions et périodes d’applications adéquates », précise la spécialiste.
« Bien qu’il soit autorisé, je ne recommande pas l’usage des produits commerciaux à base de glyphosate pour gérer les herbes en fraiseraie au risque de « désherber » directement ou indirectement les fraisiers que ce soit en sol ou lors de la gestion des herbes au sol en hors-sol. Les vapeurs et dépôts sur plastique, en se réhumectant avec la condensation, peuvent tomber sur les feuilles. Ou bien les feuilles peuvent toucher les plastiques sur lesquels est encore présente la moléule de glyphosate adsorbée », témoigne-t-elle.
« Prendre les herbes à un stade jeune »
De nombreux producteurs sont ainsi en quête d’alternatives techniques de désherbage mécanique parfois utilisées par des producteurs en mode de production agrobiologique. Ainsi, Yannick Ferronato, fraisiculteur bio à Pergain-Taillac (Lot-et-Garonne) utilise depuis trois ans, sur les jeunes plantations de fraisiers sur la période estivale et automnale, un motoculteur équipé de fraises et disques latéraux qui permettent d’approcher au plus près la butte paillée.
« Le passe-pied est géré en herbes sur son ensemble. Je réalise deux passages sur cette période sur la base de 25 à 30 h/ha. Etant dans les coteaux, c’est la seule solution que j’ai trouvée. Passer avec un tracteur demande de déplacer le système d’irrigation et n’est pas aussi précis sur la gestion de la bordure de buttes. Pour le printemps, si les mauvaises herbes ont bien été gérées jusqu’à la fin de l’automne, le passage au rotofil avant mise en place de paille n’est pas obligatoire. Dans le pire des cas, un passage rotofil est réalisé sur la base de 20 à 30 h/ha. », témoigne-t-il.
Egalement en agriculture biologique, Pascal Couzard, fraisiculteur à Saint-Salvy (Lot-et-Garonne) a cherché une solution pour désherber mécaniquement tout en ne perdant pas trop de temps. « Un artisan m’a confectionné une lame ajustable en hauteur de travail par hydraulique, positionnée entre les roues du tracteur, qui me permet de bien voir la localisation du travail sans abîmer le paillage plastique couvrant les buttes de fraisiers. Je mets 4 h/ha pour faire un passage que je réalise à l’automne deux à trois fois », rapporte-t-il. Le professionnel conseille de « prendre les herbes quand elles sont à un stade jeune de développement, afin d'éviter tout arrachement de gros système racinaire et de créer un passe-pied « chaotique » ».
« Le paillage biodégradable est une alternative »
Ces techniques alternatives concernent la gestion de l’herbe dans les passe-pieds. « Pour la gestion des herbes poussant sur les buttes, l’utilisation de paillages plastiques sur buttes est la seule technique, mais la gestion du déchet qu’ils génèrent pose problème actuellement », relève Myriam Carmentran-Delias. En effet, le recyclage de ces paillages est difficilement réalisable du fait de taux de souillure trop importants. Le paillage biodégradable est une alternative au paillage plastique qui reste à optimiser.
« Les fraisiculteurs sont de plus en plus nombreux à envisager l’utilisation de ces films dont les principaux freins sont d’ordres technique et économique. Nous avons souhaité tester un de ces produits chez un producteur de fraises », mentionne la spécialiste. « Aussi, nous avons souhaité tester un de ces produits chez un producteur de fraises », précise-t-elle. Et pour Pascal Couzard qui a mené l’expérience, « c’est la solution d’avenir la plus pertinente au vu de la situation de la filière de gestion des paillages fraise, comparativement à la diminution du degré de salissure qui, de toute manière impacte trop le poids et donc le coût du transport » (voir encadré). La station d’expérimentation Planète légumes a réalisé des essais de gestion des adventices en culture de fraise en sol avec différentes pistes d’expérimentation : variation de dose de Beloukha, ensemencement du passe-pied (gazon nain), utilisation de toile, binage inter-rang.
Avis de producteur
Pascal Couzard, fraisiculteur à Saint-Salvy (Lot-et-Garonne)
« Le paillage biodégradable est la solution d’avenir »
« Il y a deux ans, la Chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne m’a proposé de tester un paillage biodégradable en 40 µm afin de limiter le risque de déchirure sur quelques buttes, pour nous rendre compte de son comportement à la pose et en cours de culture en termes de résistance. Les objectifs étaient de couvrir la terre pour ne pas avoir d’herbes qui poussent, de chauffer la butte et d’optimiser l’irrigation en limitant l’évaporation. Pour en avoir discuté avec Myriam Carmentran-Delias qui suit ma culture de fraise AB, le biodégradable, en plus de sa résistance sur la durée de la culture, ne doit pas laisser de résidus trop longtemps (risque de dispersion par le vent).
La première année, j’ai fait seulement deux buttes, j’ai déroulé aussi vite qu’avec un paillage fraise classique. C’était un peu trop rapide, il faut baisser de 30 % la vitesse de déroulage car ayant un sol motteux, la largeur des passe-pieds n'était pas assez régulière au vu de l’écartement de mon passage de roue. C’est la solution d’avenir la plus pertinente au vu de la situation de la filière de gestion des paillages fraise, comparativement à la diminution du degré de salissure qui, de toute manière, impacte trop le poids et donc le coût du transport. »