Le défi des conditions de travail
Plusieurs solutions techniques et organisationnelles sont possibles pour améliorer les conditions de travail : un enjeu essentiel dans le secteur des fruits et légumes.
Plusieurs solutions techniques et organisationnelles sont possibles pour améliorer les conditions de travail : un enjeu essentiel dans le secteur des fruits et légumes.
Avec 20 % de la main-d’oeuvre agricole et 52 % du salariat saisonnier agricole, le secteur des fruits et légumes est le premier pourvoyeur d’emplois de l’agriculture. Les postures pénibles et tâches répétitives y sont par ailleurs fréquentes et l’environnement parfois peu favorable. Dans le plan Santé-Sécurité 2016-2020 de la MSA, le secteur est concerné par plusieurs axes : les troubles musculo-squelettiques (TMS), le machinisme et les chutes de hauteur, l’exposition au danger chimique et les risques psychosociaux. L’amélioration des conditions de travail fait donc l’objet d’une mobilisation collective sur les plans national et territorial.
De plus en plus de mal à recruter
Depuis trois ans, un programme FranceAgriMer est mené avec la MSA sur la Station expérimentale de Bretagne Sud pour évaluer l’intérêt du robot Oz en maraîchage diversifié. « Par le passé, les producteurs s’exprimaient peu sur ce sujet, constate Maët Le Lan, de la chambre régionale d’agriculture de Bretagne. Mais aujourd’hui, des maraîchers arrêtent parce que le travail est trop dur. Et la pénibilité du travail est un sujet moins tabou ». Une grille a été élaborée pour comparer de façon objective le travail, avec ou sans robot, pour le désherbage et les tâches liées à la tomate sous abri. Les expérimentateurs sont filmés et un intervenant de la MSA note si la posture est acceptable, non recommandée ou à éviter. Le programme va se poursuivre en 2017 pour notamment tenir compte des temps de travaux de chaque opération et des conséquences sur la pénibilité.
D’autres initiatives sont prises dans cette région où la pénibilité du travail a été classée thème prioritaire par les chambres d’agriculture bretonnes. Le Comité de développement de la zone légumière (29) a ainsi mené un programme sur l’artichaut, qui présente de nombreuses tâches pénibles. Les producteurs et techniciens ont notamment cherché à faciliter le dédrageonnage (opération qui consiste à ne garder qu’un seul drageon qui produira les capitules et qui était fait jusque-là à la main ou avec une machine à bras) et la production de plants. Le projet a abouti à la mise au point d’une dédrageonneuse améliorée, avec sièges, commandes hydrauliques et joysticks, et d’une souleveuse, qui soulève les drageons et les remonte vers une plate-forme où les opérateurs les séparent (voir page 22). « Deux cents producteurs ont assisté à la première démonstration de la souleveuse qui réduit fortement la pénibilité du travail », indique Vincent Salou, de la chambre d’agriculture. Un autre travail a été engagé sur la récolte du chou-fleur, qui se fait manuellement. « Les conditions de travail sont difficiles et les producteurs ont de plus en plus de mal à recruter », souligne Clarisse Galet, directrice de Terres de Saint-Malo.
Une étude avec la MSA a notamment mis en évidence l’importance de l’affûtage des couteaux pour éviter lombalgies et tendinites. Des formations à l’affûtage ont donc été organisées et Terres de St-Malo et la Sica St-Pol de Léon se sont équipées d’affûteuses mises à disposition des producteurs dans les stations. Et d’autres pistes sont examinées pour le chou-fleur et les autres légumes : l’ergonomie des remorques de récolte, avec un tapis de récolte à la bonne hauteur, des tapis à rouleaux, un marche-pied pour ranger les colis en hauteur, des débardeurs automoteurs, des ergo-sièges qui soutiennent le dos et protègent le genou, des gants anticoupure étanches, des vêtements chauds, étanches et légers, des exo-squelettes, l’organisation de l’équipe, la formation...
Des pistes multiples pour améliorer les conditions
En Tarn-et-Garonne, le passage en raisin de table du palissage classique en lyre à une conduite en double plan de palissage à port retombant, dite « T-bord », mise au point pour sécuriser la récolte et la qualité et gagner en temps de main-d’oeuvre, a aussi amélioré les conditions de travail. Selon Guillaume Vidal, stagiaire au Syndicat de défense du Chasselas de Moissac, « le T-bord permet de positionner les grappes à 1,40 m du sol au lieu de 0,70 - 0,80 m. Il réduit ainsi considérablement la pénibilité pour la mise en place des grappes et la récolte, opérations qui représentent 220 h/ha. En revanche, le palissage est plus pénible, les sarments étant à 1,60 m, ce qui impose de travailler les bras levés. Mais cette opération est réduite à 40 h/ha au lieu de 70 h/ha en palissage en lyre ».
La formation est également un levier important. En Lot-et-Garonne, l’AIFLG, association interprofessionnelle de la fraise du Lot-et-Garonne, organise régulièrement des stages sur les « gestes et postures en culture hors-sol ». « L’objectif est de limiter les TMS et autres causes de douleurs et d’améliorer le cadre de travail », explique Caroline Granado, de l’AOPn fraise. Un livret d’accueil en quatre langues comportant des notions de santé-sécurité (comment prévenir la fatigue, ménager son dos...) est également distribué aux saisonniers. Les relations et conditions de travail sont aussi des points importants de la démarche de responsabilité sociétale des entreprises dans laquelle de nombreuses coopératives sont aujourd’hui engagées. L’amélioration dans les stations passe par des équipements, l’organisation du travail, la formation, un dialogue social renforcé, l’intervention d’ergonomes et ostéopathes...
Autre piste encore : la conception et l’aménagement des bâtiments pour favoriser la prévention primaire. Une étude de la MSA avec le Ctifl a permis la publication du guide « Concevoir et aménager une station fruitière ». Les pistes pour améliorer les conditions de travail sont donc multiples. Légumes de France en 2002 et la FNPF en 2015 ont signé avec la CCMSA une convention d’objectifs de prévention. Celle-ci permet à tout arboriculteur de bénéficier d’un appui technique et financier de la MSA pour l’achat de matériel améliorant les conditions de travail, l’élaboration d’un plan de prévention, ou encore la formation.
L’objectif est de limiter les TMS et d’améliorer le cadre de travail »
CAROLINE GRANADO, AOPN Fraise
Le travail dans la production de fruits et légumes
Légumes
83550 UTA
47 % du volume de travail fourni par des salariés
salariés permanents : 23 % (+4 %/2000)
salariés saisonniers : 23 % (+2 %/2000)
11 % du volume de la main-d’oeuvre agricole et 25 % du salariat saisonnier agricole
Fruits
65000 UTA
2,4 UTA/exploitation (1,5 pour l’ensemble de l’agriculture)
2,5ha verger/UTA (2,1 en 2000)
32 % du volume du travail fourni par des saisonniers
9 % de la main-d’oeuvre agricole et 27 % du salariat saisonnier agricole
UTA (unité de travail annuel)
Source : Agreste – RGA 2000 et 2010
De multiples enjeux
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Respecter la réglementation
Instauré en 2001, le document unique d’évaluation des risques professionnels est obligatoire dans toute entreprise. Il doit lister les risques encourus par les salariés et les actions de prévention et protection qui en découlent (voir encadré).
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Renforcer l’attractivité du secteur
Renforcer l’attractivité du secteur est un autre enjeu, parce que la part du salariat augmente, que l’image des métiers de l’agriculture n’est pas bonne et que les producteurs ont de plus en plus de mal à recruter de la main-d’oeuvre locale ou détachée.
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Améliorer la performance des entreprises
Réduire la pénibilité du travail améliore la productivité de l’exploitant et de ses salariés et limite les arrêts de travail.
Evaluer le risque chimique
Depuis 2006, l’évaluation des risques chimiques est obligatoire pour toute entreprise. Pour aider les endiviers à répondre à cette obligation, la MSA du Nord-Pas-de-Calais s’est rapprochée de l’Apef pour adapter à l’agriculture le logiciel Seirich d’évaluation des risques chimiques dans une entreprise, créé par l’Institut national de la recherche scientifique. Une base de données des produits homologués en endive a notamment été créée. L’outil a été présenté en février aux endiviers qui testent actuellement son utilisation.