L’avenir du kaki français passera par le bio
Impulsée par les importations espagnoles, la consommation de kaki est en forte croissance en Europe. Une dynamique sur laquelle s’appuient les producteurs français pour développer des vergers qui devront nécessairement être conduits en culture biologique.
Impulsée par les importations espagnoles, la consommation de kaki est en forte croissance en Europe. Une dynamique sur laquelle s’appuient les producteurs français pour développer des vergers qui devront nécessairement être conduits en culture biologique.
Acteur majeur du bio en France, la société Alterbio a toujours importé des kakis en provenance d’Espagne. « Ce qui a changé depuis le début des années 2000, c’est le fort développement du verger qui est venu en remplacement de celui d’orangers », explique Madjid Aïdh, directeur commercial chez Alterbio. La production de kaki espagnole est basée sur une variété unique très productive, Rojo Brillante. Ce fruit est principalement cultivé dans la région de Valence et représente aujourd’hui près de 10 000 hectares et quelque 220 000 tonnes en moyenne annuellement. 60 % des productions espagnoles, majoritairement conventionnelles, sont exportées vers l’Europe. L’arrivée des kakis espagnols dans les rayons de la distribution française et européenne a dopé la consommation. Confrontés au problème de la sharka en pêchers, des producteurs roussillonnais ont profité de cet engouement pour développer des cultures de diversification. Face au rouleau compresseur espagnol, la France ne pourra toutefois pas jouer dans la même cour…
Le nécessaire choix du bio
« Dans le Roussillon, où les conditions climatiques ne sont pas aussi favorables que dans la région de Valence, les producteurs ne doivent pas suivre le modèle de développement espagnol. Il faut partir sur des ateliers de diversification en bio. Ce choix permettra de créer de la différenciation tout en répondant à une vraie demande de consommation de kakis bio », poursuit Madjid Aïdh. Depuis plusieurs années, Alterbio enregistre une croissance de 20 % par an de ses ventes de kakis bio. En lien avec quelques producteurs roussillonnais ayant installé des vergers bio, la société souhaite créer une filière locale. « Des premiers tests sont réalisés afin de voir si le potentiel de rendement sera au rendez-vous pour espérer une valorisation intéressante. Les tout premiers résultats sont encourageants », conclut-il.
Des projets collectifs sont en cours
Dans cette zone, d’autres initiatives collectives sont en cours, comme c’est le cas à la coopérative La Tour à Millas. « Dans notre secteur où la sharka est un fléau majeur pour le pêcher, la diversification n’est plus un choix mais une obligation. Au sein de notre structure, la volonté de créer des filières de diversification bio a conduit plusieurs producteurs à planter du kaki », indique Jérôme Foy, arboriculteur bio à Saint-Féliu d’Avall (Pyrénées-Orientales). En 2014, il implante un verger de deux hectares de kakis Fuyu et Jiro. « Le choix de ces deux variétés naturellement non astringentes, ne nécessitant donc pas de traitement de levée de l’astringence, est en cohérence avec le choix du bio. A terme, le projet collectif table sur une douzaine d’hectares », complète-t-il. En s’appuyant sur les premiers enseignements techniques et des résultats encourageants, Jérôme Foy projette de planter cinq hectares au cours de cet hiver. « La taille et la maîtrise de l'irrigation constituent deux points clé de la culture du kaki que nous allons devoir améliorer », précise-t-il. Il y a également le vent qui, dans cette région très exposée, exige un cerclage des charpentières en vue de limiter la casse des rameaux. « Avec le poids des fruits, les rameaux du kaki très fragiles peuvent se rompre et occasionner une perte significative de volumes », avertit Jérôme Foy.
J’ai fait le pari du Rojo Brillante en bio
"J’ai choisi de planter exclusivement la variété productive Rojo Brillante. Installées progressivement à partir de 2013, les plantations se termineront cet hiver pour atteindre 6,5 ha plantés à 5 m x 3m. Depuis quatre ans, nous allons de découverte en découverte. Bien que l’itinéraire technique soit plus simple que celui du pêcher, il y a des points clés comme l’irrigation. Un excès d’eau au moment de la nouaison va entraîner des chutes physiologiques importantes qui pénalisent fortement le rendement. En 5e feuille, les arbres ont produit 18 tonnes/ha. A l’exception de la mouche méditerranéenne dont la lutte se fait par piégeage massif, le kaki ne présente ni prédateurs, ni maladies qui pourraient pénaliser les rendements. C’est ce qui m’a conduit a engagé une conversion bio de mon verger. Nous avons également fait ce choix dans un but de différenciation de nos productions de Rojo Brillante vis-à-vis de celles des Espagnols. Pour cette variété astringente, j’ai toutefois dû investir dans une chambre étanche et un procédé de suppression de l’astringence à l’alcool indispensable en vue de commercialiser un fruit ferme récolté avant maturité. Son coût est évalué à 0,10 €/kg sur un coût de production de 0,60 €/kg."
Un itinéraire technique encore à affiner
Le CEHM/SudExpe a mis en place une parcelle d’expérimentation en vue de tester différentes variétés de kaki et de définir le mode de conduite et l’itinéraire technique les mieux adaptés aux conditions pédoclimatiques très ventées du sud de la France. Compte tenu de la fragilité des rameaux du kaki souvent aggravée par la charge, différents modes de conduite (axe, double axe, tatura) sont comparés au gobelet. Une collection variétale composée des trois variétés Rojo Brillante, Jiro et Fuyu, ainsi que de quelques variétés secondaires astringentes telles que Muscat de Provence, Chocolate, Tomatero… a été installée. « Les premières observations confirment l’intérêt agronomique des trois principales variétés mais montrent également que quelques variétés de plus petits calibres pourraient trouver leur place dans un circuit de vente directe », indique Matthieu Bouniol, en charge de cette expérimentation. Quelle que soit la variété, l’arbre présente une sensibilité au froid après le débourrement (températures inférieures à 0 °C). Outre l’effet du vent, un excès d’eau peut augmenter les chutes physiologiques de l’arbre qui, en conditions normales, régule naturellement sa charge.