Bassin méditerranéen - Relations commerciales
L’accord UE/Maroc bloqué par le Parlement
Conclu fin 2009, l’accord agricole Maroc-UE n’est toujours pas ratifié par le Parlement européen. L’opposition de députés espagnols et français suscite l’agacement côté marocain. En ligne de mire : la tomate.



Les exportateurs marocains de fruits et légumes sont en colère. L’accord agricole renégocié avec l’Europe en 2007 et finalisé en 2009 n’est toujours pas ratifié par le Parlement européen. L’opposition de quelque 70 députés – principalement espagnols et français – suscite l’agacement côté marocain.
« Le blocage vient d’une partie du Parlement européen, essentiellement des gens qui ne souhaitent pas, comme José Bové, qu’il y ait des importations de produits agricoles de l’extérieur pour promouvoir au maximum la production agricole en Europe, qui ont donc une approche assez protectionniste. D’autre part, il y a un certain nombre de députés au Parlement européen qui défendent la cause du Polisario dans le conflit du Sahara occidental et qui ne veulent pas que le Royaume du Maroc bénéficie de cet accord », explique Eneko Landaburu, chef de la Délégation de l’Union européenne au Maroc.
Les députés européens dénoncent aussi des normes phytosanitaires et la traçabilité non respectées des exportations marocaines.
« Je suis admirateur de José Bové comme syndicaliste et comme paysan, mais aujourd’hui en tant que député européen, il utilise des études non réalistes pour démontrer que les produits marocains pourraient faire du mal à la production européenne. Pourtant, nous faisons 3 % seulement des volumes de tomates produits par l’Union européenne ! », s’indigne Taquie-dine Cherradi, vice-président de l’Association marocaine des producteurs exportateurs de fruits et légumes (Apefel) et président du groupe Matysha.
Dans la station de Biougra, à 30 km au Sud d’Agadir, les ouvriers de Matysha, qui regroupe une trentaine de petits producteurs, ont repris la cueillette des tomates. La saison se poursuivra jusqu’en juin. La quasi-totalité de la production de Matysha est exportée en Europe. Cette société agricole du Souss produit près de 43 000 t de fruits et légumes par an.
L’accord agricole Maroc-UE prévoit la suppression des droits de douane pour 55 % des importations totales en provenance du Maroc. Pour la tomate, produit sensible pour la filière espagnole, l’accord prévoit dans un premier temps d’augmenter les contingents de 40 000 t sur un total préférentiel de 223 000 t exportées par an, soit une hausse de 20 %.
Au total, le Maroc exporte 1,2 million de tonnes de fruits et légumes, dont 70 % vers l’Europe.
Gros manque à gagner pour le Maroc
« Nous sommes d’autant surpris que les producteurs marocains produisent en contre-saison et en complémentarité de la production européenne. Aujourd’hui, le fait de se focaliser sur le produit tomate pour la ratification de cet accord va handicaper à la fois les producteurs européens et marocains », regrette Taquie-dine Cherradi.
La suppression des droits de douane pour les importations agricoles marocaines s’accompagne d’un accès plus large au marché marocain pour les produits transformés européens, notamment les produits laitiers.
Pour les Marocains, ce retard est un gros manque à gagner et une déception, car avec le statut avancé, le Maroc espère un partenariat privilégié avec l’Europe.
Si l’accord agricole n’était pas ratifié début 2012, la réaction marocaine pourrait s’avérer très virulente. L’Association des exportateurs marocains (Asmex) a indiqué en substance qu’elle pourrait freiner les négociations sur la libéralisation des services et les questions migratoires.
« L’intérêt global de l’Europe est d’avoir de bonnes relations avec les pays du Sud de la Méditerranée, en les aidant dans leur processus démocratique, mais aussi en ouvrant les frontières par ces accords commerciaux. Ces pays – c’est le cas du Maroc, mais également de l’Egypte et de la Tunisie – ont des balances commerciales complètement déficitaires avec l’Union européenne. S’il y a bien quelque chose que ces pays du Sud peuvent au moins exporter, ce sont les produits agricoles », souligne Eneko Landaburu.