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L’eau ozonée, une piste pour la protection du verger

L’ozone appliqué sous forme d’eau ozonée montre d’importants effets antifongiques et antibactériens. Mais des verrous restent à lever avant d’envisager une éventuelle utilisation en verger.

L’ozone, par son fort pouvoir oxydant, montre un potentiel intéressant pour la protection des cultures pérennes et la décontamination post-récolte. « Cette molécule agit aussi bien sur souches bactériennes que fongiques », décrit Marielle Pagès-Homs, enseignante-chercheuse à l’Ecole d’ingénieurs de Purpan (Toulouse), lors des Rencontres phytosanitaires fruits du CTIFL en février dernier. Produit à partir de dioxygène par courant électrique, l’ozone est peu rémanent et peu traçant. Ses propriétés chimiques empêchent son transport et son stockage. Il se redécompose en dioxygène en l’absence de matrice organique à dégrader.

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Il y a quelques années, l’EI Purpan a mis en place la plateforme TOAsT (Technologies oxydatives pour l’agroalimentaire et l’agriculture sur Toulouse) qui étudie l’application en agriculture de plusieurs molécules oxydantes, dont l’ozone. Cette plateforme est composée de chambres de stockage et chambres de culture, ainsi que d’une salle d’ozonation qui permet notamment de produire de l’eau ozonée.

Une grande efficacité in vitro

Des essais en laboratoire montrent un effet de l’application d’eau ozonée sur des plants de vigne inoculés avec l’un des pathogènes responsables de l’Esca. Quatre semaines après l’inoculation, il n’y avait pas de différences significatives entre les plants traités à l’eau ozonée et le témoin. Mais après neuf semaines, il y avait beaucoup moins de champignons dans le bois de la modalité eau ozonée, ce qui montre un effet significatif sur la réduction du développement des spores.

« Le même type de résultats in vitro a été obtenu sur les pathogènes de la pomme, notamment la tavelure, indique Marielle Pagès-Homs. Plus la dose d’ozone est importante, moins les spores se développent. Et l’effet perdure dans le temps. Vingt-huit jours après le traitement, les spores ne sont toujours pas en mesure de se développer. »

Les travaux de l’EI Purpan ont été poursuivis à une échelle un peu plus complexe, par un essai en mini-serre de petits pommiers, inoculés par des spores de Venturia inaequalis (champignon responsable de la tavelure). Deux applications ont été réalisées pour la modalité eau ozonée. Trois semaines après l’application, l’équipe de recherche a évalué la surface affectée par la maladie, notamment sur la première feuille, qui a reçu le plus de spores et le plus de traitements. L’effet de l’eau ozonée se traduit par une présence bien moins importante de la maladie par rapport aux témoins, que ce soit sur les premières feuilles ou sur l’ensemble des plantules.

Le verrou de la pulvérisation

En verger, les choses ont été plus compliquées, il n’y a pas eu l’effet escompté. Comme dans les essais précédents sur l’eau ozonée, ce qui fonctionnait dans un cadre in vitro ne marchait pas à une échelle plus complexe. En verger, l’application d’eau ozonée doit en effet lever le verrou de la pulvérisation.

A lire aussi : PulVéFix : un système de pulvérisation sans dérive en arboriculture

« Quand on réalise un spray ozoné, on observe une perte d’ozone très élevée de l’ordre de 65 %, dès les premiers centimètres après la sortie de la buse, pointe Marielle Pagès-Homs. Au bout de 80 cm, on a perdu 98 % d’ozone ! » Lors d’une pulvérisation en verger, il n’y a donc quasiment plus que de l’eau qui touche les feuilles. Ce phénomène de désorption est dû au fait que le liquide pulvérisé n’est pas une bouillie classique mais un gaz dissout dans de l’eau (voir encadré). Il a été observé quel que soit le type de buse utilisé.

Une partie du projet Solstice, porté par Belchim Crop Protection, cherche aujourd’hui à répondre à cette contrainte pour pouvoir appliquer l’ozone au champ. Un des points d’intérêt porte notamment sur la compréhension des phénomènes de désorption et leur contournement. Une autre piste, travaillée par la plateforme TOAsT, serait de piéger la molécule dans une matrice solide afin de limiter la désorption. Une thèse sur chacun des sujets est en cours.

Avis de spécialiste : Marielle Pagès-Homs, enseignante-chercheuse à l’EI Purpan

« Un transfert de l’ozone vers l’atmosphère »

« Nous avons voulu comprendre le phénomène de désorption, ou de perte d’ozone, tout au long de la trajectoire de la gouttelette, en vue de développer un outil de pulvérisation adapté à l’eau ozonée. Nous avons découvert que la perte d’ozone était due à un différentiel de concentration. Lorsque les gouttelettes enrichies en ozone se retrouvent dans l’atmosphère, qui en est totalement dépourvue, l’ozone se transfère vers l’atmosphère. De plus, la pulvérisation offre les meilleures conditions de désorption pour le liquide : petites gouttes (donc une surface d’échange importante) et vitesse importante (donc beaucoup de frottements). »

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