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L'Argentine, premier exportateur mondial de poires William's

La récolte des poires est terminée dans la Haute vallée du Rio Negro. A Cipolletti, la poire William’s, étendard des poires argentines, est emballée avant son embarquement pour l’Europe.

Le verger de poiriers et de pommiers de la Haute vallée du fleuve Rio Negro en Argentine est une frange verte de 130 km de long sur 8 km de large, au nord de la Patagonie, que l’on voit bien sur Google Maps car elle est entourée d’espaces semi-désertiques. « Arrivés là, il y a un siècle, les colons anglais ont tout de suite vu l’opportunité d’exporter des fruits à contre-saison vers le Royaume-Uni car ils savaient que la Patagonie était une région idéale pour produire des fruits à pépins », raconte Miguel Sabbadini, le technicien référent de la Chambre argentine des producteurs de fruits intégrés (Cafi). Et explique pourquoi : le climat patagon est sec, les sols sont sablonneux et peu profonds mais ce n’est pas un problème car l’eau, ici, ne manque pas.

Irriguer environ 50 000 hectares de plantations

« Notre système d’irrigation par gravité repose sur l’usage d’un canal qui sillonne la vallée en contrescarpe. Ce canal est alimenté par le Rio Negro dont le débit est de 8 700 m3/sec », précise-t-il. Cet accès quasi illimité à l’eau est le gros avantage des arboriculteurs argentins sur leurs concurrents directs et voisins Chiliens. Située de l’autre côté de la Cordillère des Andes, la production chilienne dépend de l’existence aléatoire de ruisseaux de montagne, produits de la fonte des neiges. Ce qui contraint la production de pommes chiliennes à migrer vers le sud, dans la Région des Lacs. D’autre part, le système d’irrigation fluviale par gravité des arboriculteurs argentins de la Haute Vallée du Rio Negro est à un coût proche de zéro, comme son empreinte carbone.

Un avantageux avenir avec peu de besoins de modifications des pratiques agricoles pour faire face aux changements climatiques et aux exigences environnementales croissantes venues d’Europe. Le canal construit par les colons anglais permet aujourd’hui d’irriguer environ 50 000 ha de plantations, dont 32 000 ha en production : 60 % en poiriers et presque tout le reste en pommiers. La surface certifiée bio, toutes espèces confondues, serait actuellement de 4 600 ha. « La luminosité dans cette vallée est forte, autour de 10 000 W/m2 ; l’amplitude thermique jour/nuit comme été/hiver l’est aussi. Tout cela donne des fruits très sucrés et limite l’impact des maladies », mentionne également Miguel Sabbadini.

Une fois que les bateaux seront arrivés

Les villes siamoises de Cipolletti et de Neuquén dominent la Haute vallée du Rio Negro. Si Neuquén vit au rythme du pétrole et du gaz de schiste, Cipolletti vit à celui des fruits à pépins. C’est là qu’ils sont emballés avant d’être expédiés vers les ports de la côte atlantique, San Antonio et Bahia Blanca. C’est là, aussi que se trouvent les usines d’extraction de jus et d’arômes. L’importance socio-économique de la filière se remarque jusque sur les portières des taxis qui roulent à Cipolletti, ornées du blason de la ville dont l’emblème est un pommier. Le 24 février, jour de la rencontre à Cipolletti avec les responsables de Cafi et leur président, Agustin Argibay, a aussi été un jour mémorable puisqu’il a plu 90 mm sur la vallée du Rio Negro. « Soit la moitié de ce qu’il pleut d’habitude en un an », précise Miguel Sabbadini.

Ce déluge rarissime en Patagonie n’a cependant pas compromis la récolte des poires, laquelle était en cours pour les variétés Anjou et Packham’s Triumph, mais déjà finie pour la William’s. Les prévisions de récolte sont à moduler par rapport à une année normale à cause des gelées tardives survenues au mois d’octobre dernier. « Cette année, nous pensons cueillir des volumes de l’ordre de 300 000 tonnes de poires, en baisse de 20 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années », affirme Marcelo Loyarte, directeur de Cafi. Il indique une fourchette de prix FOB comprise entre 0,65 et 0,95 dollar le kilo. « Nous serons fixés sur les prix dans les prochains jours, une fois que les bateaux seront arrivés dans les ports européens. Leur traversée de l’Atlantique dure une vingtaine de jours », nuance le président Agustin Argibay.

La fenêtre s’est réduite pour la William’s

A l’export, la poire William’s est le produit étendard de la filière argentine. Le pays en est d’ailleurs le premier exportateur mondial et occupe le deuxième ou troisième rang toutes variétés de poire confondues. « C’est avec la Willliam’s qu’on fait des affaires », résume-t-il. L’origine Argentine, en poire, débarque en Europe à contre-saison. « Mais cette fenêtre de tir s’est fortement réduite pour la William’s sur le marché français, avec les nouvelles techniques de conservation, dites Smart Fresh », juge Miguel Sabbadini. Néanmoins selon lui, les Argentins vont parier encore de nombreuses années sur la William’s.

« Il serait insensé, pour nous, d’orienter nos choix variétaux vers des poires longues pour suivre certaines tendances en Europe où de se laisser séduire par de nouvelles variétés plus fermes et de conservation longue », fait-il remarquer. La zone a également des avantages sanitaires de par son isolement. Le principal ravageur des poiriers en Patagonie, le carpocapse (Cydia pomonella) serait bien contrôlé grâce à une technique de confusion sexuelle. « La Haute vallée du Rio Negro est la plus vaste zone au monde où cette technique est employée systématiquement », affirme Miguel Sabbadini.

La luminosité dans cette vallée est forte et donne des fruits très sucrés

La dynamique du marché sud-américain

 
Pour les responsabes de Cafi, Le Pérou, le Paraguay et surtout le Brésil sont les marchés les plus dynamiques à l’export. © M-H André

La pandémie de Covid et ses conséquences ont occasionné de lourds surcoûts logistiques pour la filière argentine des fruits à pépins, au pic de la crise, « de l’ordre de 2 dollars par caisse de 18 kg, à cause du manque de conteneurs et de la hausse du coût du fret maritime », rapporte le président de Cafi, Agustin Argibay. On le sait, les arboriculteurs patagons produisent loin de leurs plus gros marchés d’exportation situés dans l’Hémisphère nord. Leurs jus de poire part essentiellement aux Etats-Unis et les fruits en Europe. Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que pour certains produits et services, comme les vacances au ski, l’Argentine et le Chili ont l’exclusivité en Amérique du Sud.

Le marché sud-américain est donc aussi une fabuleuse aubaine pour la production de pommes-poires. « Le Pérou, le Paraguay et surtout le Brésil sont nos marchés les plus dynamiques à l’export », confirme Agustin Argibay, géographiquement proches et peu exigeants au niveau des certifications. Les tarifs douaniers sont aussi bas, voire nuls dans le cadre du Mercosur. En outre, l’intégration commerciale des producteurs argentins aux grandes entreprises de distribution mondiales, selon lui, les obligerait à une adaptation permanente de leurs pratiques culturales et d’emballage. A cet égard, le plastique ne sera plus utilisé pour l’emballage des fruits à pépins, assure-t-il.

 

La poire en Argentine

603 000 t de poires produites en 2021

500 000 t prévues en 2022 (sources WAPA)

340 000 t exportées en 2020 dont 25 % au Brésil, 23 % en Russie et 15 % en UE (sources Trade map)

Le citron : un autre fruit d’exportation

 

Le citron représente 70 % des agrumes exportés par l'Argentine. © Citromax
Le citron est l’autre fruit d’exportation de l’Argentine. Il représente 70 % des 320 000 t d’agrumes exportées en 2020 pour une valeur de 600 millions de dollars américains, ce volume devrait atteindre 400 000 t en 2021. Viennent ensuite les oranges (23 %) et les mandarines (9 %). L’Argentine a doublé ses expéditions de citrons vers les Etats-Unis, atteignant 73 000 t en 2021 et elles représentaient déjà 522 millions de dollars américains en 2020. La baisse des exportations d’agrumes argentins vers l’Europe est compensée par la croissance des envois vers la Chine, les Etats-Unis et la Russie. Selon BAE Negocios, les exportations d’agrumes argentins en 2021 seront en hausse de 20 % par rapport à 2020 avec notamment vers la Chine où elles ont été multipliées par cinq.

 

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