Pomme
Kissabel : segmentation par la couleur… et par le goût
Sur le nouveau marché de la pomme à chair rouge, Kissabel veut étonner par sa couleur, mais fidéliser par son goût. Un programme de caractérisation gustative de chaque variété de la gamme a été lancé afin d’assurer une promesse gustative spécifique et constante aux consommateurs.
Sur le nouveau marché de la pomme à chair rouge, Kissabel veut étonner par sa couleur, mais fidéliser par son goût. Un programme de caractérisation gustative de chaque variété de la gamme a été lancé afin d’assurer une promesse gustative spécifique et constante aux consommateurs.
Kissabel, la gamme de pommes à chair colorée, ne s’en cache pas : l’ambition, à terme, est d’être segmentée par le goût, plus que par la couleur. Car les huit variétés du programme Ifored présentent des couleurs de chair et d’épiderme différentes, du rouge intense au jaune en passant du rosé et à l’orange, mais aussi et surtout des profils gustatifs différents. Des travaux sont donc en cours pour dresser le profil organoleptique de chaque variété, afin de pouvoir, à terme, orienter chaque consommateur sur la variété qui correspond à ses préférences gustatives.
Maîtriser les variétés et le marché
« On se focalise avant tout sur la marque Kissabel pour la faire entrer dans l’esprit du consommateur », nuance Emmanuel de Lapparent, responsable du programme Ifored. En effet, les volumes récoltés restent encore faibles, avec des plantations limitées et des vergers très jeunes. Les plus « vieux » vergers datent de 2018 et entrent donc en 5e feuille cette année.
Kissabel représente néanmoins 150 ha en Europe, désormais huit variétés de pommes à chair colorée et plus de 2 000 t récoltées en 2021. « Les plantations vont s’accélérer chaque année, tout en restant limitées à de petites surfaces pour suivre le niveau du marché en termes d’offre et pour apprendre à maîtriser ces nouvelles variétés à chaque étape, verger, stockage, conditionnement, en rayon… »
Pourquoi le rouge ?
L’objectif du programme de R&D de l’obtenteur IFO est « d’apporter de l’innovation dans le rayon pommes avec la création d’un nouveau segment, les pommes à chair rouge de qualité gustative ». La qualité gustative, on comprend pourquoi, le goût étant un critère non négociable pour le consommateur. Mais pourquoi la couleur rouge ?
« Kiwis, agrumes, pommes… La couleur rouge est une originalité travaillée par les sélectionneurs dans plusieurs espèces et qui semble fonctionner, réfléchit Emmanuel de Lapparent. C’est une couleur vue positivement par le consommateur et qui lui donne envie de goûter. L’effet de surprise est indéniable. »
Valider le gustatif du fruit
La pomme Kissabel a ainsi bénéficié de cette originalité sur l’esprit du consommateur. « Cela a été la bonne surprise avec Kissabel : un réel “effet wahou” des consommateurs en rayon. » IFO a ainsi réalisé deux études consommateurs en 2014 en Europe, puis 2015 étendues aux Amériques et Asie.
« À chaque fois les panélistes ont été surpris, intrigués par la couleur de la chair et ont eu envie de goûter le fruit, se réjouit Emmanuel de Lapparent. Très peu de consommateurs ont rejeté la pomme. Ceux qui ont goûté ont été convaincus car Kissabel présente de très bons gustatifs. » Gustatifs au pluriel car les huit variétés de la gamme présentent, non seulement, des couleurs de chair différentes, mais aussi et surtout des profils gustatifs et organoleptiques différents.
Dresser le profil sensoriel des pommes
Pour dresser le profil sensoriel des variétés, IFO a travaillé avec le chercheur Ronan Symoneaux, chargé de recherche en évaluation sensorielle et en sciences du consommateur (lire ci-après) et son équipe au laboratoire Grappe de l’ESA d’Angers, avec une première étude en 2005-2006 commandité par IFO aux prémices du projet, puis, après la validation marketing des études consommateurs de 2014-2015, IFO et les partenaires ont demandé une nouvelle étude en 2020. Les profils sensoriels de quinze sélections Ifored (dont les huit variétés déjà commerciales) ont été dressés par un panel de quinze consommateurs entraînés.
Les membres du panel ont listé les arômes qu’ils percevaient dans chaque pomme, puis les ont regroupés en sous-ensembles – notes d’agrumes, de fruits rouges, etc. – pour simplifier les profils. « Certains ont fait référence à des arômes très spéciaux auxquels on ne s’attendait pas ! Comme des notes boisées, de légumes. »
Ces descriptifs d’arômes ne seront pas affichés et utilisés en marketing en 2022, les partenaires préférant cette année se concentrer sur l’ancrage de la marque Kissabel. La caractérisation de texture ne sera pas nécessairement utilisée. « En général le consommateur veut du croquant et de la jutosité, caractéristiques que nous avons donc recherchées dans nos pommes », confirme Emmanuel de Lapparent.
Intensité de la couleur, goût et effet terroir
Toutes les pommes utilisées par les panélistes viennent du verger d’IFO et non de différents partenaires. Il y en effet un « effet terroir » (climat, sol, altitude…) qui a une influence sur l’intensité de coloration de la chair, qui elle-même à une influence sur le gustatif.
« Ce sera un élément à prendre en compte en commercialisation. L’objectif est en effet d’avoir des variétés très différentes gustativement, mais on veut garder une certaine constance au sein d’une même variété. » Pour cela, à l’instar des variétés club, les variétés Kissabel ont chacune un cahier des charges qui prend, notamment, en compte la couleur. « Nous avons monté notre propre échelle colorimétrique. C’est un moyen pour nous de nous assurer que les pommes gardent leurs spécificités, notamment gustatives, dans une même variété, même produites dans des bassins différents », glisse Emmanuel de Lapparent.
Se faire sa place dans le rayon pommes
L’objectif du projet Ifored est aussi que « cette innovation génère de la valeur ajoutée, et que cette valeur soit partagée tout le long de la filière jusqu’aux producteurs ». Kissabel se positionne sur le segment premium du rayon pommes, à l’instar des variétés club. « Nous voulons être vus comme une pomme qui puisse être consommée tous les jours et non comme un produit de luxe à un prix deux à trois fois plus cher pour le consommateur. »
Un frein à lever : l’originalité est sur la couleur de la chair, donc interne. L’échantillonnage en rayon reste néanmoins un moyen très efficace de faire connaître le produit, même si le procédé reste limité depuis la Covid. « Mais, en 2019, les partenaires européens avaient pu, sur la première récolte, organiser des échantillonnages qui avaient très bien fonctionné. Nous travaillons aussi sur les réseaux sociaux sur lesquels nous affichons notre marque et notre couleur avec des images de pomme coupée qui marquent les esprits. »
Le marché de la pomme à chair rouge reste un marché de niche avec très peu d’acteurs. « Nous-mêmes nous manquons encore de volumes et donc nous ne pouvons pas encore dimensionner le marché. » L’objectif pour Kissabel est d’être présente dans le rayon pommes 12 mois sur 12, grâce à complémentarité de production hémisphère nord et sud, « mais quelle surface la pomme rouge prendra dans le rayon pommes, on ne le sait pas encore ».
Un peu d’histoire : Le programme Ifored va fêter ses 10 ans en octobre 2022 et Kissabel a fêté sa 3e année de commercialisation lors de la campagne 2021. À l’origine, ce programme de R & D visait à apporter de l’innovation dans le rayon pomme avec la création d’un nouveau segment, les pommes à chair rouge de qualité gustative. IFO et ses actionnaires lancent donc au milieu des années 90 un projet d’hybridation de variétés à chair rouge pour travailler sur la diversité génétique et vérifier si le goût et les qualités agronomiques pouvaient être garantis. Validées par des marketeurs puis confirmées par des études consommateurs en Europe, en Amérique et en Asie, ces variétés sont ainsi concrètement lancées dans le programme commercial, Ifored, qui a vu le jour en 2012.