Hervé Pillaud, ancien agriculteur, membre du Conseil national du numérique
[Salon de l'agriculture] Enjeux et défis de la mise en place d'une blockchain agricole
Auteur de deux livres remarqués (Agronumericus et Agroéconomicus), Hervé Pillaud considère que la filière agricole doit se positionner rapidement sur l’échange des données.
Auteur de deux livres remarqués (Agronumericus et Agroéconomicus), Hervé Pillaud considère que la filière agricole doit se positionner rapidement sur l’échange des données.
FLD : Pourquoi prônez-vous l’avènement rapide d’une blockchain agricole ?
Hervé Pillaud : Le numérique est partout et l’agriculture n’y échappe pas. Qui plus est, nous sommes dans une époque de transparence totale, surtout dans le domaine alimentaire, où le doute provoque une réaction forte du consommateur avec les conséquences que cela entraîne sur le plan commercial.
La blockchain, en tant que base de données sécurisée, distribuée et partagée par ses différents utilisateurs sans intermédiaires (ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne) est une réponse à cette situation. Mais, il ne faudrait pas voir en elle la panacée. Comme toute technologie, il y a des côtés positifs et négatifs. Ainsi, elle est très gourmande en énergie. Dans le contexte actuel, il faut y penser.
FLD : Comment pourrait-elle s’articuler ?
H. P. : Il existe plusieurs blockchains : un modèle très distribué (celui des cryptomonnaies) et un beaucoup plus centralisé. Mais entre ces deux extrêmes, je pense qu’il existe une plage où il est possible de développer une blockchain qui puisse répondre véritablement aux besoins de chaque maillon de la filière agricole jusqu’au consommateur. À ce stade, on en vient rapidement à cette habitude française d’avoir toujours une « tête de réseau », que cela soit l’organisation de producteurs, la coopérative ou très souvent le distributeur. Ici, ce ne serait plus le cas.
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[Vidéo] Du lait tracé grâce à la blockchain Connecting Food
FLD : Justement quel serait le rôle d’une organisation de producteurs ou d’une coopérative dans la blockchain ?
H. P. : La blockchain, c’est, d’une part, l’authentification des données et, d’autre part, la contractualisation des échanges. L’automatisation du contrat fait qu’une partie des missions de l’organisation de producteurs, celle relevant de la garantie, n’aurait plus lieu d’être. On gagnerait du temps et de la productivité dans le domaine des procédures. Tout serait sur la blockchain.En revanche, le rôle de l’organisation de producteurs resterait entier pour ce qui relève de la négociation du contrat. En ce qui concerne la coopération, je citerais le très bon exemple de Terrena et de sa plate-forme collaborative de traçabilité développée avec GS1 France.
« L’interprofession doit lancer le processus car elle regroupe l’amont et l’aval »
FLD : Comment la filière fruits et légumes pourrait-elle s’engager ?
H. P. : À mes yeux, l’interprofession doit lancer le processus. Elle regroupe les parties prenantes de l’amont à l’aval. Il y a des arguments pour agir. Si le Maroc, ou l’Espagne, met en place le système avant la France, cela compliquera la fonction d’importation.
Les fruits et légumes subissent, comme d’autres, les aléas climatiques : la blockchain peut être très utile dans le domaine assuranciel en libérant les données. Le déclenchement automatique de la procédure permettrait une plus grande rapidité dans le traitement et le remboursement.
Si la filière connaît la crise économique, la blockchain, supprimant le temps passé à gérer la complexité administrative, permet de se focaliser sur l’opérationnel tout en réduisant les coûts. Sa mise en place pourrait cependant impacter l’emploi. Il faudra donc beaucoup de pédagogie en amont. Sinon, on risque un blocage total.