Conjoncture
En 2014, le marché de la carotte est difficile
Fortes importations, production en baisse et consommation plus qu'atone, la carotte française a du mal à se positionner.


Avec une moyenne de 11 kg par ménage acheteur, la carotte est le deuxième légume le plus consommé après la tomate. Le profil d'acheteurs est plus familial que la moyenne des légumes. Pour améliorer sa consommation, l'AOP Carottes réfléchit à développer une segmentation par l'usage avec l'ensemble des opérateurs de la carotte.
Cette année le marché est particulièrement difficile. La baisse de production nationale s'est confirmée en août selon les dernières données du service statistiques du ministère de l'Agriculture (Agreste). Elle dépasse les 10 % sur la campagne, soit une diminution de près de 40 000 t entre mai 2014 et avril 2015 par rapport à la même période 2013-2014. Les récoltes font état d'une production de 310 000 t contre 350 000 t en 2013. Les surfaces en production en Basse-Normandie, Bretagne et Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui ont résisté, sont effacées par le repli que subissent les zones de production de la principale région : l'Aquitaine. Avec moins de 4 000 ha, cette région est en régression de 5 % sur un an. Alors que le long de la Méditerranée, la campagne 2014 est stable depuis 2011 aux alentours de 800 ha. Côté volume, la tendance est à la baisse. « Nous n'avons passé que la moitié des volumes habituels en juillet-août », annonçait, déçu, Alexandre Picault, directeur commercial chez Kultive. Côté prix, les cours proches de la moyenne quinquennale en mai ont été entraînés à la baisse durant les mois de juin et juillet. Et la demande en volumes n'a pas été aussi dynamique qu'en 2013, année qui avait enregistré une progression des prix au cours de la période estivale. Aussi, les cours, cette année, sont en légère baisse à un niveau nettement inférieur à celui de l'année précédente. Et sur l'ensemble des marchés, la demande demeurait constante mais cependant peu dynamique comparée aux années précédentes, selon les dernières données d'Agreste.
Une présence forte de carottes belgesCe qui inquiète le plus les opérateurs, c'est la présence forte de concurrents étrangers comme la Belgique qui ont pris cette année des parts de marché à la carotte française. Aussi, l'AOP Carottes de France réfléchit actuellement à une opération pour mettre en avant l'origine France en rayon. Ce phénomène ne touche pas que la carotte. C'est un point similaire que l'on retrouve aussi en pommes de terre. « Les techniques de culture évoluent partout en Europe et chaque pays cherche à avoir du “Made in local” », note Céline Genty en charge de l'AOP Carottes de France. Cette saison, les conditions climatiques n'ont pas été clémentes pour la carotte et nombreux ont été les opérateurs obligés de détruire de la production directement dans les champs. « Nous avons dû jeter 2 000 t de carottes dans les Landes, reconnaît Alexandre Picault. Et l'entreprise s'est dotée d'un trieur optique dans les Landes pour valoriser les productions de qualité en catégorie Extra voire Hyper Extra. »
Chez Priméale, l'année 2014 est atypique et difficile pour plusieurs raisons : la consommation de fin d'hiver a été très faible sur les mois de janvier et février, un volume important d'importation (Espagne, Portugal, Italie, Israël...), un démarrage de la primeur française dans les Landes perturbé par les intempéries récurrentes de début d'année, une situation à l'export difficile en raison de la faible présence des pays traditionnels importateurs (Europe du Nord et de l'Est) du fait d'un hiver doux (conservation des produits) et d'un printemps précoce sur les nouvelles variétés.
Pour rassurer le client, les opérateurs jouent la carte du “Made in local”Entre la carotte primeur et la carotte de conservation, le consommateur est de plus en plus perdu dans l'assortiment carotte dans les rayons. « Le consommateur est demandeur de produits de saison, de local, il n'a pas envie d'être trompé sur la marchandise, explique Angélique Aubry chez Priméale. Aussi nous avons mis en place une segmentation particulière. Elle porte sur la carotte primeur (en différents formats) et la carotte de conservation lavée, non lavée, Label Rouge et petite carotte, le tout étant proposé en sachet de 1 kg, 2 kg et en carton de 5 kg. » Et l'origine locale plaît de plus en plus. « En segmentation 1 kg, on note une progression des ventes liée à un bon référencement. Et nous avons de la carotte de la baie du Mont Saint-Michel proposée de fin juillet à fin septembre. »
Chez Kultive, la régionalisation de la production fait partie du développement des ventes et l'opérateur joue aussi avec la photo du producteur sur le packaging, car les clients sont demandeurs d'un lien fort au terroir. « Depuis la reprise de Silvacane, nous avons des ventes de carottes du Sud-Est à asseoir auprès de nos clients régionaux, explique Alexandre Picault. Il y a du potentiel. Certes cela déshabille les productions dans les Landes mais la consommation est différente et beaucoup plus tournée vers les productions locales. » L'entreprise communique sur ses deux bassins de production : les Landes et le Sud-Est où elle réalise bon an mal an 20 000 t dans les Landes et 10 000 t dans le Sud-Est. Aussi bien en marque de distributeur (MDD) qu'en marque propre. « Nous avons même des clients comme l'enseigne de gros Metro par exemple qui nous demandent des précisions à afficher sur leurs offres de sachets de 5 kg pour préciser l'origine du produit », ajoute encore Alexandre Picault.
Le choix de la diversification et du développement durableA côté de cela, certains opérateurs ont fait le choix de la diversification, voire même d'un ancrage fort pour la protection de l'environnement. Chez Priméale, une offre de carottes colorées a fait son apparition. « Nous proposons une offre de carottes jaunes, oranges et violettes mélangées en niche produit. Cela permet d'enrichir la gamme et nous la proposons en sachet de 1 kg ou 500 g en mono-produit juste en jaune ou en violette. » Et la petite carotte a fait son entrée. « Nous avons lancé ce produit il y a un peu plus d'un an pour viser la cible des jeunes consommateurs, explique Angélique Aubry. Mais nous sommes confrontés à un problème de place dans les linéaires. La grande distribution n'accorde que peu de mètres linéaires à ce légume contrairement à la tomate (..). Grâce à la petite carotte, nous allons dynamiser le rayon en proposant des packagings spécifiques selon la taille des magasins, avec des emballages 500 g ou 750 g selon si c'est un supermarché ou un hyper. » Planète Végétal, qui a remplacé la marque Pot au Pin depuis novembre 2011, a développé un produit spécifique : Carotine. Cultivée dans les sables des Landes de Gascogne, Carotine, lancée en 2013, est une offre en 500 g composée d'une douzaine de petites carottes permettant d'apporter une nouvelle segmentation. Elle est disponible d'octobre à avril et bénéficie d'une certification spécifique. Son emballage clair lui permet d'informer le consommateur sur son lieu de production mais aussi permet de donner des précisions quant à sa préparation culinaire. En parallèle, Planète Végétal a lancé Croq'carotte (cf. l'article sur le marché de la baby-carotte p. 56) en 2012. Il s'agit d'une offre de carottes à croquer crues, triées et sélectionnées pour être plus attrayantes pour les enfants. Elle est disponible de mai à octobre en étant cultivée en Gascogne en Aquitaine. Enfin depuis déjà plusieurs années, Planète Végétal soutient la protection de l'environnement, avec la mise en place de bandes fleuries le long des cultures mais aussi le soutien aux apiculteurs, l'entreprise joue la carte du développement durable car elle est membre fondateur de la démarche Demain la Terre, qui regroupe huit producteurs leaders des f&l.
Des importations en hausse donnant lieu à un marché extérieur déficitaireEnfin sur les marchés extérieurs, les exportations ont progressé en janvier mais durant les mois suivants, les quantités vendues en dehors de l'Hexagone étaient annoncées en baisse selon les dernières données d'Agreste. Elles se sont redressées en mai mais elles étaient largement inférieures à celles de juin 2013. Côté importations, Agreste note un déficit des échanges extérieurs car elles étaient en progression chaque mois de janvier à avril comparées à l'année 2013, puis elles se sont stabilisées en mai et ont accusé une forte diminution en juin. Plusieurs opérateurs ont en particulier mentionné la présence forte de carottes de Belgique pendant la saison de la carotte primeur française, ce qui a particulièrement rendu le marché hexagonal difficile durant cette période.