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Dossier Salade : LILLA fait fleurir les alternatives de protection

Le projet LILLA montre qu’une re-conception du système de culture de salade passant par la mobilisation de plusieurs leviers (raisonnement de la fertilisation, irrigation et optimisation du choix variétal) offre des perspectives intéressantes dans les situations où la pression sanitaire reste limitée.

Pour réduire, voire supprimer le recours aux traitements chimiques de synthèse, il devient indispensable de mobiliser plusieurs leviers agroécologiques. Pour la culture de laitue, ces leviers sont d’autant plus essentiels que les agents de la pourriture du collet (APCs) tels que Botrytis cinerea et Sclerotinia spp. peuvent être à l’origine de dégâts conséquents.

La qualité sanitaire et environnementale améliorée

Le projet LILLA (1) vise à abandonner les traitements chimiques préventifs effectués contre deux champignons pathogènes majeurs en culture de laitue, avec pour objectif principal la mise au point de nouvelles stratégies de culture. Pour parvenir à cet objectif, le CTIFL, l’INRA d’Avignon, l’APREL, ainsi que Green Produce (metteur en marché de produits agricoles en quatrième gamme) ont testé des stratégies mobilisant plusieurs leviers (voir encadré). « Dans les conditions des essais au CTIFL et sur les sites des producteurs de l’APREL, la surveillance renforcée dans les cultures et la gestion optimisée de l’irrigation, de la fertilisation et de l’aération ont permis de s’affranchir de la lutte préventive contre les APCs, voire de réduire significativement les traitements d’une manière globale. La qualité sanitaire (moins de résidus de produits phytosanitaires et de nitrates) et environnementale (réduction des IFT et moins d’azote lessivable) en a été améliorée », précise un article récemment publié dans Infos CTIFL*.

 

 

Ainsi le climat, à travers la gestion de la température et de l’hygrométrie de l’air, mais aussi la présence d’eau sur le feuillage sont des facteurs essentiels pour limiter la pression en APCs. « Lorsque les salades commencent à se toucher, les conditions climatiques favorables au développement des pourritures sont d’autant plus problématiques que l’air ne circule plus entre les plantes », remarque Claire Goillon, APREL. Sur les sites de l’APREL, les conditions de températures et d’humidité variables d’une année sur l’autre déterminent le niveau de risque de pourritures mais les observations mettent aussi en avant l’impact de l’absence de traitement contre les champignons, précise la spécialiste.

L’irrigation est un des leviers utilisables

Le levier « mode d’irrigation » influence l’hygrométrie relative de l’air. En entraînant une diminution de celle-ci, le goutte-à-goutte est donc un élément de limitation de conditions favorables aux pathogènes concernés. Ce phénomène a pu être observé lors du passage de la micro-aspersion au goutte-à-goutte. C’est au printemps 2017 que les effets du mode d’irrigation sur l’hygrométrie de l’air ont pu le mieux-être observé au CTIFL. « En effet, le mois de mars pluvieux suivi d’un mois d’avril chaud et sec ont permis de constater que les laitues arrosées par aspersion poussent dans des conditions plus à risques que les laitues irriguées en goutte-à-goutte, 80-90 % HR contre 50-70 % », précise un article récemment publié dans Infos CTIFL*. Le raisonnement de l’irrigation est aussi un des leviers utilisables et utilisés pour réduire l’inoculum et favoriser l’environnement cultural. Pour cela, le plein en eau du sol peut être réalisé à la plantation, suivi d’arrosages raisonnés en fonction des données fournies par les sondes tensiométriques. « Par exemple, sur le site de Saint-Rémy de Provence en 2017, les trois arrosages réalisés au cours du cycle de culture (2.5 mois) répondent aux besoins de la salade sans saturer le sol, et limitent également les périodes d’humectation des feuilles diminuant ainsi les risques liés à l’apparition des champignons », mentionne Claire Goillon.

Des réductions significatives d’IFT

Le goutte-à-goutte présente également un intérêt environnemental vis-à-vis de la diminution du risque de lixiviation de l’azote, car ce système offre la possibilité de fractionner les apports plus aisément en cours de culture via la fertirrigation (voir encadré). Le levier « réduction de la densité de plantation » a aussi été étudié. En 2015 et 2016, il montre un poids net individuel légèrement supérieur par rapport à la densité de référence (13 plants/m² au lieu de 14 plants/m²) sans que cela soit significatif statistiquement. Néanmoins, dans le contexte d’absence de maladie, cela entraîne un manque à gagner dans le cas de la commercialisation à la caisse ou à la pièce de laitue. De même, l’observation du poids après parage d’une batavia à la récolte sur les essais à l’APREL montre de faibles différences entre le poids net commercial des salades des modalités Bas intrant et Producteur. Les plus grosses pertes de rendement observées sont dues à l’absence de fongicide en 2015 à Saint-Rémy et à l’épisode de « sur-fertilisation » survenu sur le site de Graveson en 2017, qui a eu pour conséquence de bloquer les salades, entraînant un très faible niveau de vigueur.

L’action sur ces différents leviers a permis des réductions significatives d’IFT et de résidus de produits phytosanitaires. Au CTIFL, l’IFT chimique vis-à-vis du Botrytis et du Sclerotinia a été réduit de 100 %. Aucun traitement chimique n’a été effectué dans les conduites raisonnées contre trois applications sur les laitues de la conduite « Producteur » en 2015 et 2016 et deux en 2017. « Les blue plate n’ayant pas révélé de risque quelle que soit l’année, nous n’avons pas déclenché l’application de Signum sur la conduite « Bas intrant » », explique l’article*. A la récolte, aucune des molécules présentes dans les traitements « anti-pourriture » du collet n’a été quantifiable en 2015 et 2016 quelle que soit la conduite. En 2017, des résidus ont été mesurés dans la conduite Producteur (trois molécules) et dans la conduite Bas intrant (une molécule détectée dans une répétition sur deux alors qu’aucun traitement n’a été fait). Néanmoins les résidus détectés restent systématiquement bien inférieurs (moins de 10 % des seuils) aux LMR (limite maximale de résidu).

Les stratégies bas intrants coûteuses

La mise en place de stratégies qui combinent plusieurs leviers permet donc de tendre vers des systèmes très peu consommateurs d’intrants. « Ainsi la re-conception du système de production au travers de l’utilisation des différents leviers décrits précédemment a permis, notamment la dernière année, de s’affranchir de deux anti-botrytis », mentionne le compte rendu. Au-delà de l’évaluation des résultats agronomiques du projet LILLA, dont les perspectives sont plutôt positives, l’évaluation économique des stratégies mises en place est également importante. En effet, les stratégies bas intrants sont généralement plus coûteuses. La réduction de densité peut occasionner un manque à gagner conséquent d’autant que l’efficacité de ce levier n’a pu être montrée. « L’intérêt des produits de biocontrôle n’a pas pu être confirmé dans le cadre des travaux de par la difficulté d’évaluer l’impact d’un seul levier dans un système de culture qui mobilise plusieurs leviers », notent les auteurs. En conditions climatiques moins favorables et avec une pression plus forte des bioagresseurs, les pertes de salades peuvent être plus importantes pour les stratégies bas intrants moins protégées. Au final, les acquis du projet visent à renforcer la pertinence du conseil auprès des producteurs pour leur donner les clés nécessaires afin d'ajuster la conduite des cultures.

(1) Le projet LILLA (2012-2018) s’inscrit dans le cadre du réseau DEPHY Expé du plan Ecophyto. Il s’appuie sur les acquis des projets Fertipro et Fertilég (2010-2012)

*Tiré de « Réduire la protection phytosanitaire en culture de laitue/Mobiliser des leviers alternatifs et concevoir le système de production », Infos CTIFL avril 2019.

Quelles alternatives aux traitements phytosanitaires ?

Agir sur les bioagresseurs

Usage de produits de biocontrôle : plusieurs produits de biocontrôle à base de champignons parasitaires (Contans, Tri-soil ou Prestop) ont été testés en alternative aux traitements fongicides.
Utilisation raisonnée des produits phytosanitaires : Des observations réalisées chaque semaine ont permis de détecter l’apparition des foyers de pucerons et les premiers symptômes de pourritures. Les traitements phytosanitaires ont ainsi été déclenchés, soit de manière fixe, soit suite à des observations de l’augmentation de la pression fongique sur le terrain (APREL) ou grâce à un outil d’aide à la décision utilisé en culture de carotte pour détecter la présence de spores de Sclerotinia et de Botrytis, le test Blue plate (CTIFL).
Utilisation de la prophylaxie : principalement le retrait des plantes infectées sources d’inoculum.

Agir sur la culture

Modification de la densité de plantation : densité réduite de 1 plant/m² par rapport à la pratique du producteur a été mise en place, afin de favoriser l’aération dans la culture.
Application de stimulateurs de défenses des plantes (SDP) : Vacciplant, a été testée dans un essai réalisé à l’APREL. Etonan a également été introduit afin de prévenir les apparitions de Bremia.
Raisonnement du choix variétal : Une attention particulière s’est portée sur les résistances Bremia (Bl) ainsi que sur la résistance puceron (Nr (0)). Les variétés d’une moindre sensibilité aux APCs lors des tests réalisés par l’INRA d’Avignon ont pu être introduites dans ces essais. Les variétés dites plus souples, adaptées à un créneau large, et peu sensibles aux variations de climat, ont également été privilégiées.

Créer un environnement moins favorable aux bioagresseurs

Eau : Les tensiomètres ont permis de mieux raisonner. Au CTIFL, l’irrigation par aspersion, pratique de référence chez les producteurs de laitues, a été comparée à l’irrigation goutte-à-goutte (voir article).
Azote : La fertilisation azotée est basée sur la dynamique des besoins de la culture, la mesure des reliquats azotés, le fractionnement des apports et l’utilisation de pompes doseuses pour fertirriguer.

Aération : La gestion a été réalisée en fonction des conditions météorologiques afin d’éviter le développement des problèmes fongiques

Plus d’efficience de l’azote

Des essais menés au printemps 2016 montrent une meilleure efficience de l’azote apporté pour la production de biomasse quand il est ajusté aux besoins de la culture en intégrant les fournitures du sol (dont l’azote issu de la minéralisation). Les réductions conséquentes d’apports d’azote qui ont pu ainsi être effectuées au CTIFL, placent les plantes dans des situations de nutrition azotée contrastées. Dans les essais réalisés à l’APREL chez les producteurs, les parcelles ont été choisies de manière à avoir un niveau de fertilisation plus faible dans la modalité Bas Intrant par rapport à la modalité Producteur, et ce dans le but de limiter l’apparition des pourritures. Sur le site de Saint-Rémy de Provence, une différence de 25 % est observée par rapport à la modalité Producteur. Toutefois les niveaux d’azote mesurés sont élevés quelle que soit la modalité. Les essais réalisés au CTIFL et à l’APREL se trouvent donc dans des situations contrastées de nutrition azotée, avec des réserves d’azote plus élevées dans les sols des producteurs.

Rédaction Réussir

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