Dossier Poireau : La rotation tourne autour du poireau
En allongeant ses rotations, Sylvain Legrand souhaite préserver ses sols. Le producteur normand de légumes plein champ veut ainsi maintenir la culture phare de son exploitation : le poireau.
En allongeant ses rotations, Sylvain Legrand souhaite préserver ses sols. Le producteur normand de légumes plein champ veut ainsi maintenir la culture phare de son exploitation : le poireau.
« Le poireau est la culture principale en temps de travail et en chiffre d’affaires sur mon exploitation », annonce Sylvain Legrand, producteur de légumes de plein champ dans la Manche à Anneville en Saire. Pourtant cette culture ne représente qu’une dizaine d’hectares sur sa SAU de 70 ha. Le reste des parcelles est partagé entre 30 ha de choux, 7 ha de carotte, 6 à 10 ha de pomme de terre primeur et 25 ha de céréales. Le blé, l’orge et le maïs entrent annuellement dans la rotation avec des surfaces variables selon les années et les conditions d’implantation de ces cultures.
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Le poireau français, leader européen
« Ne pas déstabiliser le marché »
« Depuis quelques années, j’ai diminué mes surfaces de poireau, en passant de 12 à 10 ha », mentionne même Sylvain Legrand. Ce sont les difficultés de recruter de la main-d’œuvre et surtout le souci de préserver ses sols qui ont conduit le professionnel à cette décision. « J’ai encore de nombreuses années à travailler et je ne souhaite pas me confronter à des problèmes agronomiques et phytosanitaires dus à l’intensification de la culture du poireau », précise-t-il. Aussi pour ne replanter du poireau sur une même parcelle que tous les six, voire sept ans, Sylvain Legrand a maintenu les cultures de choux en diversifiant. « Avec les choux blancs, pommés, brocoli, romanesco… nous disposons d’une large gamme à produire et à vendre », assure le producteur. Toutefois le poireau représente toujours plus de 50 % du revenu de l’exploitation. « En réduisant mes surfaces, j’ai augmenté ma densité de plantation d’environ 20 %, en passant de 10 à 12 plants par mètre linéaire », note-t-il. L’opération a permis de réduire le calibre des poireaux, parfois trop gros, et de mieux correspondre à la demande du marché français majoritairement orienté sur un diamètre 20/30 mm. Assurant aussi le maintien du revenu de cette production. « Il faut trouver un équilibre de deux tiers de 20/30 mm et un tiers de 30/40 car au-delà le marché absorbe difficilement les gros calibres », assure le professionnel, également président de l’AOPn Poireaux de France. Le poireau est donc planté toutes les semaines de fin mai à fin juillet pour un début de récolte mi-septembre qui se prolongera jusqu’au 15 avril. Les variétés, Poulton en début de saison et Vitaton à partir de mi-janvier, assurent la quasi-totalité des créneaux de récolte.
Plus de binage et moins d’herbicide
Pour Sylvain Legrand, l’allongement des rotations s’inscrit dans une démarche MAEC (mesures agro-environnementales et climatique), dans laquelle il s’est engagé depuis 2015. Son action intègre également la mise en place de zones de régulation écologique autour des parcelles dans un objectif de réduire de 30 % l’usage des herbicides. Aussi, le producteur suit avec beaucoup d’intérêt les travaux de traitement localisé pour une réduction des désherbants. Mais déjà sur son exploitation, le désherbage mécanique se généralise. « Nous sommes passés d’un simple binage-buttage à deux ou trois désherbages mécaniques selon les années et les conditions climatiques », précise-t-il. Ce qui a nécessité l’investissement dans du matériel adapté, dont la polyvalence est parfois difficile à concilier avec les autres cultures légumières à grand écartement comme les choux (50 cm entre rang en poireau et 80 cm en choux). « Même en intervenant rapidement, il est difficile de biner avant trois semaines après plantation. C’est un délai long qui nécessite toujours un recours à un herbicide de post-plantation dont nous sommes en attente de dérogation tous les ans », explique le spécialiste. Il en est de même pour d’autres produits de protection contre le thrips dont la pression fluctue selon les années mais qui nécessite toutefois des applications pour préserver la qualité sanitaire et commerciale du feuillage face aux piqûres du ravageur. Contre la rouille, le producteur déplore la perte d’usage d'Horizon qui assurait une protection fongicide. Les essais Dephy Expé poireau réalisés au Sileban sont donc en relation directe avec les préoccupations des professionnels.
Avis d'expert : Sylvain Legrand, producteur de poireau dans la Manche
« Nous avons régulièrement changé d’éplucheuse puisque nous en sommes à la troisième mais aujourd’hui un agrandissement s’impose », assure Sylvain Legrand. Aujourd’hui, il prévoit de construire une nouvelle station de lavage. L’actuelle existe depuis 25 ans. Le professionnel envisage aussi l’investissement d’une ligne de lavage/conditionnement en s’équipant d’un matériel qui permettra aussi de produire du fût de poireau. « C’est une tendance du marché à laquelle il faut penser même si pour l’heure nous n’avons pas encore de demande régulière sur ce segment », conclut-il.