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Dossier Pêche : Catalogne, le rouleau-compresseur européen

En moins de trente ans, la Catalogne est devenue la principale région espagnole et européenne productrice de pêches et nectarines. Une performance liée au dynamisme et à une forte compétitivité des arboriculteurs catalans… pourtant fragilisés ces dernières années par des prix non rémunérateurs.

Sisco Palau, président de la coopérative de SOSES et du comité fruits d'Afrucat est convaincu que les techniques de production vont devoir encore évoluer pour plus de compétitivité.
© B. Bonnet

Avec quelque 567 000 tonnes produites en 2017, la Catalogne affiche son leadership sur la production européenne de pêches et nectarines. Les aléas climatiques de la campagne 2018 avec d’importants épisodes de grêle ont significativement amputé le potentiel de production catalan qui, avec 410 000 t, a néanmoins conservé son ascendant sur les autres régions productrices européennes. Des chiffres qui témoignent du fort dynamisme de ce secteur ayant conduit les superficies du verger catalan à atteindre près de 23 000 ha en 2018.

 

 

Principale espèce cultivée dans cette région, la nectarine couvre quelque 9 043 ha ; soit près de 40 % de plus que le verger de pêches rondes et ses 5 463 ha. Grand phénomène de cette dernière décennie, la pêche plate a connu un développement considérable de ses surfaces ayant atteint 5 775 ha, la propulsant désormais en deuxième position après la nectarine. Après une période de déclin qui a conduit à de nombreux arrachages, la pavie destinée au marché espagnol connaît un regain d’intérêt ; ce qui s’est traduit par une augmentation de son verger qui s'établit désormais à 1 566 ha.

Des productions destinées à l’export

Ce leadership est le fruit d’une extrême technicité des arboriculteurs catalans mais aussi d’une très bonne organisation de la production. D’une vingtaine d’organisations de producteurs de pêches et nectarines en 2013, la Catalogne en comptait 35 en 2014 et 38 en 2018. Ce bond considérable est à corréler à l’augmentation significative en 2014 des surfaces du verger catalan qui, depuis, se sont stabilisées. En 2017, les surfaces adhérentes à l’association catalane des producteurs de fruits Afrucat s’établissaient à 20 000 ha, soit 90 % des surfaces du verger de pêchers et nectariniers catalan. Très majoritairement destinées à l’export, les productions de pêches et nectarines inondent le continent européen. En trio de tête des pays importateurs, l’Allemagne, la France et l’Italie ont absorbé en 2018 plus de la moitié des pêches et nectarines espagnoles. A noter que de nouveaux pays parmi lesquels la Hollande, la Pologne, la Roumanie… ou encore les Pays baltes accroissent significativement les importations espagnoles.

Technicité et réactivité

Pour s’assurer une vraie agressivité commerciale sur le marché européen, les arboriculteurs catalans ont développé une grande réactivité et une haute technicité. Ils ont rapidement adapté leurs vergers via l’innovation variétale et l’évolution des techniques culturales. Des facteurs garants de résultats surprenants tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif. A Soses, territoire situé à proximité de Lérida au cœur de la comarque El Segrìa, la coopérative arboricole illustre le phénomène observé en Catalogne au cours de ces dernières années. Outre la physionomie des paysages qui, d’emblée, témoigne de la considérable évolution des surfaces du verger en lien avec le développement de l’accès à l’eau dans ce vaste territoire, les chiffres parlent d’eux-mêmes. « Il y a trente ans, mon père produisait 300 t de pêches et nectarines, aujourd’hui j’en produis 8 000 t par an. Cela s’est toutefois accompagné d’une forte diminution du nombre de producteurs. De 140 coopérateurs, la structure ne compte plus que 20 adhérents parmi lesquels 20 % produisent 80 % des 25 000 t commercialisées annuellement », explique Sisco Palau, président de la coopérative de Soses et président du comité Fruits à noyau d’Afrucat. Parallèlement à la disparition de petits producteurs, l’arrivée de nouveaux arboriculteurs très spécialisés et faiseurs de volumes significatifs, de l’ordre de 2 000 à 3 000 t, et l’agrandissement d’autres exploitations ont conduit à la professionnalisation de la filière ainsi qu’à une grande spécialisation de cette zone, historiquement dédiée à la culture de la pomme et de la poire. Outre la rénovation variétale qui a introduit des variétés de très bonne qualité gustative, les techniques culturales dont la fertirrigation, la mécanisation partielle de la taille et de l’éclaircissage ont accompagné cette évolution. Il résulte qu’à l’échelle de la coopérative, le rendement moyen s’établit actuellement à 40 t/ha et vise 50 t/ha en réduisant la part des pêches précoces. « Ponctuellement, avec des variétés de fin juillet-début août nous avons obtenu jusqu’à 80 t/ha. Même à ce niveau de rendement, aucun compromis sur la qualité n’est admis », affirme Sisco Palau.

Des vergers super-intensifs de 3 000 arbres par hectare

L’itinéraire technique avec entre autres une irrigation déclenchée très précocement, des apports de potasse de l’ordre de 300 unités par hectare respectant un équilibre 1,5-0,5-3 et un choix variétal adapté, constituent, selon lui, les clés de cette performance. D’un point de vue variétal, les attentes sont grandes. « Le verger catalan a été un immense champ expérimental avec plus de 400 variétés plantées. Nous avons essuyé beaucoup trop d’échecs. L’innovation variétale doit aujourd’hui permettre de sélectionner des variétés de bonne qualité gustative, productrices et mécanisables. Nous ne pouvons plus nous permettre de nous tromper en plantant une variété », poursuit Sisco Palau. Dans cet objectif, des vergers super-intensifs de 3 000 arbres par hectare (plantés à 3 m x 1 m, conduits en axe, destinés à former des haies fruitières) ont récemment vu le jour en Catalogne. Avec une entrée en production prévue dès la deuxième année et un objectif de production de 60 à 70 t/ha en pleine production, les arboriculteurs catalans se lancent un nouveau défi. Un défi qui pourrait leur permettre de résister à la crise que traverse la pêche, rémunérée à moins de 0,30 €/kg les années difficiles. « Actuellement, pour résister nous n’avons pas d’autres choix que de produire très vite ce que le marché demande. Demain, l’agriculture sera pour des gens agiles, capables de s’adapter et de réagir avec célérité », termine Sisco Palau. Tout laisse à penser que les producteurs catalans se préparent à relever ce défi…

Un plan d’arrachage de 2000 ha

Victime de son développement, la filière catalane est confrontée à une crise quasi-structurelle depuis quelques années. Malgré un coût de production moyen proche de 0,30 €/kg, les producteurs catalans souffrent de prix non rémunérateurs. En réaction à cette crise, le département d’agriculture de Catalogne a récemment approuvé un plan d’arrachage de 2 000 ha de pêchers et nectariniers. En contrepartie, les producteurs percevront une aide de 5 000 € par hectare. La mesure est limitée à trois hectares par demandeur et le producteur s’engage à ne pas replanter de pêches, pêches plates, pavies et nectarines durant les quatre années suivantes. Selon l’association de producteurs Afrucat, cette mesure qui vise à réduire de près de 10 % la superficie du verger catalan a un double objectif. « Ce plan d’arrachage vise, d’une part, à supprimer les variétés anciennes les moins productives et moins qualitatives vendues à bas prix et, d’autre part, à accompagner financièrement le départ de certains producteurs. Il permettra ainsi d’assainir l’offre de variétés non performantes tout en aidant des producteurs désireux de partir à la retraite ou de quitter ce secteur d’activité à le faire dans de bonnes conditions », explique Sara Ruiz d’Afrucat.

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