Dossier Dephy arbo : Favoriser la biodiversité au verger
Au Verger des Tonneries, différentes techniques sont testées depuis cinq ans dans le cadre du groupe Dephy ferme La Morinière Val de Loire pour réduire l’usage des produits phytosanitaires. Des efforts sur à peu près tous les postes ont permis d’abaisser l’IFT de 53 en 2011 à 22 en 2017.
Au Verger des Tonneries, différentes techniques sont testées depuis cinq ans dans le cadre du groupe Dephy ferme La Morinière Val de Loire pour réduire l’usage des produits phytosanitaires. Des efforts sur à peu près tous les postes ont permis d’abaisser l’IFT de 53 en 2011 à 22 en 2017.
Membre du conseil de gérance de la station de la Morinière, Yohann Lethoueil, directeur de la SCA Rouge-Gorge, a naturellement intégré le réseau Dephy ferme La Morinière-Val de Loire dès sa création. « Dans le cadre de notre OP, Pom’Evasion, nous cherchons à réduire les pesticides, explique-t-il. En intégrant un groupe Dephy, cela nous permet d’être accompagnés par la Morinière et d’échanger avec d’autres producteurs ». Sur 180 ha de vergers de pommiers que compte la SCA en Deux-Sèvres, un site, le Verger des Tonneries, et plus spécialement une parcelle de Gala, a été choisi pour tester différentes techniques. « Il y avait déjà beaucoup de prophylaxie, comme l’andainage des feuilles contre la tavelure ou la suppression des pousses chancrées, précise Stéphanie Coffi Dit Gleize, responsable production. Et l’utilisation des pesticides était déjà raisonnée. »
Retrouvez tous les articles de notre dossier Dephy Arbo:
"L'IFT a baissé d'un quart en moyenne dans les réseaux Dephy Ferme arbo"
Répondre aux bioagresseurs émergents
Valider pas à pas les réductions de dose
Un point important testé dans le cadre de Dephy est l’utilisation du modèle Rimpro pour raisonner les traitements contre la tavelure. « Sur certains sites, le risque est élevé, explique Stéphanie. Les traitements étaient donc assez systématiques. Avec Rimpro, si le verger est sain, nous tolérons un risque faible et n’utilisons que du cuivre et du soufre. Nous avons investi dans le logiciel et l’utilisons désormais sur tous nos sites. » Une grande rigueur est apportée aussi à la prophylaxie contre le chancre. « Nous enlevons systématiquement les pousses chancrées et sommes très attentifs aux jeunes parcelles. Nous travaillons la réduction des doses de cuivre. Et si le temps est sec, nous ne protégeons plus les arbres après la taille ou la récolte. »
Bandes fleuries, haies, nichoirs…
Le désherbage chimique a été fortement réduit. Les parcelles de plus de cinq ans ne sont plus désherbées, pour favoriser les auxiliaires, et des essais de désherbage mécanique ont été menés. La principale interrogation porte sur le lierre. « Apparemment, le lierre ne concurrence pas l’arbre, analyse Stéphanie. Et c’est une espèce importante car elle fleurit tard et peut abriter de nombreux auxiliaires. La difficulté est de le maintenir sans qu’il monte trop haut sur l’arbre. » La stratégie pour réduire les insecticides repose en effet en grande partie sur les auxiliaires. « Nous misons beaucoup sur les auxiliaires et donc sur tout ce qui peut leur assurer « le gîte et le couvert ». » Outre la limitation du désherbage, les producteurs ne fauchent plus que deux fois par an, au lieu de quatre à cinq fois auparavant. Les abords des vergers sont moins débroussaillés. Près de 500 m de bandes fleuries ont été semés en bord de verger, avec un mélange du commerce (vipérine, centaurée bleuet, soucis, carotte sauvage…). « Avec un mélange, il y a plus de chance que certaines espèces soient adaptées au contexte et s’installent durablement, car l’objectif n’est pas d’en semer chaque année. » Plus de 600 m de haies (sureau, noisetier, cornouiller, orme…) ont été plantés en 2018 et les producteurs vont en planter autant en 2019. « Notre objectif est de créer un maillage de zones refuges pour les auxiliaires, les abeilles sauvages ou même les renards qui peuvent nous aider à lutter contre les campagnols. » Soixante nichoirs à mésange et un nichoir à chauve-souris ont été installés sur une parcelle touchée par le carpocapse. Et d’autres le seront en 2019. Enfin, des manchons en carton ondulés ont été posés au bas de certains arbres pour abriter les araignées en hiver.
Plus de néonicotinoïde depuis trois ans
Ces pratiques favorables aux auxiliaires ont porté leurs fruits. « Contre les pucerons, notre stratégie aujourd’hui est de ne plus utiliser la chimie en limitant les pucerons à l’automne, car c’est à partir de cet inoculum qu’il y a multiplication des pucerons au débourrement, précise Stéphanie. Cela implique de garder des fleurs tard en saison. » Depuis trois ans, plus aucun néonicotinoïde n’est apporté sur la parcelle Dephy, sans problème pour l’instant. Un traitement avec un mélange huile minérale et pyrèthre est seulement fait en sortie d’hiver, complété par un Flonicamide en préfloral. « Par la suite, nous n’utilisons plus aucun insecticide anti-puceron. En 2018, nous avons étendu cette stratégie à l’ensemble des vergers Rouge-Gorge. » Les producteurs ne traitent plus non plus contre les acariens, sauf cas exceptionnel. L’approche globale du verger a également évolué. « Depuis quatre ans, nous taillons moins pour parvenir à un meilleur équilibre de l’arbre et nous travaillons sur la fertilisation organique, pour ramener de la vie dans les sols. » D’un IFT moyen de 53 en 2011 sur deux parcelles (la parcelle de Gala et une parcelle de Golden arrêtée par la suite), le Verger des Tonneries est passé à un IFT de 22 en 2017, sans changement en rendement ni en qualité. « Nous faisons beaucoup d’efforts pour réduire les pesticides, souligne Yohann Lethoueil. Les connaissances évoluent et nous avons la chance de bénéficier d’un suivi de la parcelle dans le cadre du BSV de la Fredon, ce qui nous rassure. Mais il y a quand même une prise de risque. Il faudrait que les efforts faits soient mieux valorisés lors de la commercialisation. »
Des réussites et quelques échecs
Si la plupart des techniques testées donnent de bons résultats, certaines ont été des échecs. En 2017, les producteurs ont ainsi testé la double confusion sexuelle carpocapse/tordeuse. « La confusion contre le carpocapse marche très bien, indique Stéphanie. Nous avons par contre eu de gros dégâts de tordeuse. » Les producteurs n’ont pas non plus trouvé pour l’instant de solution contre la punaise des bois, de plus en plus problématique. « C’est aujourd’hui notre principal problème, car elle nuit beaucoup à la commercialisation de variétés premium comme Jazz, une de nos principales variétés. Sur les conseils d’une entomologue, nous avons semé un rang sur deux du sarrasin, très appétant pour la punaise, pour la détourner des pommiers. Mais il n’y a pas eu d’effet sur la punaise des bois. Le sarrasin a par contre attiré plus d’autres punaises, dont peut-être des punaises prédatrices, ainsi que des guêpes parasitoïdes de la punaise des bois. »
Un groupe sur la bonne voie
Créé en 2012, le groupe Dephy ferme La Morinière réunit 12 producteurs du Maine-et-Loire, de la Sarthe et des Deux-Sèvres, dont six engagés depuis 2012 et six qui ont intégré le groupe en 2016. « Au point zéro, l’IFT moyen du groupe était de 48,6, dont 28,6 en fongicides, 1,07 en herbicides, 9,76 en insecticides et 2,97 pour les autres pesticides, indique Fanny Le Berre, de La Morinière, animatrice du groupe. Entre 2014 et 2016, l’IFT moyen était de 42,4. En 2017, l’IFT moyen du nouveau groupe était de 39,4, dont 26,6 en fongicides, 1,5 en herbicides, 9,8 en insecticides et 1,6 pour les autres pesticides. Nous sommes donc sur la bonne voie. » Les principaux leviers utilisés sont les modèles (Rimpro), le biocontrôle (insecticides bio sur carpocapse/tordeuses, cuivre et soufre en fongicides) et la conversion en bio.