Dossier Abricot : Changer de conduite pour réduire les doses de phytos
Moduler les doses selon la pression et le volume de végétation, voilà le pari tenu par Sud-Expé Saint-Gilles sur un verger support densifié pulvérisé en tangentiel pour augmenter l’efficience des traitements.
Moduler les doses selon la pression et le volume de végétation, voilà le pari tenu par Sud-Expé Saint-Gilles sur un verger support densifié pulvérisé en tangentiel pour augmenter l’efficience des traitements.
Autre voie explorée par le réseau Dephy expé pour réduire les produits phytosanitaires : la réduction des doses. « L’une des idées pour atteindre cet objectif était d’augmenter l’efficience des traitements en utilisant un pulvérisateur à flux tangentiel, indique Valérie Gallia en charge du projet à Sud-Expé Saint-Gilles. Mais son utilisation n'est envisageable que dans des vergers avec des formes plus plates. »
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La prise de risque des alternatives
La difficulté de la technique réside dans la nécessité de tout reconcevoir, de la conduite des vergers, au volume de bouillie et dose de produits. Pour déterminer les nouveaux référentiels de pulvérisation en haie fruitière, un essai sur pêcher comparant une pulvérisation classique et une pulvérisation tangentielle avec deux réductions de dose (voir papier ci-contre) a été conduit en parallèle de l’essai système sur abricotier.
Une réduction de l’IFT de 50 %
Sur abricotier, un système économe en intrants (ECO) sur un verger densifié en haie fruitière a été comparé à une modalité PFI sur un verger en gobelet traditionnel. Sur le premier, la protection était faite au pulvérisateur tangentiel avec un mouillage de 400 l/ha, dans le second, un pulvérisateur axial classique avec un mouillage de 750 l/ha est utilisé. Les deux vergers de Lady Cot étaient en 6e feuille en 2018 et en deuxième année de pleine production. « Sur le système économe en intrant, la réduction des doses a permis d’atteindre l’objectif de réduction de l’Indice de fréquence de traitement (tout produit confondu) de 50 % sans pénaliser la production », indique l’ingénieure. La dose appliquée a été réduite de moitié sur la majorité des bioagresseurs sauf sur le monilia fleurs où les traitements ont été réalisés à 80 % de la dose. « En 2018, le premier traitement contre l’oïdium a aussi été fait à 80 % de la dose sur la modalité ECO vu la pression », détaille l’expérimentatrice. La protection contre le psylle était chimique sur la modalité PFI, sur la modalité ECO, aucun traitement n’a été fait en 2017 et des barrières physiques ont été appliquées en 2018.
Des analyses de résidus variables
Les dégâts phytosanitaires avant récolte et en station étaient équivalents sur les deux modalités. « En 2017, très peu de monilia sur rameaux ont été observés mais avec une présence significativement plus importante en PFI qu’en ECO », détaille Valérie Gallia. Les rendements à l’hectare étaient supérieurs sur la variété ECO, en partie due à la différence de densité. Les arbres ECO plantés plus denses ont atteint leur potentiel de rendement plus rapidement alors que les arbres PFI n’atteignent pas encore tout l’espace. « Mais nous avons eu aussi un blocage du sol sur la partie PFI en 3e feuille, indique la spécialiste. Les productions ont été pénalisées jusqu’à cette année. Ce verger n’est pas à son plein potentiel. » Les calibres ont été plus petits sur la modalité ECO par rapport à la variété PFI, avec plus de AAA sur cette dernière. Du fait des rendements plus importants dans la modalité ECO, les temps de travaux ont été multipliés par 1,5 à 2 par rapport à la modalité PFI. « Mais lorsqu’on considère la marge opérationnelle, la production plus importante en tonnage de la modalité ECO a compensé les coûts de main-d’œuvre », continue-t-elle. Les analyses de résidus sont très variables. Parfois plus de résidus ont été observés avec la diminution de dose sans pour autant que les LMR (Limites maximales de résidus) aient été dépassées. « Avec le pulvérisateur tangentiel, on améliore l’efficience, explique l’ingénieure. On limite fortement les pertes de produits dans l’air et au sol qui existent avec le pulvérisateur axial. »
Etablir des références
Les formes en haie fruitière sont encore peu maîtrisées. Selon la variété, elles peuvent être moins favorables et donc diminuer la rentabilité économique. Les prises de risque doivent être maîtrisées. La constitution de références de pulvérisation avec le pulvérisateur tangentiel était un prérequis. Un essai volume de bouillie et dose est donc conduit sur pêcher. « L’essai a été conduit sur pêche car il y a plus de problèmes phytosanitaires sur cette espèce, indique Valérie Gallia. Si nous observons des résultats positifs sur pêche, ils seront transférables sur abricot. L’inverse n’est pas forcément vrai. Avec cet essai comparant une pulvérisation axiale sur haie et sur double Y avec une pulvérisation tangentielle, nous avons voulu prendre du recul sur les bénéfices et les difficultés rencontrées quand les volumes de pulvérisation et les doses sont réduits. » Les premières années ont permis de valider une réduction du volume de bouillie à 400 l/ha pour le pulvérisateur tangentiel contre 750 l/ha pour la pulvérisation axiale. Depuis deux ans, l’objectif est de diminuer les doses de produits.
Des réductions à 30 % de la dose dès que possible
Deux types de diminution sont testés : une systématique à 50 % de la dose et une modulée en fonction de la pression des bioagresseurs et de la densité du feuillage. Dans cette dernière modalité, les doses sont modulées entre 30 et 80 % de la dose homologuée. « La prise de risque a été limitée pour les maladies de conservation avec des traitements effectués à 80 % de la dose, détaille l’ingénieure. Sur la cloque, dès que cela a été possible, 30 % de la dose a été appliquée. Sur les bio-agresseurs secondaires et sur les thrips, les doses étaient aussi à 30 % ». En 2017, la baisse d’IFT était de plus de 40 % pour les deux modalités à doses réduites. En 2018, la réduction systématique à 50 % a réduit l’IFT de 28 % et celle à dose modulée de 38 %. « Ces réductions n’ont pas entraîné de catastrophe, conclut l’expérimentatrice. Selon les années, ça marche plutôt bien. Sur certains insectes, une réduction systématique de 50 % est un peu juste. On a besoin de souplesse. Et contre le monilia et les maladies de conservation, une pulvérisation classique à 100 % dose est indispensable. Nous n’avons cependant testé ces modulations que dans un seul verger. Les résultats ne sont pas encore directement transférables. Mais pour moi, c’est l’itinéraire de l’avenir.»