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Denis mise sur l'asperge verte

Denis Billault cultive de l’Asperge verte de Chambord sur 7 ha, dont 3,5 ha de serres : l’activité représente les deux tiers du chiffre d’affaires de l’exploitation.


Denis Billault, installé à Ouchamps (Loir-et-Cher), produit de l’asperge verte depuis onze ans. « J’ai été ouvrier agricole dans deux exploitations à Nourray », témoigne le professionnel. « C’est là que j’ai découvert la culture de l’asperge verte. Puis, pendant cinq ans, j’ai travaillé pour un groupement d’employeurs. Ensuite, j’ai œuvré dans une usine qui déchiquetait des pneus. A 40 ans, j’en ai eu assez de travailler pour les autres : je recherchais une petite exploitation disposant de l’irrigation afin de produire de l’asperge verte car on pouvait en vivre. L’usine dans laquelle j’étais ayant fermé, j’ai été licencié : pendant ma période de préavis, je me suis installé ». Denis Billault a donc repris une exploitation pour 50 000 €. En 2007, il a planté 3,5 ha puis 2,3 ha et 1,2 ha les deux années suivantes. Les plantations effectuées en 2014 (0,5 ha) et en 2017 (1 ha) sont venues remplacer les plus anciennes. L’agriculteur ouchampois produit annuellement 28 t d’asperges et livre l’intégralité de sa récolte à Axereal. « Je cherchais à produire des asperges et non à les vendre : c’est un autre métier. Un vendeur de la coopérative est en contact avec les centrales d’achats, etc. Le prix moyen varie peu d’une année sur l’autre : c’est lié à notre mode de production ».

Une subvention du Conseil régional

Pour démarrer une culture, en avril-mai, « on plante cinq griffes au mètre », soit un coût de 7 000 €/ha avec un amortissement de 1 000 €/an. La première année, la plante pousse mais il n’y a pas de récolte. Idem la deuxième année. Toutefois, les frais de culture (engrais, herbicides, etc) sont bien présents : 1 000 €/ha/an. La troisième année, il y a une pousse et une demi-récolte puis les rendements progressent de 4 à 7 t/ha.
La production est commercialisée sous la marque « Asperge verte de Chambord ». Denis Billault produit la moitié de ses asperges sous serres. « Quand je me suis installé, des gens en faisaient : on récolte entre deux et trois semaines plus tôt, ce qui permet d’obtenir de meilleurs prix. Mais il faut investir dans le tunnel », soit 65 000 €/ha, dont une subvention de 20 % du Conseil régional. Les abris permettent de produire des asperges entre le 25 mars et la mi-mai. Pour les cultures de plein champ, les récoltes ont lieu entre le 25 avril et le 15 juin. « Dans le premier cas, la qualité de l’asperge est supérieure : elle est plus droite et sa couleur est plus belle. Sous serre, la hausse de la température est plus rapide. Or l’asperge aime la chaleur ». Denis Billault a également investi dans cinq machines de récolte d’un coût unitaire de 5 000 € ainsi que deux machines d’occasion pour un total de 5 000 €. « Ces machines réduisent la pénibilité du travail, sachant qu’il faut quatre personnes/ha pour les récoltes ».

140 000 € d’investissements prévus

A l’avenir, l’agriculteur du Loir-et-Cher voudrait passer à 5 ha et produire entièrement sous serres. « Le problème des asperges de plein champ, c’est le prix, même si nous sommes moins touchés que pour les asperges blanches ». Sous tunnel, le prix de vente moyen est de 4,50 €/kg, soit un euro de plus qu’en plein champ. « Dans le second cas, la production est plus abondante. D’où des prix inférieurs ». Pour mener son projet à bien, Denis Billault prévoit d’investir 140 000 €, dont 40 000 € en 2019. Ensuite, l’intéressé verra avec son fils, qui devrait reprendre l’exploitation. Aujourd’hui, l’asperge verte représente 125 000 € de chiffre d’affaires, soit les deux tiers du résultat de l’exploitation. « En dix ans, j’ai investi 350 000 € pour gagner 1 500 €/mois. En usine, pour vingt-deux heures hebdomadaires (NDLR : notre interlocuteur travaillait le week-end), je gagnais 1 300 € net . Il faut vraiment aimer son métier ! ».

Des essais variétaux en verte et blanche

Sous l’égide de Légumes Centre Action, Denis Billault teste six variétés d’asperges vertes et quatre variétés de blanches. « L’expérimentation permet d’avancer. », témoigne-t-il. Les premières vertes sont cultivées sous un tunnel. Quant aux secondes, elles sont produites en extérieur. « On récolte les asperges vertes depuis deux ans. Mais il faut attendre quatre ou cinq ans pour obtenir des résultats significatifs », précise le producteur. Alors qu’il a toujours produit la variété Ginling, cette année, le professionnel récolte 0,5 ha de Vitalim. « La première donne des turions de taille moyenne mais de jolies pointes : on essaie de trouver des variétés qui font des turions plus gros et qui durent. Au début, toutes les variétés donnent des résultats satisfaisants. Mais il faut voir cela sur la durée. » En 2019, en fonction des résultats des expérimentations, Denis Billault essaiera d’autres variétés. « Mais à 50 ans, le temps presse ! ».

Olivier Joly

A savoir

Parcours

- 1990 : BTS Analyse et conduite de systèmes d’exploitation
- 1992-1999 : salarié agricole
- 2000-2004 : groupement d’employeurs
- 2005-2007 : salarié dans usine de déchiquetage de pneus
- 2007 : installation
- 2011 : montage d’un tunnel de 2 ha
- 2013 : agrandissement de 22 ha (SAU totale : 62 ha)

Aucun risque de surproduction

Bien qu’agricultrice, l’épouse de Denis Billault travaille à l’extérieur : « Je suis seul sur l’exploitation et, pour l’asperge blanche, il n’y a aucune organisation de vente : il faut le faire soi-même. Or je ne veux pas ! Il faudrait embaucher un salarié à plein-temps pour travailler sur l’exploitation : ce que je gagnerais en vente serait absorbé par le salaire versé. Et si la production connaît un pic, comment fait-on pour l’écouler ? Or on est toujours certain de vendre l’asperge verte. On recherche même des producteurs : aucun risque de surproduction ». Les professionnels estampillés « Asperge verte de Chambord » sont une douzaine. Le produit est conditionné dans l’usine Axereal de La Chaussée-Saint-Victor, près de Blois, puis vendu en Ile-de-France, dans le sud du pays, etc.

Deux problématiques : rhizoctone violet et désherbage

La production d’asperge verte soulève deux problématiques : le rhizoctone violet et le désherbage. Dans le second cas, « les produits autorisés sont supprimés les uns après les autres », déclare Denis Billault. Conséquence : dans les tunnels, le désherbage se fait à la main. D’où un travail et un coût supplémentaire. Quant au rhizoctone violet, « il n’y a pas de solution ». Le professionnel loir-et-chérien ajoute : « Dès que la maladie arrive, la production est perdue : on ne replante pas derrière. En cause : l’humidité. Les outils de travail du sol propagent beaucoup le rhizoctone violet ». Pour l’éviter, le professionnel a supprimé le travail du sol et l’a remplacé par un désherbage manuel. Dans ses nouveaux tunnels, il mettra de la toile tissée. Coût de l’opération : 5 000 €/ha. « L’herbe ne pourra pas pousser, ce qui réduira le temps de travail mais augmentera les coûts ». Le coût d’un désherbage chimique s’élève à environ 300 €/ha, soit 3 000 € sur dix ans. Avec la toile, la note sera deux fois plus lourde. « Or l’asperge ne sera pas vendue plus cher ». Notre interlocuteur conclut : « On peut faire une agriculture raisonnée mais en ayant les moyens de régler les problèmes urgents : le bio est un type de culture qui ne convient pas pour une production de masse ».

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