Maraîchage : Claire et Geoffrey Andna cultivent au cœur de Strasbourg
L’îlot de la Meinau accueille jusqu’à 250 personnes par jour. Ici, aux portes d’un bassin de consommation de 40 000 personnes, Claire et Geoffrey Andna écoulent 50 % de leur production à travers un drive et un magasin de producteurs.
L’îlot de la Meinau accueille jusqu’à 250 personnes par jour. Ici, aux portes d’un bassin de consommation de 40 000 personnes, Claire et Geoffrey Andna écoulent 50 % de leur production à travers un drive et un magasin de producteurs.
La vente directe comme une évidence… Claire et Geoffrey Andna ont remporté l’édition 2021 du Trophée du Maraîchage organisé par Légumes de France. Installés en Alsace, ils gèrent depuis 2014 une exploitation maraîchère de 11 hectares, l’îlot de La Meinau. Implantée dans Strasbourg intra-muros, la ferme dispose à ses portes d’un bassin de consommation de 40 000 personnes avec les seuls quartiers de La Meinau et du Neudorf. « Cela nous paraissait évident d’avoir un point de vente sur place », se rappelle Geoffrey, ancien conseiller agricole pour une station d’expérimentation.
Le terrain, qui était dédié jusque-là aux céréales, est donc orienté vers les cultures légumières, avec l’installation de 6 000 m2 de serres multi-chapelles. Avec ses associés de l’époque, il part de zéro « dans l’objectif de créer une exploitation de cultures légumières qui aurait pour vocation de créer un point de distribution en vente directe à la ferme, et d’écouler sa production via la restauration notamment ». Plus d’une cinquantaine de légumes (et des fraises) parmi lesquels l’asperge blanche ou le pissenlit sont cultivés. « On produit douze mois sur douze en plein champ et sous abri », précise Geoffrey Andna.
Pour assurer ses rotations sur un terrain difficile très argileux, le maraîcher travaille par blocs. Les pommes de terre assurent la tête de rotation. Le reste est regroupé par familles : alliacées, ombellifères et crucifères… auxquelles s’ajoutent les cultures qui bougent peu : les fraises (deux à trois ans) et les asperges (six à huit ans). Restent les autres cultures maraîchères de « petites séries ». « Une fois qu’on a ces blocs, on essaie de faire en sorte que ça tourne régulièrement sur les parcelles. On est équipé maintenant en autoguidage RTK donc on arrive à reproduire des lignes et des champs d’une année sur l’autre. On arrive grâce à ça, et au quadrillage naturel du terrain, à organiser la rotation. »
100 000 euros d’investissement dans le magasin
Si la production s’est développée doucement avec un point de vente qui a débuté sur quelques planches et des tréteaux, le virage a eu lieu en 2017-2018. Là, Geoffrey reprend la totalité des parts de l’exploitation, et surtout, il accueille son épouse qui le rejoint indirectement à travers une SAS dédiée à la commercialisation. « C’est ce qui a lancé le vrai développement de la structure, assure Geoffrey. Elle a pris en charge la partie commerciale et administrative et on a fait des embauches supplémentaires pour développer la vente directe, en multipliant les créneaux horaires. »
Engageant les moyens nécessaires à ses ambitions, le couple investit 100 000 euros en 2019 dans l’aménagement de son point de vente, toujours abrité sous les serres. Un investissement lourd, mais réfléchi. « Aujourd’hui, ça nous permet d’écouler 600 000 à 1 million d’euros de produits de notre ferme, complétés par de l’achat revente de produits de nos confrères », défend Geoffrey.
Ces ventes complémentaires représentent 50 % des ventes du magasin. Une dizaine de producteurs locaux sont sollicités pour la viande, les produits laitiers, les produits transformés, les jus… Les produits « exotiques » comme les bananes ou même les fromages sont achetés chez un grossiste. « Ce n’est pas parce qu’on est en Alsace que les gens se nourrissent uniquement du Munster, sourit Geoffrey Andna. Aujourd’hui, on a un vrai magasin de vente dans lequel notre clientèle peut faire ses courses de A à Z. »
Des produits transformés
D’autant qu’en parallèle, l’îlot de la Meinau développe aussi ses propres produits transformés. Un pressoir permet de réaliser des jus et gaspachos. « Au début, c’était de la transformation un peu « sauve-qui-peut », avoue le maraîcher. Une tonne de tomates sur les bras dont on ne sait pas quoi faire… Mais on a trouvé un pressoir suffisamment souple et complet dans ses possibilités pour transformer tout une plage de légumes. » Et, finalement, tout une gamme de recettes originales vient valoriser une partie de la production. « On vend également des tourtes, des soupes, qui sont faites en partie avec nos produits par un partenaire traiteur. »
Une fois toutes ces briques emboîtées, c’est environ 50 % de la production de l’exploitation qui est écoulée. Pour le reste, 30 à 40 % sont destinés au demi-gros via la restauration, notamment collective, mais aussi quelques revendeurs (des confrères notamment). L’îlot de la Meinau propose même un service de livraison aux professionnels de la restauration, assuré 6 jours sur 7, selon un système proche de ce qui est proposé par les grossistes. « Mais avec du produit frais », précise Geoffrey Andna. Les 10 à 20 % restant intègrent des circuits un peu plus longs, via la GMS (en direct), ou même quelques grossistes. Juste histoire de ne vraiment pas avoir tous ses légumes dans le même panier…
4 000 m2 sous abri en cours de conversion bio
2021 a été marquée par la construction de 4 000 m2 de serres supplémentaires, ce qui porte la surface couverte à un hectare. Ces nouveaux abris vont être convertis à l’AB. En effet, la loi Egalim pousse les collectivités à intégrer plus de produits bio dans leurs repas, risquant de fermer des marchés à l’îlot de la Meinau. Se sentant très proche des techniques bio dans sa production sous abri, Geoffrey Andna a donc décidé de sauter le pas.
« La serre nous paraissait être la chose la plus simple à mettre en place, pour une transition maîtrisée techniquement, insiste-t-il. Est-ce qu’il va avoir de la surface de plein champ qui va l’accompagner ? Rien n’est moins sûr. » En effet, l’exploitation reste sur une zone inondable, très argileuse. Si la pénurie d’eau n’est jamais à craindre, son abondance, elle, pose problème. 2021 en aura été un douloureux exemple. « Il faudrait qu’il y ait des opportunités foncières pour allonger les rotations, pour qu’on décide d’y aller pleinement », conclut-il.
En vente directe et en vélo
Parcours
2005-2008 – DUT et licence pro d’agronomie et phytotechnie
2008-2013 – Conseiller agricole à Planète Légumes
2014 – Installation avec 6 000 m2 de serres
2017 – Création d’une SAS pour la commercialisation gérée par Claire
2019 – Investissement de 100 000 € dans le magasin
2021 - Trophée du Maraîchage de Légumes de France