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Chou-fleur : comment le changement climatique augmente le risque de bractation

En Bretagne, le changement climatique a des effets sur la physiologie du chou-fleur et augmente le risque de bractation ou chitoun. La sélection variétale est une voie d’adaptation.

L’Observatoire régional sur l’agriculture et le changement climatique (Oracle) a été engagé en 2016 à l’initiative de cinq chambres d’agriculture et en partenariat avec Météo France. Cette démarche, dans laquelle la Bretagne s’est inscrite en 2019, permet d’établir un constat objectif du changement climatique et de ses conséquences avérées sur l’activité agricole, en se basant sur l’observation du passé. « Oracle, qui analyse l’évolution climatique de notre région depuis 1960, montre que la température moyenne annuelle a augmenté de 1,8 °C soit + 0,3 °C par décennie », relève Damien Penguilly, directeur de la station expérimentale du Caté, dans Aujourd’hui & Demain.

L’induction florale est incomplète.

L’étude mentionne cinq indicateurs climatiques (température moyenne annuelle, nombre de jours « estivaux », nombre de jours de gel, nombre de jours « pluvieux » par an, cumul annuel des précipitations), ainsi que leur évolution depuis 1960 et au cours de la dernière décennie sur plusieurs stations (Brest, Pleurtuit, Rennes). « L’analyse montre notamment un nombre de jours supérieurs à 20 °C en augmentation pendant la période du 1er août au 31 octobre, induisant un changement d’état physiologique du chou-fleur d’hiver, pouvant ainsi favoriser l’expression du chitoun », analyse le spécialiste. Aussi, à partir de travaux de chercheurs anglais sur la physiologie du chou-fleur d’hiver, un indicateur a été créé pour comptabiliser le nombre de jours avec une température maximale supérieure à 20 °C entre le 1er septembre et le 31 octobre.

Cette période « critique » correspond au changement d’état du bourgeon du chou-fleur, qui passe d’un état végétatif (émission de feuilles) à reproducteur (pomme). Une perturbation durant cette période peut engendrer des problèmes de qualité comme un phénomène de bractation, appelé aussi chitoun, caractérisé par l’apparition de jeunes feuilles dans la pomme blanche, et/ou un problème d’apparition de poils sur la pomme. Ce phénomène de chitoun apparaît lorsque l’induction florale est incomplète. La plante produit en même temps des feuilles (bractées) et la pomme. Quand ces bractées sont petites (et non colorées) et/ou peu nombreuses, le chou peut être commercialisé (au stade de « poils »). En revanche, en cas de présence importante (en taille et en nombre), la pomme n’est pas commercialisable.

Excédent de température cause du désordre

Ce désordre physiologique intervient lors de la phase d’induction florale qui correspond à la transformation de l’apex végétatif en apex reproducteur : la plante cesse alors de produire des feuilles, car le méristème se transforme pour former la future pomme du chou-fleur. Ce changement est sous la dépendance d’une période de froid (température fraîche pour être plus précis) plus ou moins longue (quelques semaines) et se produit à un stade précis, variable selon les variétés. D’après des études anglaises, la température optimale se situerait entre 9 et 14 °C. L’ « épisode chitoun » de l’hiver 2011/2012 a fortement marqué les producteurs de chou-fleur du Nord-Bretagne, avec plus de deux millions de têtes détruites pour le seul département du Finistère sur deux mois de récolte. À cette période d’initiation florale des variétés de décembre et janvier (plantées fin septembre à octobre), a correspondu un excédent de température de 2,5 à 3 °C entre le 20 septembre et le 10 octobre. « Ce qui est clairement la cause du désordre physiologique observé plusieurs semaines après », commente Damien Penguilly dans un article d’Aujourd’hui & Demain.

Efforts d’évaluation des variétés

Aujourd’hui, la tendance est à l’augmentation du nombre de jours avec une température maximale supérieure à 20 °C entre le 1er septembre et le 31 octobre. La moyenne de l’indicateur sur la période 1991-2020 est automatiquement supérieure de plus de 2,5 jours par rapport à la moyenne 1961-1990 pour une même station. « Il est intéressant de noter que la station avec le plus faible nombre de jours de perturbation du développement du chou-fleur, et la plus faible augmentation, est la station de Brest. Pour cette station, 10,5 jours en moyenne dépassaient les 20 °C de 1961 à 1990 et 13 jours en moyenne pour 1991-2020 », précise Damien Penguilly. Face à ce constat, les producteurs bretons ont misé sur la création et l’évaluation de nouvelles variétés sur leur territoire de production pour s’adapter au changement climatique. Chaque année, ils poursuivent ainsi les efforts en matière d’évaluation par les réseaux B1 et B2 (multisites pendant trois ans sur l’ensemble des zones de production). Près de 150 variétés de choux (chou-fleur, brocoli, chou pommé, choux de diversification…) sont donc évaluées tous les ans dans les stations expérimentales du Caté et de Terre d’Essais, ce qui permet notamment d’éliminer les variétés qui affichent des problèmes physiologiques. « En chou-fleur, il faut en moyenne évaluer dix variétés pour en retenir une. Pour le brocoli, le taux de réussite est plus faible puisqu’il faut en moyenne tester quarante variétés pour qu’une nouvelle soit retenue », rappelle Damien Penguilly.

Des paramètres climatiques en évolution

Température moyenne annuelle en augmentation : les relevés météorologiques mettent en évidence une augmentation d’environ +0,3 °C par décennie (moyenne des 5 stations), soit +1,8 °C en 60 ans (1960-2020). Le réchauffement s’est accentué à partir du milieu des années 80.

Plus de jours « estivaux » : l’indicateur « jours estivaux » (température maximale journalière supérieure ou égale à 25 °C) a connu une augmentation significative. La station de Rennes enregistre plus de jours chauds, en passant de 20 en 1960 à près de 50 en 2020. En 2018, la barre des 70 jours estivaux a été franchie. Cette hausse devrait se poursuivre.

Diminution du nombre de jours de gel : le nombre de « jours de gel » (température minimale journalière inférieure ou égale à 0 °C) a décru en Bretagne. Cette baisse n’est pas forcément synonyme de réduction de risque de gel printanier. L’avancement phénologique des plantes qui en découle peut impliquer une augmentation des périodes à risques.

Précipitations en très légère hausse : le cumul annuel des précipitations montre une légère tendance à l’augmentation des pluies. Entre 1960 et 2020, une augmentation non significative du nombre de jours « pluvieux » par an (plus de 10 mm par jour) est observée.

Augmentation de l’ETP : entre 1960 et 2020, l’évapotranspiration potentielle (ETP) annuelle a augmenté d’une vingtaine de mm par décennie dans plusieurs départements bretons. Découlant notamment de l’augmentation des températures, cette hausse de l’évapotranspiration devrait se poursuivre.

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