Cerise : pourquoi le parasitoïde Ganaspis brasiliensis est un espoir contre Drosophila suzukii
Des premiers lâchers du parasitoïde Ganaspis brasiliensis, ennemi naturel de Drosophila suzukii, ont été effectués depuis septembre 2023. Les derniers en cours ont eu lieu en mai dans le Vaucluse.
Des premiers lâchers du parasitoïde Ganaspis brasiliensis, ennemi naturel de Drosophila suzukii, ont été effectués depuis septembre 2023. Les derniers en cours ont eu lieu en mai dans le Vaucluse.
« Enfin ! Le parasitoïde de Drosophila suzukii est dans les vergers vauclusiens ! », s’est réjouie Nathalie Nevoltris, directrice de Coopfruit Luberon, le 26 avril dernier. En effet, la veille, des premiers lâchers de Ganaspis brasiliensis avaient été réalisés dans les abords des vergers de Coopfruit. Mieux : un autre lâcher est annoncé pour la fin juin dans un second site, associé à une nouvelle réintroduction en automne.
« Nous espérons tous une acclimatation rapide et prospère de Ganaspis, qui pourrait alors nous offrir de nouvelles perspectives dans la lutte contre Drosophila », résume la directrice au nom des producteurs de cerise d’industrie, se faisant écho aux attentes des producteurs de cerise de bouche, bien que consciente que s’il faut se réjouir de cette avancée, « la route sera encore longue et certainement semée d’embûches ».
Une stratégie d’acclimatation en cours
Le 6 mai, un autre lâcher était réalisé, cette fois par une équipe de recherche Inrae de Sophia Antipolis, toujours dans le Vaucluse, à Malaucène. Nicolas Borowiec – ingénieur de recherche Inrae, coresponsable de l’équipe Recherche et développement en lutte biologique (RDLB), dont les travaux portent sur la conduite de projets de lutte biologique contre des insectes bioagresseurs émergents ou récurrents – a exposé le travail mené dans la lutte biologique, aux côtés notamment de Frédéric Carlin, président du centre Inrae Paca. Les chercheurs misent sur une stratégie d’acclimatation de parasitoïdes exotiques.
Aucun parasitoïde local n’étant réellement efficace sur cette mouche, il avait en effet fallu se tourner vers le bassin d’origine de Drosophila suzukii (Chine, Corée, Japon), pour lui trouver un parasitoïde convaincant. Les résultats ont notamment montré qu’une souche de Ganaspis cf. brasiliensis (souche G1) présentait une forte spécificité vis-à-vis de D. suzukii. Après plusieurs années d’études en laboratoire, le parasitoïde Ganaspis cf. brasiliensis confirme réduire significativement la population de D. suzukii trois semaines après son introduction. Une demande d’autorisation d’introduction a été obtenue en août 2022. Les premières introductions du parasitoïde ont été réalisées en septembre et octobre 2023 dans plusieurs régions de France par l’Inrae, dans le cadre du projet Ecophyto Suzocarpo.
Des suivis de terrain pour évaluer l’efficacité
« L’idée est de cibler des bassins différents dans des conditions différentes, indique Nicolas Borowiec dans un article publié sur le site inrae.fr en octobre 2023. Nous avons choisi des sites de production de cerise sur lesquels existent des zones refuges diversifiées (haies, bosquets, forêts…) où des plantes hôtes de D. suzukii sont présentes ». Après avoir augmenté la production de la guêpe parasitoïde au laboratoire, ce sont donc 700 femelles et 350 mâles qui ont été introduits au total en 2023, avec des modalités différentes d’introduction (100 ou 200 femelles par site). Un financement spécifique a été obtenu en 2024 pour intensifier les actions démarrées, ce qui a permis un nouveau lâcher de 500 femelles dans le Vaucluse cette année.
« Le parasitoïde est ainsi introduit dans des environnements favorables, notamment des vergers de cerisiers abandonnés qui ne font l’objet d’aucun traitement et sont des réservoirs sauvages pour Drosophila suzukii », précise Mylène Ogliastro, cheffe du département Santé des plantes et environnement d’Inrae. Des suivis de terrain sont menés pour évaluer l’efficacité de cette stratégie et optimiser les méthodes d’introduction. « Le projet vise à établir Ganaspis de manière permanente dans l’environnement, pour contrôler les populations de Drosophila suzukii de manière écologique, sans recours à des produits chimiques », poursuivait Adrien Le Avenant, ingénieur de recherche sur le projet Cerise. Nicolas Borowiec, continuera à coordonner les opérations de lutte biologique et les lâchers supplémentaires, prévus dans le Vaucluse en juin et septembre.
Une phase de déploiement encore incertaine
Une fois la phase d’évaluation sur le terrain, terminée, le passage à la phase de déploiement représentera un autre challenge. « L’émergence d’acteurs choisissant de lancer leurs propres élevages pour répondre aux besoins des collectifs d’agriculteurs en matière d’insectes auxiliaires pourrait être une opportunité », analyse l'article publié sur inrae.fr en octobre 2023. Ces stratégies de biocontrôle sont néanmoins coûteuses et demandent des investissements significatifs encore trop peu disponibles actuellement pour des déploiements à large échelle.