Interview
« Avec les fruits et légumes “moches”, il peut y avoir un risque de confusion »
Roger Laroche, président délégué de la Commission Economie d'Interfel, analyse l'émergence de la tendance des fruits et légumes biscornus.

FLD : Que vous inspire la vente de fruits et légumes dits “moches” ?
ROGER LAROCHE : Cette offre peut, certes, contribuer à la lutte contre le gaspillage et permettre une entrée de gamme à prix réduit, mais les catégories inférieures et les produits “confitures” ou “ratatouilles” y contribuent déjà. Elle n'est donc pas la seule et les volumes concernés sont-ils représentatifs ou peuvent-ils l'être ? Les circuits de distribution collaborent en permanence avec les associations caritatives pour éviter au maximum la perte des produits. Je crois également savoir que le CTIFL travaille actuellement sur une étude d'impact du gaspillage à tous les stades de la filière fruits et légumes : variétal, cultural, stations de conditionnement, logistique, magasins. Il y aura – suite à cette étude – des pistes de travail à activer ou à réactiver sur ce sujet, qui seront sûrement des plus intéressantes.
FLD: Pensez-vous que cette offre puisse être dommageable au rayon fruits et légumes ?
R. L. : Je pense qu'il faut être prudent pour l'instant avec cette nouvelle tendance de segmentation très médiatisée. Il peut y avoir un risque de confusion : communiquer au consommateur en disant que ces produits sont les tenants de la qualité gustative, de la proximité, de la lutte contre le gaspillage et du pas cher. Un effort d'explication est indispensable. Je ne suis pas persuadé qu'un fruit difforme ou en dehors des critères minima de normalisation apporte toute la satisfaction attendue, même au meilleur prix possible.
FLD : Cette tendance peut-elle remettre en cause le travail autour de la normalisation ?
R. L : Un important travail au niveau de l'interprofession et de la recherche a permis de normaliser et de segmenter la qualité des fruits et légumes, dans des axes prioritaires orientés de plus en plus sur le goût des produits et cependant des catégories inférieures qui peuvent être commercialisées aux meilleurs prix. Il faut faire attention à ne pas remettre en cause les bases de ce travail et perturber ainsi les équilibres existants. D'autant que les arbitrages de conjonctures de campagne mobilisent en permanence toutes les familles de notre interprofession. Ce sera au final au consommateur de juger, mais il doit pour cela disposer de toutes les informations nécessaires et, dans tous les cas, être assuré de la disponibilité réelle des produits. En conclusion : un sujet très important, à traiter très sérieusement, avec un maximum d'informations et le recul nécessaire.