Étudier le mésoclimat de son terroir pour mieux affronter le changement climatique
Réaliser une étude fine du climat de son appellation, c’est le choix qu’a fait l’AOC ventoux. Cela pourrait permettre d’anticiper les problèmes engendrés par le changement climatique.
Réaliser une étude fine du climat de son appellation, c’est le choix qu’a fait l’AOC ventoux. Cela pourrait permettre d’anticiper les problèmes engendrés par le changement climatique.
Elle a beau avoir le climat le plus frais de la vallée du Rhône méridionale, l’appellation ventoux n’en est pas moins inquiète de l’évolution des températures. Aussi l’ODG a lancé, avec l’équipe d’Iñaki Garcia de Cortazar à l’Inrae d’Avignon, une étude pour mieux caractériser le climat des 50 dernières années et comprendre comment il pourrait évoluer dans les cinq prochaines décennies. Le but est clair : donner aux dirigeants de l’appellation des outils de pilotage, des clés pour la politique future de l’ODG. Et les premiers résultats soulèvent déjà quelques éléments de réflexion. « Sans grande surprise, les résultats confirment scientifiquement que les températures sont plus élevées de nos jours, notamment sur la phase de maturation, et des vendanges plus précoces de 2 à 3 semaines, et cela sur tous les secteurs », commence Frédéric Chaudière, vice-président de l’ODG. Mais cette étude a également permis de voir que ce qui caractérise le climat du Ventoux, ce sont des amplitudes thermiques.
L’appellation s’attend à vivre de plus en plus de situations extrêmes
Certes, les températures moyennes sont les plus basses de la région viticole, mais les minimales sont beaucoup plus froides, alors que les maximales sont comparables aux appellations voisines. Pour avoir une vision du mésoclimat futur, les chercheurs de l’Inrae se sont basés sur deux scénarii du Giec : un plutôt moyen et un autre plutôt pessimiste. « Les conclusions sont que dans les 25 à 30 prochaines années, les températures moyennes vont continuer d’augmenter, avec des écarts à la moyenne qui se creusent. En clair nous aurons de plus en plus de situations extrêmes », poursuit Frédéric Chaudière.
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Il est également attendu une baisse des variations climatiques au niveau géographique, que ce soit avec le reste du département ou bien au sein de l’appellation. Ce qui veut dire que les secteurs les plus froids seront les plus impactés. Concernant l’évolution des précipitations, aucune tendance claire ne se dégage, si ce n’est qu’ici encore les écarts à la moyenne seront plus importants. Il y aura en somme des périodes de surabondances et d’autres de pénurie. « Il y a donc beaucoup de questions qui émergent : comment limiter la hausse d’alcool, la baisse d’acidité, et se protéger de gelées plus fréquentes ? Faudra-t-il abandonner des terroirs, changer nos pratiques, créer des retenues collinaires ? Devrons-nous nous détourner des grenache et syrah au profit du cinsault ? », se demande le vice-président. Autant de questions sur lesquelles l’ODG commence d’ores et déjà à réfléchir.
Estimer le climat du futur sur un maillage d’un kilomètre carré
Pour y répondre, l’organisme devrait pouvoir compter dans les années à venir sur une deuxième étude. L’an dernier, un nouveau projet a été lancé avec les mêmes scientifiques de l’Inrae, afin d’avoir une appréhension plus fine sur les différents terroirs. « Les chercheurs semblent capables de donner des estimations sur un maillage d’environ 1 km2, alors qu’il était de 64 km2 dans la précédente », se réjouit Frédéric Chaudière. Il s’agira aussi de comprendre l’influence de la montagne sur les différents territoires. Pour repérer les coins moins gélifs, par exemple, ou encore voir si les terres situées entre 700 et 1 000 m d’altitude, aujourd’hui hors appellation, pourraient être de nouveaux terroirs plus propices à la vigne.
Au-delà de la politique d’anticipation, cette étude permet aussi de sensibiliser les viticulteurs et de mettre en place des mesures pour la protection du climat. « Cette étude nous incite à poser des questions fondamentales sur l’ajustement nécessaire aux conséquences du changement climatique. Mais son autre vertu est de nous inviter à repenser nos pratiques pour toujours plus atténuer notre impact dans le mécanisme du réchauffement », conclut le vice-président.
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