[Élevages de ruminants] Fièvre Q, des risques souvent sous-estimés
Pour la première fois, une étude orchestrée par le comité d’experts de la fièvre Q, révèle une perception atténuée de l’ampleur et de la gravité de cette zoonose bactérienne dans les élevages de ruminants.
Pour la première fois, une étude orchestrée par le comité d’experts de la fièvre Q, révèle une perception atténuée de l’ampleur et de la gravité de cette zoonose bactérienne dans les élevages de ruminants.
Alors que la fièvre Q représente l’une des premières causes d’avortements infectieux dans les élevages bovins, une étude (1) réalisée par l’institut Viavoice à la demande du comité d’experts de cette zoonose, fait état d’une certaine méconnaissance à son sujet à la fois de la part des éleveurs et de celle des professionnels de santé (vétérinaires comme médecins). Si les études de séroprévalence montrent que près de 30 % des troupeaux bovins seraient exposés à la fièvre Q en France, deux tiers des éleveurs de ruminants qualifient de faible le risque d’introduction de cette maladie dans leurs troupeaux.
« La sous-estimation du risque associé à la fièvre Q est probablement à mettre en relation avec un niveau de connaissances encore hétérogène sur cette maladie. Car si 65 % d’éleveurs connaissent son caractère zoonotique, 57 % d’entre eux ne se prononcent pas sur les symptômes de la fièvre Q chez l’Homme. Concernant les effets de la maladie chez l’animal, moins d’un éleveur sur deux sait que l’avortement est le principal signe attribuable à la fièvre Q et 20 % des vétérinaires ne se prononcent pas sur ses symptômes chez l’animal », souligne Amandine Messina, directrice d’études à Viavoice.
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Davantage déclarer les avortements
L’étude fait état également d’un décalage entre la connaissance des mesures de maîtrise de la fièvre Q et leur mise en pratique. Si éleveurs et vétérinaires connaissent un assez large panel de mesures de maîtrise (isolement des animaux malades, vaccination du troupeau, protection des personnes…), seul un éleveur sur deux confrontés à la maladie a instauré sur son exploitation des mesures de protection, pour lui ou son troupeau. « La mise en place de ces gestes de protection représente à l’heure actuelle la plus grosse marge de progression à cibler. Il existe toute une panoplie de moyens, allant des gants et masques jusqu’à la vaccination qu’il est nécessaire de connaître et de maîtriser », évoque Christophe Brard, président du comité d’experts.
L’étude montre par ailleurs que le recours à la vaccination est envisagé dans un contexte d’urgence plutôt que de prévention, alors qu’il constitue un atout essentiel pour limiter l’impact de la fièvre Q. « Engager un éleveur dans un plan de lutte est une démarche lourde, la mise en place de mesures passe par un diagnostic solide », note Éric Collin, vétérinaire praticien et président de la commission épidémiologie du SNGTV (groupements techniques vétérinaires). C’est pourquoi, il est important de déclarer les avortements qui se produisent dans les cheptels, afin de mieux identifier leur cause. Or, « chez les bovins, seul un avortement sur trois ferait l’objet d’une déclaration (obligatoire dans le cadre de la lutte contre la brucellose) », observe Kristel Gache, épidémiologiste chez GDS France. La problématique du financement des analyses et le risque de brucellose considéré comme faible représentent un problème récurrent. Pour les experts du comité, un retour négatif a toujours un intérêt, il permet d’exclure certaines maladies. « Une aide financière pour les examens autres que la brucellose serait un levier puissant pour favoriser les déclarations », propose Raphaël Guatteo, enseignant chercheur à l’école vétérinaire Oniris de Nantes et coprésident du comité fièvre Q.
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Renforcer les connaissances
« Cette première vision nationale des perceptions et des besoins des professionnels montre la nécessité d’objectiver l’importance du risque zoonotique, de renforcer les connaissances sur la maladie et de favoriser l’accès à des protocoles concertés et simplifiés. Des synergies entre vétérinaires et médecins doivent également être développées autour de cette zoonose susceptible de toucher le grand public », conclut Raphaël Guatteo.
La fièvre Q
La fièvre Q est une zoonose causée par la bactérie Coxiella burnetii. Elle peut affecter les ruminants (bovins, ovins, caprins) et se transmettre à l’Homme, le plus souvent par voie respiratoire. Chez l’Homme, environ 200 hospitalisations chaque année en France seraient en lien avec la fièvre Q.
Dans la majeure partie des cas, chez l’animal comme chez l’Homme, l’infection est asymptomatique. Dans sa forme clinique, la fièvre Q entraîne principalement chez les trois ruminants des troubles de la reproduction : avortements en fin de gestation, mises bas prématurées, infertilité possible et naissances d’animaux chétifs. Chez l’Homme, la fièvre Q se manifeste le plus souvent sous la forme d’une fièvre et de douleurs musculaires.
Toute série d’avortements dans un élevage doit faire penser à la fièvre Q. L’identification de la maladie passe par la déclaration et le diagnostic systématiques des avortements. Il est recommandé d’isoler la femelle qui a avorté.
Les mesures de maîtrise préconisées en cas de fièvre Q sont la vaccination et les mesures de biosécurité. La vaccination permet de limiter les avortements, d’améliorer la fertilité et de diminuer l’excrétion de bactéries par les animaux dans l’environnement. La gestion appropriée des effluents (fumier en particulier) est également conseillée : conditions de stockage à l’abri du vent, bâchage éventuel, manipulation par temps calme et humide, compostage des fumiers et enfouissement immédiat après épandage.
Pour en savoir plus
Un comité d’experts, rassemblant des vétérinaires de la SNGTV, d’Oniris, du GDS et de l’Institut de l’élevage, a été créé en janvier 2020 avec le soutien institutionnel de Ceva santé animale, afin de renforcer la lutte contre la fièvre Q, d’enrichir les connaissances que nous en avons et de sensibiliser les professionnels, éleveurs, vétérinaires et médecins généralistes.
Des supports pédagogiques sur la surveillance et les mesures de maîtrise vis-à-vis de la fièvre Q seront prochainement diffusés auprès des professionnels. Ils seront accessibles gratuitement en ligne (www.comitefievreq.com).
Le dispositif Oscar
Le diagnostic différentiel des avortements fait l’objet d’un observatoire et suivi des causes d’avortements chez les ruminants (Oscar). Ce dispositif, porté de manière multipartenariale par la plateforme d’Epidémio-surveillance en Santé animale (Plateforme ESA), vise à recueillir et à valoriser les résultats de diagnostics différentiels des avortements.
L’espace qui lui est consacré comporte un ensemble d’informations relatives aux maladies abortives, à la mise en œuvre des protocoles de diagnostics différentiels standardisés et aux résultats et retours d’expériences.
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