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Des prairies multiespèces robustes pour les chèvres de l’Ouest

Le RedCap s’est lancé en 2012 le défi de construire une prairie multiespèce robuste, pérenne, productive et adaptée à l’alimentation des chèvres de l’Ouest. Aujourd’hui, il adresse ses préconisations.

La prairie multiespèce peut être fauchée ou pâturée, récoltée en sec ou en vert. Entre 2012 et 2020, cinq mélanges prairiaux, construits avec les éleveurs de chèvres, ont été implantés et suivis chez 25 éleveurs et sur le dispositif Inrae-Patuchev dans la Vienne. Au total, 52 parcelles ont été conduites par les éleveurs dans des conditions réelles d’utilisation. Chaque éleveur adopte la conduite technique qui répond à ses objectifs et contraintes, et le RedCap suit la dynamique de ce même mélange. Ceci a permis d’avoir un retour en condition réelle de l’évolution de nos mélanges.

Un premier essai en gage d’apprentissage

Le premier mélange implanté en 2012 a confirmé l’importance des conditions de semis sur la bonne évolution de la prairie : sur neuf espèces semées, seuls le trèfle violet et le ray-grass italien se sont exprimés. La luzerne non-inoculée et semée fin septembre-début octobre 2012 (à cause de la sécheresse automnale) était absente et les autres espèces ont été étouffées par l’agressivité de l’association ray-grass italien-trèfle violet. Au bout de trois années, les éleveurs avaient retourné leurs prairies. Mais il ne s’agit pas d’un échec ! Ces suivis ont montré le potentiel d’une association de trèfle violet et ray-grass italien : 7 à 8 tonnes de matière sèche/ha/an pendant deux à trois ans et un fourrage riche en protéine (si récolte précoce : 16 % de MAT) et appétant pour les chèvres.

Vers la constitution de mélanges passe-partout et adaptés localement

Une nouvelle réflexion collective a permis de faire évoluer le premier mélange, avec deux compositions testées en 2014 : mélange pour sol séchant vs frais. Les résultats après trois ans ont été plus satisfaisants, même si les légumineuses ont manqué à partir de la troisième année d’exploitation. Conserver la luzerne en mélange est difficile, ce qui limité la pérennité de la prairie.

En 2017, les mélanges prairiaux ont de nouveau été affinés et mis à l’épreuve dans 19 élevages caprins du Maine-et-Loire au Lot-et-Garonne. Un poids plus important au semis a été octroyé à la luzerne, principalement dans le mélange pour sols séchant. 22 parcelles ont été suivies en 2019, juste avant la seconde valorisation annuelle pour la deuxième année consécutive. 80 % des éleveurs étaient satisfaits. La moitié des parcelles suivies avant la deuxième coupe de 2019 présente près de 50 % de légumineuses avant la deuxième coupe. Le fourrage sur pied est alors estimé à 2,3 t MS/ha, 17,5 % de MAT et 0,89 UFL. Cette qualité est permise par des stades de valorisation qui optimisent le rapport entre le volume et la valeur alimentaire de l’ensemble des espèces.

Plantes qui couvrent et plantes qui produisent

Ces chiffres encourageants sont le fruit de mélanges initiaux qui s’expriment bien. Le niveau de salissement est très limité : la plupart des parcelles ont moins de 10 % d’espèces non semées. Cela est favorisé par le choix d’implanter du ray-grass anglais et du trèfle blanc, dont l’étalement limite les zones clairsemées. Il s’agit là d’un atout mis en avant par certains éleveurs, notamment sur les parcelles hétérogènes. Des espèces à port dressé comme la fétuque élevée, la luzerne et le trèfle violet jouent également leur rôle de production. Au-delà de la composition du mélange, il ne faut pas oublier que les conditions de semis (période et technique), ainsi que l’itinéraire technique (mode et fréquence de récolte, stratégie de fertilisation) jouent également sur l’évolution de la prairie.

Le suivi annuel est l’occasion pour le RedCap d’échanger avec les éleveurs sur les points de satisfaction et de blocage. L’un d’entre eux particulièrement récurrent est la difficulté d’implantation de la luzerne, présente dans les deux mélanges initiaux en proportion différente. Avec 12 kg/ha et 43 % du nombre de graines au semis, une place importante lui a été octroyée dans le mélange prévu pour des sols séchants. Pourtant, huit parcelles sur 13 présentent moins de 5 % de luzerne avant la deuxième valorisation de 2019, alors que quatre autres en présentent plus de 40 %. Ces parcelles où la luzerne s’exprime bien ont des points communs : un pH assez élevé, l’absence d’hydromorphie, une exploitation uniquement en fauche et/ou un semis de printemps. Si le chaulage, l’inoculation et la période de semis peuvent favoriser l’implantation de la luzerne au sein de la prairie multiespèce, le levier principal reste de bien choisir ou concevoir son mélange au départ.

« On a failli retourner la parcelle tellement elle était sale »

Beaucoup d’éleveurs ont souligné le développement d’espèces annuelles adventices après le semis. « On a failli retourner la parcelle tellement elle était sale », indiquent certains. Ce salissement post-semis s’explique notamment par notre stratégie de ne pas semer d’espèce rapide d’implantation et agressive (ray-grass italien spontané). Il s’estompe fortement après la première valorisation qui agit comme une fauche de nettoyage. Par la suite, le mélange s’est exprimé positivement. Une première exploitation précoce reste essentielle, avant grenaison des espèces indésirables : en vert idéalement, en sec pour un fourrage grossier, ou par broyage. Le semis sous couvert permet de limiter ce salissement post-semis, en implantant des espèces annuelles valorisables.

Choisir les bonnes espèces, c’est se donner les chances de les voir s’exprimer à un moment de l’exploitation de la prairie. Pour faire coexister ces espèces le plus longtemps possible, une amélioration crédible pourrait être obtenue en augmentant le nombre de variétés semées par espèce. Des essais récents à l’Inrae de Lusignan (Vienne) en microparcelles sont parvenus à mieux installer la luzerne en mélange en augmentant le nombre de variétés au semis. Cette option améliorerait la robustesse des mélanges. Après les prairies multiespèces, la recherche se poursuit sur les mélanges d’espèces et de variétés.

En savoir plus

Plaquettes, site internet et Instagram

Le site internet du réseau RedCap donne les actualités et recommandations sur les prairies multi-espèces semées chez des éleveurs de chèvres de la région. On y trouvera notamment une plaquette de 16 pages sur Les prairies multiespèces du RedCap, synthèse de huit années d’essais, et une plaquette Quelles prairies multiespèces pour les chèvres ? de 12 pages.
Le profil Instagram « REDCap_PME » montre en photo l’évolution des prairies multiespèces.

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