De la banque aux chèvres, l’installation à petit prix de La Mathilde
Après huit années dans le domaine de la banque, Mathilde Griffaton est devenue éleveuse de chèvres. Grâce à une gestion rigoureuse, elle a su allier passion et rentabilité, ce qui lui a valu le prix national de la dynamique agricole 2024.
Après huit années dans le domaine de la banque, Mathilde Griffaton est devenue éleveuse de chèvres. Grâce à une gestion rigoureuse, elle a su allier passion et rentabilité, ce qui lui a valu le prix national de la dynamique agricole 2024.
Sa vocation d’éleveuse Mathilde Griffaton l’a trouvée petite en regardant le film Manon des sources. Des années plus tard, c’est en repensant à Emmanuelle Béart dans le rôle de la sauvage chevrière qu’elle quitte son poste. Après huit années en tant que conseillère bancaire agricole, elle se lance dans l’élevage de chèvres et la production de fromages. À 30 ans, elle complète sa formation initiale d’ingénieure en agriculture de l’Esitpa par une formation caprine technique de deux fois deux semaines dans la ferme expérimentale du Pradel en Ardèche. « Même si c’est court, c’est une super formation où l’on apprend beaucoup de choses très pratiques », reconnaît-elle.
En 2019, Mathilde atteind son rêve et devient éleveuse de chèvres à Laloeuf en Meurthe-et-Moselle. La ferme s’appellera La Mathilde, et l’éleveuse soigne sa présentation marketing avec un joli logo, un site Internet et une présence assez active sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram.
Terres et bâtiments en location
Formée par la banque à la gestion financière, la fiscalité agricole et la protection patrimoniale, Mathilde veut commencer petit pour ne pas «se couvrir de dettes» dès le début. « J’ai vu mon père éleveur laitier, qui était pourtant un gros bosseur et un bon technicien, être en difficulté financière toute sa vie », se souvient émue Mathilde. Pour commencer, elle n’achète donc que 19 chevrettes de deux mois et demi au Gaec Lepin dans le Rhône. « J’ai payé les chevrettes à un prix élevé, mais elles sont indemnes de Caev et d’une bonne qualité génétique. »
Pour le reste, Mathilde fait à l’économie. Les bâtiments et les dix hectares de terres sont loués et l’exploitation fonctionne sans tracteur ni matériel agricole. « Je ne suis pas très douée en mécanique, et je sais que la moindre pièce de rechange coûte très cher », sourit l’éleveuse de 37 ans. Pour curer les bâtiments deux fois par an et faucher la prairie une fois par an, Mathilde préfère s’arranger avec des collègues agriculteurs voisins.
Une gamme diversifiée pour augmenter le panier moyen
De la même façon, les premiers investissements se concentrent sur les équipements de base pour démarrer une petite production fromagère. Les premiers fromages sont fabriqués dans son garage, et ce n’est qu’en 2020 qu’elle investit dans une fromagerie en préfabriqué. « Avec ces investissements limités, je n’ai apporté que 15 000 euros de fonds personnel et je n’ai que 8 000 euros d’annuités », se félicite l’éleveuse.
Aujourd’hui, le troupeau bio compte une trentaine de chèvres et Mathilde transforme chaque année 19 000 litres des 23 000 litres produits par les chèvres puisqu’une partie du lait sert à l’alimentation des chevrettes et chevreaux. Les fromages de 150 grammes sont vendus 3,20 euros en filières courtes sur les marchés ou à une clientèle de revendeurs dans les 40 kilomètres autour de l’exploitation.
Nommés Chtrebedeu, ces fromages sont vendus frais, affinés, secs ou aromatisés. Mathilde a aussi diversifié sa gamme avec des tommes, yaourts, faisselles, fromages blancs, crèmes dessert et même de la viande de cabri. Les fromages un peu ratés sont cuisinés par un traiteur du village et vendus en entrées colorées. Elle s’est aussi arrangée avec trois autres productrices de fromages de la région pour proposer des plateaux mieux garnis.
Des diversifications pour se faire connaître
Chevrière, fromagère et vendeuse, Mathilde ne chôme pas entre les soins au troupeau, la fabrication du fromage et la vente en fourgonnette sur les marchés. D’autant plus que Mathilde ouvre sa ferme à d’autres activités et organise des événements comme des visites payantes, du théâtre ou des concerts pour faire connaître son métier et sensibiliser le public à la réalité de l’élevage. Elle commercialise aussi des savons au lait de chèvres et envisage la création d’une ligne de vêtements originale autour de thématiques liées à l’élevage caprin.
Mathilde a su trouver un équilibre entre passion et rentabilité. Avec un chiffre d’affaires de 58 000 euros en 2022, elle sort 24 000 euros d’excédent brut d’exploitation (EBE) et 14 000 euros de résultat net. Avec un ratio EBE sur produit de 42 %, la ferme montre une belle efficacité économique. Et comme la moyenne des recettes des trois années précédentes est loin d’excéder 91 900 euros hors taxes, elle peut bénéficier du régime du micro-bénéfice agricole (BA) et donc de la comptabilité simplifiée et d’un bénéfice imposable diminué d’un abattement de 87 %. Ces résultats ont été mis en avant par la Banque populaire qui en a fait l’une des quatre lauréats du prix national de la dynamique agricole 2024.
Gare au mal de dos
Faiblement mécanisée, Mathilde cherche toujours à améliorer ses méthodes pour réduire son temps de travail et préserver son bien-être physique, en particulier après une période de problèmes de dos qui a failli la conduire à une hospitalisation. « Mon kiné et un thérapeute en lecture biologique m’ont réexpliqué comment soulever et porter des charges, développe Mathilde. Je contractais les abdos, mais ce n’étaient pas forcément les bons muscles. Aujourd’hui, j’ai de meilleures postures pour plier les genoux et bien me positionner quand je porte. » Par exemple, elle réduit la charge et porte des bidons de 10 litres au lieu de 20 litres. Les chariots et les roulettes sont aussi privilégiés tandis que le moulage des fromages se fait à l’aide d’un multimoule.