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Colza : les nouveaux herbicides de post-levée facilitent le désherbage

Avec un spectre d’efficacité large, de nouveaux herbicides de post-levée du colza permettent la mise en place de nouvelles stratégies de désherbage où le « tout en post » montre de plus en plus d’attrait.

Le produit Mozzar apporte une bonne efficacité contre les géraniums en post-levée du colza. © C. Gloria
Le produit Mozzar apporte une bonne efficacité contre les géraniums en post-levée du colza.
© C. Gloria

Les stratégies herbicides se déplacent en colza. « Le désherbage chimique de cette culture peut être différé vers la post-levée pour être plus performant contre les dicotylédones », observe Franck Duroueix, spécialiste désherbage chez Terres Inovia. Arrivées en 2019, les nouveautés Fox et Mozzar (= Belkar) y sont pour quelque chose. Ces produits apportent un spectre d’efficacité assez large contre les dicotylédones en post-levée du colza. Auparavant, des produits pouvaient déjà être utilisés en post-levée mais soit leur spectre d’action était étroit, soit ils n’étaient réservés qu’à des interventions précoces sur colza.

« Un produit comme Mozzar est autorisé jusqu’à la reprise de végétation du colza, c’est-à-dire jusqu’en janvier », souligne Coline Sicaud, chef marché colza chez Corteva Agriscience. Cette solution est sans conteste l’innovation majeure sur colza. « Il présente un spectre complet sur dicotylédones avec des efficacités intéressantes notamment sur les géraniums, une adventice bien présente sur colza, mais aussi sur des espèces comme le gaillet ou le chardon marie contre lesquels peu de produits se montrent efficaces », remarque Franck Duroueix.

Des manques d’efficacité sur des adventices peu nuisibles

« S’il comporte des 'trous' dans son spectre d’efficacité, c’est sur des adventices peu problématiques comme les pensées, véroniques, séneçon, crucifères, stellaire », juge le spécialiste de Terres Inovia. Quant au produit Fox, son spectre est plus étroit. Il apporte un complément d’efficacité sur mercuriale, crucifères, véronique, pensée et peut renforcer les performances sur géranium en mélange avec d’autres spécialités comme Ielo voire Mozzar.

Conseiller agronomie et environnement à la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle, Julien Basuyaux a noté une faiblesse de Mozzar sur matricaire. « Il s’est avéré décevant sur cette adventice en 2019, dans des conditions il est vrai peu propices à l’efficacité des traitements phyto (sécheresse et faible hygrométrie). » Terres Inovia confirme que l’efficacité de Mozzar mérite d’être renforcée contre matricaire, avec l’utilisation de Ielo par exemple plus tardivement à l’automne.

Une efficacité des produits plus régulière en post-levée qu’en prélevée

Dans des scénarios de sécheresse à l’automne, on peut maintenant oser l’impasse de désherbage grâce aux possibilités de rattrapage offertes par les solutions de post-levée. Les nouveaux produits permettent de traiter à vue à condition de bien surveiller l’évolution des adventices dans ses parcelles et d’être réactif. D’autre part, l’efficacité des produits est plus régulière en post-levée qu’en prélevée, où il est nécessaire d’avoir un sol humide pour assurer l’action des herbicides racinaires. Avec les sécheresses d’automne de ces dernières années, l’efficacité de ces spécialités a été mise à mal.

Exemple de programme tout en post : « Mozzar peut être appliqué à 0,25 l/ha(40 €) début octobre suivi d’une application de Kerb Flo en novembre contre les graminées, ou de Ielo si la pression de ces adventices n’est pas trop forte. La performance de ce dernier peut être renforcée avec Fox à 1 l/ha ou Callisto à 0,15 l/ha », précise Franck Duroueix. Il voit l’utilisation optimale de Mozzar début octobre où le produit peut toucher les géraniums mais aussi le gaillet et les premières levées de véroniques et de matricaires. Sinon, Mozzar peut être utilisé dès le stade « 4 feuilles » du colza.

La prélevée nécessaire contre les fortes pressions de graminées

Les programmes tout en post montrent leurs limites en cas de forte présence de graminées. La prélevée reste donc utile face à des pressions importantes de vulpin et ray-grass. « L’investissement en post-levée permet de diminuer les traitements en prélevée sans désinvestir sur l’efficacité antigraminée de ces derniers, remarque Franck Duroueix. On peut ainsi utiliser du métazacholre seul, du dimétachlore seul, du péthoxamide ou encore de la napropamide incorporée en présemis. On reste alors sur des coûts raisonnables de 30 à 45 euros l'hectare en ciblant les graminées. » Un traitement de prélevée visant à la fois les graminées et les dicotylédones est beaucoup plus onéreux.

Les zones historiques de colza aux rotations courtes justifient souvent des programmes complets contre des infestations sévères de mauvaises herbes. « Dans ce cas, Mozzar pourra être choisi comme le pivot du désherbage en lui réservant une utilisation début octobre à 0,25 l/ha. Auparavant, une application de prélevée ciblera les graminées efficacement tout en restant à des niveaux économiques acceptables. En novembre, il pourra être fait appel à la propyzamide associée ou non à Callisto ou Fox pour compléter le spectre par exemple sur des crucifères », précise Franck Duroueix.

Des plantes compagnes à prendre en compte dans le désherbage

Dans la région Grand-Est, la chambre d’agriculture met en avant l’utilisation de doses réduites d’herbicide sur des pressions modérées d’adventices. « Pour les pressions en adventices importantes, on peut opter pour une stratégie mixte combinant un désherbage de post-semis prélevée avec Alabama ou Anitop à 1,2 l/ha, suivi si c’est nécessaire d’une application de post-levée à base de Novall ou Alabama à 0,6 l/ha ou de Mozzar à 0,25 l/ha », précise Julien Basuyaux. Un tel programme coûte de 65 à 80 euros l'hectare et sera efficace sur des adventices comme les géraniums.

« Une autre stratégie peut consister à réserver Mozzar à un rattrapage de post-levée tardive (à 0,25 ou 0,5 l/ha) en cas de pression adventice après une intervention de prélevée à dose élevée d’Alabama (2 à 2,5 l/ha). Mais une telle stratégie peut coûter 150 euros l'hectare. Or, nous conseillons l’utilisation de plantes compagne (féverole, lentille) pour dynamiser la croissance du colza et contrer les attaques de plus en plus fréquentes de grosse altise. Dans ce cas, il faut éviter cette stratégie et l’utilisation de Mozzar ne doit pas être systématique car elle détruit les légumineuses. » Parmi les herbicides de post-levée, Fox et Atic-Aqua sont sélectifs de la plupart des couverts de légumineuses. Un élément de plus à prendre en compte dans les stratégies de désherbage en colza.

Les programmes de post-levée stricte gagnent du terrain

 

 
17 % des surfaces de colza ont été désherbées avec uniquement des herbicides de post-levée en 2019, contre 4 % deux années avant, selon une étude Corteva. L’arrivée de nouvelles solutions montrant un spectre d’action large en post-levée est une des raisons de cette évolution.

 

30 % des colzas ont été traités en prélevée. C’est une baisse notable par rapport aux années précédentes imputables à un début d’automne très sec comme cela a été le cas en 2019, observe Terres Inovia. Par crainte de manque d’efficacité, des produits de prélevée n’ont pas été utilisés.

Deux nouveautés chez BASF

La société BASF met sur le marché deux spécialités à la composition originale, à partir de molécules déjà existantes. Anitop se compose de métazachlore, de diméthénamide-P et de quinmérac. Il est utilisable en prélevée et post-levée précoce du colza. Polaire n’est autorisé qu’en prélevée. Le quinmérac est remplacé par la clomazone dans ce produit par rapport à Anitop. Les deux spécialités visent les dicotylédones ainsi que les vulpins et ray-grass. Pour Franck Duroueix, Terres Inovia, il s’agit de deux solutions complètes classiques de prélevée : « Anitop montre un spectre d’action proche de celui de Novall. Polaire correspond à l’association de Springbok + clomazone. » Les deux produits présentent l’atout de respecter les couverts associés jusqu’aux premières gelées.

AVIS D’EXPERT - Julien Basuyaux, conseiller agronomie environnement à la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle

« Une stratégie tout en post avec moins de phytotoxicité sur colza »

« La stratégie des micro-doses d’herbicides en post-levée que nous préconisions il y a quelques années est devenue compliquées à mettre en œuvre pour des raisons réglementaires. Certains produits de l’époque sont désormais utilisables uniquement en post semis prélevée. En outre, dans notre région nous avons une part non négligeable de sols drainés à plus de 45 % d’argile sur lesquels certains produits sont proscrits. Dans une stratégie de dose réduite de produit en post-levée, il reste la possibilité d’utiliser Novall à 0,6 l/ha ou Alabama à la même dose, ce dernier étant possible seulement sur les sols à moins de 45 % d’argile non drainés. Le produit Mozzar peut être utilisé dans une telle stratégie. Dans un programme tout en post, nous préconisons par exemple un programme avec Alabama ou Novall à 0,6 l/ha à positionner sur des adventices pointantes, suivi de Mozzar à 0,15 l/ha à partir du stade '2 feuilles' du colza sur des adventices au stade cotylédons. Ces deux passages reviennent en tout à 50 euros de l’hectare. Ce programme a l’avantage de montrer un impact réduit sur la croissance du colza en termes de phytotoxicité. C’est important avec les dernières années que nous avons connues avec des levées difficiles du colza. Mais l’efficacité est limitée sur des adventices comme les graminées. »

AVIS D’EXPLOITANT - Bertrand Brignier, agriculteur à Rosières-en-Haye, Meurthe-et-Moselle

« Des micro-doses d’herbicides respectant les plantes compagnes »

« Je suis en agriculture de conservation des sols et je prépare mes sols avant semis avec un travail superficiel sur quelques centimètres. J’utilise des plantes compagne sur colza depuis une dizaine d’années et j’adapte le désherbage d’automne en conséquence, avec l'appui technique de la chambre d'agriculture de Meurthe-et-Moselle. Sur les parcelles avec des adventices bien présentes, j’associe seulement la féverole au colza. La féverole a le mérite de bien résister à plusieurs herbicides. Pour le désherbage, j’utilise des micro-doses de produit sur deux passages : un mélange de Colzor Trio + Novall à 0,4 l/ha appliqué cinq jours après le semis de colza, puis une application de Novall à 0,6 l/ha dix jours plus tard à condition que l’hygrométrie soit suffisante pour assurer une bonne efficacité. Au préalable, avant le semis, j’effectue un passage au glyphosate à 1l/ha. Sur des parcelles plus propres, je peux faire l’impasse d’un désherbage chimique à l’automne, ce qui me permet de mélanger plusieurs espèces de légumineuses qui sont sensibles aux herbicides : féverole, lentille, trèfle, vesce. Un traitement est réalisé en décembre à base de Kerb Flo, Yago voire Mozzar, contre les adventices présentes et les légumineuses, surtout si celles-ci n’ont pas été détruites par le gel. En mars, un traitement de rattrapage peut être pratiqué contre le chardon, le bleuet ou les matricaires avec le produit Lontrel. Je dispose d’une bineuse. Depuis ma pratique du colza associé, je ne l’utilise plus sur cette culture mais seulement sur tournesol. »

190 ha dont 20 de colza (35 prévus aux prochains semis), 35 de tournesol, 28 d’orge de printemps, 30 d’orge d’hiver, 2,5 de pois fourrager, le reste en blé tendre.

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