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Transformer son fumier en électricité

Au Gaec des Hautes Marettes, une unité de méthanisation en voie sèche discontinue produit de l’électricité à partir des fumiers, lisiers, intercultures et menues pailles de l’exploitation.

En 2011, nous avons réfléchi sur les moyens d’optimiser la rentabilité de notre exploitation et de diversifier nos sources de revenu », retrace Franck Mérel. Dans ce Gaec à six associés, installé sur les communes de Chateaugiron et Noyal-sur-Vilaine dans l’Ille-et-Vilaine, sont conduits deux troupeaux, l’un de 900 chèvres, l’autre bovin avec 200 vaches et une centaine de taurillons. « Avec les deux troupeaux, nous produisons beaucoup de fumier. Mais notre réflexion autour de la rentabilité nous a amenés à voir ce fumier non plus comme un déchet mais comme une matière première que l’on pouvait valoriser », souligne l’éleveur. Les associés creusent la piste d’une valorisation énergétique. « Nous n’étions fermés à aucune piste, remarque Franck Mérel. Si le compostage avait eu la même rentabilité, c’est peut-être ce qu’on aurait choisi ».

Mais, au regard des matières premières présentes sur l’exploitation, la meilleure valorisation passait par la méthanisation en voie sèche discontinue. « Cette technique est moins connue que la voie liquide mais c’est la plus adaptée aux ressources de notre exploitation », souligne Antoine Chopin. De rencontres avec des concepteurs en visites, les associés confirment l’intérêt de cette technique et commencent le montage de leur projet avec l’entreprise Naskéo. Le premier coup de pioche a été donné en novembre 2015, pour une mise en route en mai 2017. Il y a bien eu quelques retards dus aux lenteurs de traitement administratif du dossier. « Déjà que la méthanisation n’est pas encore très développée mais notre projet rentrait encore moins dans les cases », constatent les éleveurs, qui ont aussi dû batailler pour le faire financer « face au peu de références technico-économiques ». L’unité du Gaec des Hautes Marettes est la seule unité par voie sèche en Bretagne. Il n’y en a qu’une quinzaine en France. « Nous avons retrouvé le même esprit pionnier que quand on a lancé l’élevage caprin », estime Franck Mérel.

La chaleur sèche des bûches

Lors du montage de leur projet, les associés ont pris toutes les précautions pour qu’il soit bien accepté localement. L’unité de méthanisation a été installée sur celui des deux sites le plus à l’écart des habitations, même si cela exige plus de transports. « Nous avons intégré ça dans le calcul de la rentabilité », explique Franck Mérel. L’unité est bardée en bois, histoire de ne pas avoir un côté trop « industriel ». La présence sur la commune d’une autre unité méthanisation et de beaucoup d’industries agroalimentaires a probablement joué en leur faveur. Pourtant, les exploitations reconnaissent subir quelques critiques et coups de klaxon au passage des remorques qui transportent le fumier et le digestat.

Le fonctionnement et le dimensionnement de l’unité de méthanisation ont été raisonnés autour des seules ressources de l’exploitation. « Nous voulions valoriser ce qu’il y a sur l’exploitation sans intrants extérieurs », insistent les associés. À savoir, 2 300 tonnes de fumier caprin, 2 000 tonnes de fumier bovin, 1 000 tonnes d’engrais verts et des intercultures ainsi que du seigle, culture très méthanogène. S’y ajoutent 600 bottes de menue paille. À partir de cet inventaire, les associés sont partis sur une unité de 150 kW électrique en cogénération, composée de quatre « garages » au toit souple où se déroulent la fermentation et la production de méthane et d’un moteur qui brûle ce biogaz pour produire de l’électricité. La chaleur est valorisée en prestations de services pour sécher du bois bûches. « Cette valorisation de la chaleur nous permet de bénéficier d’un tarif de rachat de l’électricité meilleur de quatre centimes valorisée sans avoir un atelier supplémentaire à gérer », apprécie Antoine Chopin.

Pour construire leur unité de méthanisation, les six associés ont investi 1,25 million d’euros, sans compter les annexes, silos et enrobés pour les accès. Les aides de l’Ademe, des conseils régional et départemental représentent un tiers du montant investi. « Sans elles, nous n’aurions jamais pu bâtir un projet rentable », reconnaissent les associés. En un an, ce sont 1 200 MWh qui ont été injectés et 845 MWh valorisés en chaleur, pour un chiffre d’affaires de 250 000 euros. Les associés sont satisfaits de la rentabilité. « Nous avons dégagé un revenu dès la première année car nous avons atteint plus rapidement que prévu la pleine production », apprécie Antoine Chopin.

Un binôme pour alimenter les garages

L’unité de méthanisation du Gaec des Hautes Marettes est composée de quatre « garages », unités de production du méthane, et un moteur, qui brûle ce biogaz pour produire de l’électricité. Que ce soit par voie sèche ou par voie liquide, le principe de la méthanisation est le même : récupérer du méthane, issu de la fermentation anaérobie de matières organiques. Contrairement à la voie liquide où l’approvisionnement est continu, la méthanisation par voie sèche fonctionne par phase. 4 à 5 jours avant le chargement d’une unité, les exploitants préparent le mélange de fumiers caprin et bovin, de l’ensilage de seigle, d’intercultures. Ce mélange est ensemencé avec du digestat, pour permettre l’installation des bactéries méthanogènes. Puis ce mélange est enfermé dans un garage hermétique pendant 40 jours, le temps de produire le méthane. Le digestat, qui résulte de cette fermentation, sera épandu. « Avec le digestat, on perd du carbone par rapport à du fumier frais. Le digestat équivaut à un fumier qui aurait séjourné 3 à 6 mois au champ, estime Franck Mérel. Mais les éléments fertilisants sont plus assimilables par les plantes ».

Inodore et réduction de 30 % du volume à épandre

Après un an de fonctionnement, l’organisation autour de l’unité de méthanisation est bien rodée. Le suivi est assuré par Antoine Chopin, qui, avant de s’installer, a eu une expérience professionnelle dans la méthanisation en voie liquide en binôme « pour se relayer » avec Franck Mérel. Au quotidien, le suivi demande une heure. Le gros du travail est le remplissage. La matière reste dans l’unité pendant 40 jours. Avec quatre garages, il faut prévoir un remplissage tous les 10 jours, avec une journée de travail à deux pour vider, nettoyer et remplir un des quatre garages. S’y ajoute une demi-journée, également à deux, pour préparer le mélange. « Ce rythme nous a poussés à mieux nous organiser pour le reste, reconnaissent les associés. Nous avons adapté notre fréquence du curage par rapport au besoin du méthaniseur. Élevages, cultures, énergie, tous les ateliers fonctionnent ensemble ».

Rédaction Réussir

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