Se former au management pour travailler avec des salariés
De nombreux éleveurs de chèvres peinent à recruter et à fidéliser des salariés. Pourtant, conserver son personnel longtemps permet de gagner du temps et de la sérénité sur la délégation de tâches. Le management du personnel nécessite une réflexion sur ses attentes et une flexibilité pour s’adapter aux différentes personnalités et compétences. Souvent, une formation permet de réfléchir en amont aux questions des relations humaines qui lient l’employeur à son salariat.
Pas facile de trouver et de garder ses salariés quand on est éleveur de chèvres. Les éleveurs cherchent souvent des salariés pour assurer la traite matin et soir, à des horaires généralement dédiés à la vie de famille. Et pour peu que l’élevage soit un peu isolé, il est difficile de faire venir un candidat qui va multiplier les kilomètres, la fatigue et les temps de trajet. Certains proposent un logement sur la ferme, mais l’isolement peut demeurer, surtout si l’internet haut débit n’arrive pas jusqu’à l’exploitation… Parfois, c’est la pénibilité et la monotonie du travail qui rebutent. En fromagerie et à la chèvrerie, les jours se ressemblent souvent d’un jour à l’autre. Les salaires proposés aux ouvriers agricoles ne sont pas non plus ceux qui font le plus d’envieux.
« Les éleveurs dépensent beaucoup d’énergie à recruter et à former des salariés qui ne restent pas toujours très longtemps », regrette Virginie Venot-Bonnet de la Fédération régionale caprine de Nouvelle-Aquitaine et Vendée. Le syndicat régional s’est donné pour ambition de faire gagner ses adhérents en compétence sur ces questions de ressources humaines. Elle a organisé une formation d’une journée en octobre sur cette thématique, mais celle-ci ne s’est pas tenue faute de candidats… « Nous allons prochainement proposer un autre type d’accompagnement, plus individualisé, pour que les éleveurs sachent communiquer positivement, déléguer les missions, gérer les conflits et assurer la motivation des salariés. »
Avec qui veut-on travailler ?
Souvent, améliorer la communication ou susciter la motivation dans l’équipe est une clef pour conserver ses salariés. Mais, « devenir manager, ça s’apprend », martèle Laurence d’Alès, consultante pour Assert Management. L’an dernier, elle a formé un petit groupe d’éleveurs de chèvres de la Drôme et de l’Ardèche. « Les relations humaines, c’est quotidien, mais ça n’est absolument pas naturel, observe la formatrice. Dès qu’il y a deux personnes en jeu, il peut y avoir des incompréhensions, des rancœurs ou des attentes auxquelles l’autre ne répond pas. »
Avant tout, Laurence d’Alès rappelle l’importance de définir une fiche de poste et de réfléchir en profondeur à ce que l’on attend de son employé : « La première étape très importante est de savoir ce que j’attends de mon salarié avant de me précipiter à passer une annonce. » Cette réflexion permet d’éviter de rechercher l’employé « idéal » ou la « chèvre à cinq pattes » qui n’existe souvent pas, et d’être plus réaliste et ouvert quant aux profils des candidats. « Il faut prendre du recul pour cerner les besoins spécifiques de son exploitation et voir avec quel type de personnalité on a envie de travailler. Il faut aussi être prêt à faire des concessions sur certains critères, tout en restant ferme sur ce qui est vraiment essentiel pour soi. »
Garder une distance professionnelle
Les employeurs doivent aussi savoir adapter leur style de management à chaque employé. « Si vous êtes un manager très directif, ce style peut convenir à un employé débutant qui a besoin d’être guidé et rassuré. Mais cela ne fonctionnera pas avec quelqu’un de très expérimenté qui risque de se sentir bridé si on ne lui laisse pas de responsabilité. »
Ne pas chercher la chèvre à cinq pattes à la fois compétente, autonome, motivée, sérieuse, expérimentée, disponible et flexible
Laurence d’Alès ne se fait pas d’illusion : « Les gens travaillent surtout pour un salaire. Mais le rôle du management, ça va être de faire en sorte que l’employé ait envie de faire un peu plus que son strict travail. Pour qu’un salarié soit davantage engagé dans son travail, il doit se sentir reconnu, encouragé et valorisé. » Attention cependant au copinage et à la trop grande proximité avec ses salariés. « L’amitié n’est pas un critère nécessaire à une bonne relation professionnelle », souligne Laurence d’Alès pour qui il est important de savoir garder une certaine distance professionnelle pour pouvoir poser des limites quand cela est nécessaire.
Ça prend du temps avant de gagner du temps
Enfin, Laurence d’Alès parle de l’importance de l’assertivité, une compétence clé pour un manager efficace : « L’assertivité, c’est être ni paillasson ni tyran, mais savoir exprimer clairement son point de vue tout en respectant celui des autres. » Cette attitude permet d’établir une communication claire et respectueuse avec les salariés, favorisant un environnement de travail sain et productif. Selon elle, se former au management aide les éleveurs à mieux gérer ces relations complexes, à éviter les frustrations et à établir une dynamique de travail positive.
Le risque principal, pour un éleveur, est d’imaginer que l’arrivée d’un salarié simplifiera immédiatement les choses. « Beaucoup pensent qu’embaucher quelqu’un va leur permettre de gagner du temps, mais ce n’est pas toujours le cas. » Il est essentiel de prévoir une période d’adaptation durant laquelle l’employé prendra ses marques et apprendra à s’intégrer aux particularités de l’exploitation.
Des besoins et des limites bien identifiés en élevage
Une enquête récente menée par les quatre fédérations d’éleveurs de ruminants (Fnec, FNPL, FNO et FNB) montrait que les agents d’élevage et les responsables de la traite sont les deux postes les plus difficiles à recruter. L’astreinte, les horaires, l’éloignement géographique, le manque de compétence et de motivation et le salaire jugé insuffisant sont les principaux motifs de tension recensés. L’enquête des fédérations d’élevage rappelait que les éleveurs cherchent à embaucher pour s’alléger la charge et le temps de travail, gagner en souplesse ou alors en anticipation d’un départ à la retraite. Hélas, seuls 40 % des 140 répondants à l’enquête ne souhaitent pas être formés au recrutement et à la gestion d’une équipe. Se pose alors la question de l’accompagnement pour les éleveurs qui souhaitent embaucher. Autre constat, l’entretien annuel est trop rarement assuré. Pourtant, il permet de faire un bilan, à tête reposée, sur l’année passée, de bien redéfinir les objectifs à atteindre et ainsi de faire progresser l’employé. Ce moment privilégié permet aussi d’identifier les besoins en formations ou les aménagements particuliers à prévoir.