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RÉGION CENTRE

Appellation quarantenaire, le chavignol cherche à se différencier des autres crottins avec un cahier des charges renforcé.

L’appellation d'origine protégée crottin de Chavignol fête en 2016 ses 40 ans. Un bel âge pour cette appellation qui a été et reste moteur dans l’économie agricole du département du Cher dont elle recouvre les deux tiers du territoire. La filière, qui regroupe 117 producteurs, laitiers et fermiers, un transformateur et trois affineurs, a produit 774 tonnes de chavignol en 2015, soit 13 millions de fromages. « L’année 2015 a vu une augmentation des ventes de 3 % et on espère que ça va continuer », annonce Dominique Verneau, président de l’AOP.

Pourtant, en 10 ans, le nombre de producteurs a été divisé par deux et la production laitière a perdu un million de litres. La crise caprine est passée par là et a fait disparaître beaucoup de producteurs. « Elle a contribué à dévaloriser l’ensemble des produits caprins et les appellations ont souffert également ». De plus, avec une majorité des producteurs âgés de plus de 50 ans, la filière a besoin de renouveau pour assurer son avenir. Comme dans toutes les filières d’élevage, la contrainte travail est un frein au renouvellement des générations d’éleveur. D’autant plus que le lien au foncier imposé par le cahier des charges, s’il a permis de maintenir un maillage territorial fort, rend difficile les agrandissements qui pourraient permettre la simplification du travail.

100 % des fourrages produits dans la zone AOP

À la ferme du Feulard, à Savigny-en-Sancerre dans le Cher, Laurent Perot élève 200 chèvres dont le lait est intégralement transformé en chavignol. Il commercialise 60 000 à 80 000 fromages chaque année, pour moitié en vente directe et pour moitié auprès d’un affineur. L’exploitation qui compte deux salariés (pour 1,3 UTH) dégage de bons revenus mais repose beaucoup sur la main-d’œuvre familiale. « Aujourd’hui, nous devons raisonner en chef d’entreprise et réfléchir à des solutions pour se dégager du temps libre » pense l’exploitant, qui souhaite transmettre à son fils. L’exploitation compte 150 hectares dont 110 de culture et 40 d’herbe et l’éleveur apporte un grand soin à la production des fourrages. En effet, le cahier des charges de l’AOP impose que 75 % minimum de l’alimentation du troupeau et 100 % des fourrages soient produits sur la zone d'appellation. Il impose aussi une race : l’alpine chamoisée. Il a encore été renforcé en 2007, pour permettre au chavignol de mieux se démarquer des autres crottins. Sur le plan de la fabrication, il se différencie par l’égouttage et le passage en moule. Le lait, emprésuré en sortie de traite, est laissé à reposer 24 à 36 heures puis ce caillé est pré-égoutté sur toile. Il est ensuite moulé dans des faisselles tronconiques.

Un affinage long à basse température

Enfin le chavignol doit être affiné pendant 10 jours après moulage pour avoir droit à l’appellation. L’affinage, lent, se fait donc à température plus modérée. Là où sur des crottins « génériques », c’est la protéolyse qui domine, donnant un fromage crémeux à l’intérieur recouvert d’une peau plissée, on va chercher ici à faire bleuir le chavignol. Après le développement du Geotrichum, qui forme une croûte de protection jaune, on va donc plutôt encourager le développement du Penicillium.

Ce travail est la spécialité des affineurs. Les affineurs existent dans la zone depuis plus de 100 ans et allaient historiquement collecter les surplus de production à la ferme. L’affineur Dubois-Boulay collecte 18 producteurs fermiers. Tous les matins, trois chauffeurs font des tournées de 150 à 200 km pour collecter les fromages en bloc-moules à la ferme. En arrivant chez l’affineur, ils sont identifiés avec un numéro de lot faisant référence à leur provenance. Puis, ils sont stockés en chambre froide en attendant le salage, qui est réalisé le jour même. Démoulé sur un paillasson, chaque fromage est repris à la main, salé et remodelé, une technique qui permet de faire pénétrer le sel dans le fromage et de le remodeler. Après le salage la deuxième opération important du métier est le tri. Même au sein d’un même lot, tous les fromages n’évoluent pas de la même façon. Ils sont donc repris un par un afin d’identifier ceux qui sont prêts à être emballés et ceux qui vont être mis à bleuir. Les fromages ayant une aptitude à bleuir vont dans une cave ou la température est inférieure pour encourager le développement du Penicilium après le Geotrichum et ne pas sécher les fromages. Les fromages qui perdent près de la moitié de leur poids à l’affinage doivent peser 60 grammes minimum à leur arrivée à la commercialisation.

Un fromage au lait cru

Comme les autres appellations d'origine protégée caprines de la région Centre, le chavignol est un fromage au lait entier, cru. Cependant, depuis quelques années, suite à la détection d'Escherichia coli producteurs de Shiga-toxines (Stec) dans le lait, il existe des dérogations pour utiliser du lait thermisé. Les animaux excrètent la bactérie de manière très saisonnée et en 2015, près de 50 % du lait était contaminé. La dérogation a été prolongée en avril 2016 pour aller jusqu'à la fin de l'année. « Nous espérons que, d’ici là, la recherche ait fourni des moyens de prévention en élevage, énonce Dominique Verneau. À la laiterie Rians, nous analysons tout le lait que nous collectons. Celui des producteurs avec Stec est thermisé, celui des autres reste cru. Mais nous souhaitons continuer à travailler en lait cru ce qui fait la typicité du produit. »

LE SAVIEZ VOUS

Le chavignol peut se déguster jeune, bleuté ou affiné. Il peut se déguster en fin de repas, en apéritif ou en cuisine mais ne se cuit pas.

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