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Réglementation sanitaire fermière
Prendre en compte les spécificités fermières

L’administration sanitaire et les producteurs fermiers ont échangé le 28 avril dernier sur l'étiquetage nutritionnel, l’origine des laits, les inspections sanitaires, la flexibilité pour les petits ateliers ou la transparence des contrôles.

L’Institut de l’Élevage et la Fnec ont invité l’administration à échanger sur l’application de la réglementation dans la filière laitière fermière le 28 avril dernier à Paris. L’occasion pour les producteurs d’insister pour que la spécificité des fromages fermiers soit prise en compte.

Première bataille pour les fermiers, l’étiquetage nutritionnel des denrées préemballées, obligatoire au 13 décembre 2016. Les fromagers fermiers sont vent debout contre cette mesure. Le règlement sur la déclaration nutritionnelle Inco prévoit que tous les produits alimentaires préemballés indiquent la valeur énergétique, la matière grasse, les acides gras saturés, les glucides, les sucres, les protéines et le sel pour 100 grammes de produits. « On a des produits variables en production fermière et on a l’impression qu’on ne peut pas apporter une information claire au consommateur », avertit par exemple Jocelyn Pesqueux, administrateur de la FNPL qui produit du beurre et de la crème en Seine-Maritime. « J’ai quinze produits différents sur ma ferme, explique Frédéric Blanchard, fromager fermier de l’Isère et président de la commission fermière de la Fnec, si je fais les analyses nutritionnelles, ça me coûte 4 000 euros. » Invitée de la rencontre, Dominique Baelde de la DGCCRF prévient que cette mesure ne concernera que les produits préemballés. « Cela concerne de plus en plus de producteurs fermiers, peut-être 20 % d’entre eux aujourd’hui, qui vendent en grandes surfaces ou en magasins de producteurs » avertit Frédéric Blanchard.

Des étiquettes nutritionnelles sur les usines à gaz

Des dérogations sont prévues si, par exemple, la face la plus grande du produit est inférieure à 25 cm². L’article 19 de l’annexe V du règlement prévoit aussi des dérogations pour les fabricants « de faibles quantités de produits ». Les fromagers fermiers aimeraient rentrer dans ce cadre dérogatoire mais l’administration française y semble plus réticente. Pourtant, les contacts pris au niveau européen confirment la liberté des États membres pour définir les conditions de dérogation. « Ne pourrait-on pas fixer un seuil à deux millions de litres transformés par an, comme pour la note de flexibilité, comme limite de dérogation ? », suggère Frédéric Blanchard. « J’ai l’impression qu’on marche sur la tête, renchérit Jocelyn Pesqueux. Il y a possibilité de déroger, et malgré cela, on nous demande d’indiquer des valeurs moyennes qui n’ont aucun sens. On est en train de construire une usine à gaz. Ni les producteurs ni les contrôleurs ne s’y retrouveront… »

Le nom du village plutôt qu’origine France

Autre désaccord avec l’administration, l’étiquetage d’origine du lait et des viandes utilisés en tant qu’ingrédients. Pour l’instant, ce projet ne concerne que les produits emballés et que ceux fabriqués et commercialisés en France. Lorsque le produit a été collecté, conditionné et transformé en France, la mention « origine France » devra être apposée. Mais, autant cette mention est valorisante pour les produits industriels autant elle induit le doute pour les produits fermiers. « Sur mes fromages, je préfère mettre le nom de mon village plutôt que "origine France" », défend Frédéric Blanchard en insistant pour que les produits fermiers soient exclus de cette réglementation en préparation.

Pas d’exigence de construction de toilettes ou de certificats médicaux

Heureusement, tout n’est pas que désaccord avec l’administration. Ainsi, la filière salue l’évolution des inspections sanitaires ces dernières années. « Les règles n’ont pas changé mais nous avons rénové les outils d’inspection pour simplifier les méthodes, harmoniser les évaluations et améliorer la visibilité des rapports », explique Geneviève Puisségur de la Direction générale de l’alimentation au ministère de l’Agriculture. Les inspecteurs s’appuient sur un vade-mecum spécifique « lait et produits laitiers », révisé en 2016, pour vérifier que les fromagers appliquent et vérifient leur plan de maîtrise sanitaire. Ce vade-mecum (accessible sur internet(1) rappelle bien que la réglementation repose sur une obligation de résultat et non pas de moyen et il prend bien en compte la flexibilité pour les petits ateliers. Par exemple, il précise bien que le sas peut avoir une autre fonction (vestiaire) pour les petites structures, qu’il peut avoir des matériaux traditionnels en bois ou en grès ou qu’il n’est pas nécessaire d’enregistrer systématiquement les opérations de nettoyage de routine. Un sondage auprès de 45 techniciens ou fromagers fermiers montre que la note de flexibilité a permis des améliorations, même si certains points posent encore problème.

Par exemple, la corrosion sur les équipements ou l’enregistrement des non-conformités restent les sujets qui fâchent encore, mais à tort, les inspecteurs. « Certains inspecteurs continuent d’exiger des certificats médicaux du personnel » indique Cécile Laithier de l’Institut de l’Élevage en présentant l’enquête. Un quart des inspecteurs note une non-conformité en cas de présence de moisissures dans un hâloir, une cave d’affinage ou une salle de fabrication, la note ne faisant pas la différence entre ce qui est souhaité selon les salles. « Si la note de service sur la flexibilité a permis de reconnaître la pertinence des pratiques fermières, il reste encore des difficultés sur le terrain, notamment avec les inspecteurs jeunes ou non-formés », reconnaît Frédéric Blanchard.

Un guide européen des bonnes pratiques d’hygiène à la fin de l’année

L’inspection sanitaire donne désormais quatre types de notation par item : conforme, non-conformité mineure, non-conformité moyenne et non-conformité majeure. Ces notes, couplées à la confiance de l’inspecteur dans l’atelier et la gravité du risque, donneront une appréciation globale de l’atelier : A-maîtrise des risques sanitaires, B-maîtrise des risques acceptable, C-maîtrise des risques insuffisante et D-perte de maîtrise des risques. Ces notes globales d’inspection de l’hygiène alimentaire pourraient être mises à la disposition de tous par affichage à partir de janvier 2018. Une expérimentation a déjà été réalisée en 2015 sur plus de 3 000 restaurants parisiens et avignonnais. « Nous avons observé une amélioration de la réactivité des professionnels dans le traitement des non-conformités », décrit Laurence Giuliani de la DGAL. Mais les producteurs craignent un manque d’équité entre inspecteurs et entre départements…

Pour toucher le dernier étage de l’administration sanitaire, les fromagers fermiers et artisanaux européens se sont regroupés fin 2012 dans le réseau Face (Farmhouse and Artisan Cheese & Dairy Producers European Network). Grâce à un financement européen de 243 000 euros, le réseau travaille à proposer un guide européen des bonnes pratiques d’hygiène adapté aux petites fromageries. Malgré la difficulté de ce travail multilingue avec des logiques sanitaires différentes entre pays, le groupe a déposé une première version à la direction générale européenne de la santé et la sécurité alimentaire. Après validation par tous les pays, le nouveau guide européen devrait être achevé avant la fin 2016. « Le guide européen sera plus pratique et plus compréhensible que le GBPH français, apprécie Frédéric Blanchard, Il sera aussi plus complet car il intègre les plans de contrôle, la traçabilité et les dangers physiques et chimiques. Avec cette échelle européenne, on sort de la caricature du producteur fermier baba cool… »

Difficile d’apporter une information nutritionnelle fiable avec des produits variables

Un groupe d’experts pour les cas sanitaires difficiles

Mise en place grâce à un financement de FranceAgriMer, la cellule d’alertes sanitaires a déjà permis d’accompagner quatre producteurs confrontés à un problème sanitaire difficile à résoudre. Un technicien fromager peut ainsi être aidé par des experts fromagers spécialisés. Par exemple, quand Marie Vandewalle, technicienne à l’ARVD Nord-Pas-de-Calais, est confrontée à un cas de salmonelle sur un fromage à croûte lavée, elle appelle rapidement son collègue spécialisé en élevage Pascal Picant de Normandie qui connaît bien la problématique en lait cru. Après avoir ciblé les hypothèses et réalisé plus de 15 000 euros d’analyses, des mesures correctives sont mises en place, notamment pour éviter la contamination fécale du lait au moment de la traite.

« La cellule d’experts permet de ne pas se sentir seule face à un cas lourd où les pertes dépassaient la centaine de milliers d’euros, apprécie Marie Vandewalle. Travailler en réseau de techniciens permet de gagner du temps, de conforter les choix techniques et de trouver les bons arguments pour convaincre le producteur stressé et sous tension pendant cet épisode ». Pour capitaliser conjointement sur ces expériences, l’Institut de l’Élevage met en place un recueil d’expertises sanitaires qui permettra de valoriser le savoir-faire de la cinquantaine de techniciens français réalisant des interventions sanitaires.

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