Pour un vrai soutien au pastoralisme
L’élevage pastoral est pertinent économiquement et répond aux enjeux sociétaux actuels. Plaidoyer pour une vraie reconnaissance du pastoralisme.
Le pastoralisme est une pratique d’élevage basée sur l’alimentation des bêtes par le pâturage de surfaces non cultivées (landes, garrigue, sous-bois…). Une surface pastorale fournit des ressources herbacées, arbustives, arborées ou fruitières d’une très grande diversité. Souvent associé à une image lointaine et champêtre, le pastoralisme est pourtant une pratique actuelle qui repose sur un vrai savoir-faire aux atouts nombreux et faisant face à de contraintes multiples. « Le pastoralisme, ce n’est pas du folklore, c’est une pratique moderne avec une vraie pertinence économique », rappelle Olivier Bel, porte-parole de la Confédération paysanne de Paca, à l’occasion d’une présentation à la presse des enjeux de ces surfaces.
Des externalités positives dans l’air du temps
Ce système présente de nombreux enjeux et usages externes. Présent dans de nombreuses régions aux climats secs, le pastoralisme représente une protection contre les incendies. Les surfaces pastorales entrent souvent dans le cadre de plans DFCI (Défense de la forêt contre l’incendie) qui reposent sur une politique globale d’aménagement et d’entretien de l’espace rural et forestier. « Dans les régions concernées par les risques d’incendies, le maintien d’agroécosystèmes pastoraux extensifs permet de limiter la propagation des incendies grâce à leur fonction de pare-feu », rappelle l’Union internationale pour la conservation de la nature. Le pastoralisme limite aussi les risques d’avalanche. Ce système maintient les milieux ouverts, permettant un entretien des paysages et de la biodiversité. Il est souvent la seule activité possible sur des territoires isolés qu’il fait vivre. Le pastoralisme permet aussi la préservation de races locales, valorisant mieux les ressources disponibles. « La chèvre de Rove est une race rustique que nous avons choisie pour son adaptation au sylvopastoralisme, explique François Borel, éleveur en colline à la Roque-d’Anthéron (Bouche du Rhône). Elles arrivent à maintenir le lait dans des conditions extrêmes. C’est tout l’intérêt d’une race locale de valoriser le mieux son milieu. » Les surfaces pastorales garantissent une ressource alimentaire résiliente en cas de sécheresse répondant au contexte actuel de changement climatique.
Rétention foncière et prédation menacent le pastoralisme
Le pastoralisme répond aussi à des enjeux sociétaux actuels. Il promeut des pratiques résilientes, respectueuses du bien-être animal, de l’environnement et de l’humain, mais conservant une pertinence économique et une production qualitative. « Nous sommes en phase avec les consommateurs dont la demande a évolué », précise François Borel. « Chez nous, l’élevage en montagne est très attractif pour les jeunes », ajoute Victor Tublet éleveurs dans les Pyrénées-Orientales. Toutes les externalités positives du pastoralisme doivent pourtant répondre à une pertinence économique primordiale, qui fait face actuellement à la prédation et aux modifications de la PAC.
Le pastoralisme, entre pentes boisées et crêtes broussailleuses, est particulièrement exposé à la prédation. Les éleveurs, obligés de prendre des chiens de protection, se retrouvent confrontés à une cohabitation difficile avec les promeneurs. Ils modifient leurs pratiques pastorales sous l’influence de la prédation et abandonnent certaines surfaces pastorales boisées reculées. L’installation d’éleveurs en système pastoral est de plus en plus difficile. Malgré des coûts d’installation bien moindres que sur des systèmes d’élevage classique, les systèmes pastoraux sont victimes de la rétention foncière. L’accès au foncier devient alors de plus en plus difficile. « Il y a des milliers d’hectares non pâturés ici, mais les jeunes ne peuvent pas s’installer à cause de la spéculation foncière », regrette François Borel. Les éleveurs défendant le pastoralisme s’inquiètent aussi d’une tendance à privilégier les espaces naturels qui pousse à sortir les terres de leur vocation agricole.
Sans la PAC tout s’arrête
La perception par les institutions européennes des surfaces pastorales ne correspond pas aux réalités de ce système. Actuellement, les surfaces pastorales peuvent souvent prétendre à des aides PAC telles que l’ICHN (Indemnité compensatoire de handicap naturel), les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) localisées (DFCI, Natura 2000…), les Maec systèmes herbagers et pastoraux ou encore à des aides à l’investissement. Mais ces aides tiennent à la reconnaissance par la PAC de la valeur alimentaire de ces surfaces dites « peu productive ». interpellée par la Commission européenne, la France a durci le guide d’admissibilité des surfaces agricoles. Le calcul des aides se fait désormais au prorata de la surface comestible par les animaux. Les surfaces avec moins de 50 % d’herbe ne sont pas éligibles aux aides PAC, à l’exception de 38 départements qui bénéficient d’un zonage SPL (surface pastorale ligneuse). Mais de nombreuses plantes présentes sur la liste des espèces non comestibles font partie des rations alimentaires classiques en système pastoral comme certaines variétés de rosacées, chênes, châtaignes et glands… Rendre les surfaces pastorales éligibles aux aides est central pour le maintien des surfaces pastorales. Les éleveurs pastoraux s’inquiètent d’aides dépendantes de visites rapides, très subjectives et trop souvent excluantes, ne reflétant pas l’utilisation pastorale réelle de leur système. « C’est le paradoxe d’une mise en avant de systèmes résilients par nos institutions, tout en ne rendant pas éligible tous les hectares utiles », estime Olivier Bel. Sans un soutien adéquat, le pastoralisme est menacé d’une fragilisation, voire d’une disparition totale. « Économiquement, sans les aides on ne pourra pas survivre », admet Annabelle Wurbel, éleveuse de chèvres du Rove dans la Drôme. « On n’est pas en train de défendre un système de niche, on défend un système répondant aux enjeux de territoires » précise Olivier Bel. « Le parcours représente deux tiers de l’alimentation des troupeaux de la région », renchérit Luc Falcot, éleveur caprin et président du Centre d’études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée.