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« Nous avons amélioré la valorisation du lait de 30 % »

Grâce à une alimentation plus riche et une meilleure maîtrise de tous les paramètres de fabrication, la chèvrerie de la Blanchetière a considérablement amélioré ses rendements fromagers.

« La valorisation moyenne de notre lait était de 2,16 euros par litre en 2010, elle est de 2,80 euros aujourd’hui, soit une hausse de 30 % » annonce fièrement Antoine Thomas, éleveur-fromager sur la commune de Belligné, en Loire-Atlantique. C’est vrai que nos tarifs ont augmenté de 10 % sur cette période (+2 % par an) et que nous avons réorienté une partie du volume vers des produits à plus forte valeur ajoutée comme des yaourts. Mais nous avons aussi réussi à augmenter notre rendement fromager de 10 à 15 % en modifiant les pratiques d’élevage et de transformation. »

À la Blanchetière, le lait des 200 chèvres alpines est intégralement transformé à la ferme. Antoine Thomas et ses quatre salariés fabriquent essentiellement des fromages lactiques frais et demi-secs. En 2010, alors qu’arrive une nouvelle salariée en fromagerie, l’éleveur fait venir un fromager pour la former. C’est l’occasion de passer en revue tout le travail de transformation. « Quand j’interviens en fromagerie, je commence par faire un état des lieux, regarder les poids de fromage, les fabrications, explique Frédéric Gobin, expert fromager. J’essaie ensuite de définir un rendement. Le problème des producteurs fermiers est qu’ils sont souvent incapables de dire le poids auquel ils vendent leur fromage, alors qu’ils devraient décider d’un poids définitif et s’y tenir. »

30 fromages de plus par jour

80 % du chiffre d’affaires de la Blanchetière vient de deux formats : des fromages ronds types chabis et des bûchettes. « Nos‘’chabis’’ont un poids minimum garanti à la vente de 90 grammes, pour un prix de 1,85 € HT l’unité, explique l’éleveur. En les pesant, nous nous sommes rendu compte que leur poids moyen était plus proche de 120 grammes. Nous avons donc réajusté la fabrication pour viser un poids régulier de 100 g. Nous en fabriquons environ 150 chaque jour. En visant le juste poids, nous faisons avec le même volume de lait 30 fromages de plus par jour. Cela représente un gain brut de 10 000 pièces, soit 18 500 € par an ».

Là où ils utilisaient 0,8 litre de lait pour faire ce fromage, ils découvrent qu’il leur en faut seulement 0,65 voire moins à certaines périodes de l’année quand le lait plus riche. « Les producteurs fermiers ne savent pas toujours bien gérer la matière, observe Frédéric Gobin, et travaillent souvent de la même façon du 1er janvier au 31 décembre. Mais le fromager doit adapter son travail à l’évolution de la composition du lait au cour de l’année. » L’équipe de la Blanchetière l’a désormais bien compris. « En début et fin de lactation, le lait est très concentré en matière grasse et le caillé s’égoutte moins bien. Nous le sabrons pour permettre au sérum de remonter. Sinon, les fromages seraient trop humides au démoulage… »

La préparation du lait est aussi passée à la loupe. L’équipe travaille désormais avec des mesures précises de température et d’acidité et des contrôles à toutes les phases de fabrication. Ils ont aussi remplacé le ferment du commerce à ensemencement direct par un levain, qui permet d’avoir un démarrage en acidité plus rapide et gagner sur le temps d’emprésurage et de moulage. « C’est important car, pour mouler dans des conditions optimales, il faut un caillé ferme, ce qui correspond chez nous à 20 heures de coagulation. Sinon, il y a des pertes de rendement au moulage, des freintes qu’on retrouve sur la table et dans le sérum. »

Nous penchons les moules pour que le caillé ne s’écrase pas

Pour améliorer la régularité, mais aussi éviter les déperditions de matière, le moulage est réalisé à la louche, en escargot. « Nous déposons, délicatement, une louche dans tous les pots. Puis quand cette première louche est égouttée, nous versons la deuxième. » L’objectif est de ne pas piéger de sérum à l’intérieur du fromage et de ne pas laisser le caillé s’écraser au fond du moule. « Pour les fromages type Sainte-Maure, nous inclinons le moule afin que le caillé ne tombe pas de trop haut. »

Le premier retournement qui était effectué huit heures après moulage, est fait aujourd’hui après seulement quatre heures : le caillé n’a pas eu le temps de sécher et s’égoutte mieux. La façon de saler est aussi modifiée, d’abord la première face, puis la deuxième deux heures plus tard pour que le sel pénètre dans le fromage sans atteindre l’autre face. « Avant, chacun faisait à sa manière et nous n’obtenions pas toujours le même résultat. Nous avons appris à peser le sel et avons à présent des repères pour savoir combien en mettre. »

L’équipe introduit aussi plus de rigueur dans les conditions d’affinage. « Nous contrôlions bien la température mais pas toujours l’hygrométrie. Or la cave est parfois un peu vide et nous avons du mal à avoir l’humidité suffisante. Sur des fromages que nous n’avons pas vendus en fin de semaine, nous anticipons l’emballage avant le week-end pour limiter la déperdition de poids. »

Chiffres clés

40 ha de SAU, exclusivement en herbe
200 chèvres en lactation
5 UMO (dont 4 salariées)
160 000 litres de lait
818 litres de lait par chèvre
34,6 de TP et 40,3 de TB
2,80 € de chiffre d’affaires par litre de lait
131 410 € d’excédent brut d’exploitation

Un aliment riche en matières grasses insaturées

L’amélioration du rendement, l’éleveur la doit aussi à une amélioration des taux. En effet, entre 2010 et 2014, le TP est passé de 33,6 à 34,6 et le TB de 39,6 à 40,3. Cette évolution a été induite par la sélection génétique mais aussi par une modification de l’alimentation. La ration des chèvres est composée de 1,8 kilo de foin de graminées en libre-service et 300 g de correcteur azoté, ils remplacent les 1,3 kilo d’aliment de production complet. En 2009, leur coopérative Terrena leur propose de tester un nouvel aliment, enrichi en acides gras insaturés (à base de graines de lin, et graines de colza, sans huile de palme). « Ces acides gras insaturés fonctionnent mieux dans le rumen, ils ont une meilleure efficacité énergétique, explique Pierre Gautier, de Terrena. C’est ce qui explique qu’il ait un effet lactogène et améliore la composition en matière utile du lait. » Les chèvres du lot en essai voient leur production laitière augmenter de 0,5 kilo par jour, leur TB de 2,6 et leur TP de 0,5 gramme par rapport au lot témoin. Les fabrications issues du lait des deux lots sont comparées et le lait des chèvres alimentées avec l’aliment enrichi a permis en moyenne d’obtenir des poids de fromages supérieurs de 4 %. Le test est concluant et l’aliment adopté à la Blanchetière.

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