Mieux utiliser les médicaments avec la pharmacovigilance
Le signalement d’effets indésirables suite à l’utilisation de médicaments vétérinaires contribue à mieux les connaître.
Il est important que tout effet indésirable observé suite à l’utilisation d’un médicament vétérinaire fasse l’objet d’une déclaration de pharmacovigilance. Ces déclarations individuelles sont ensuite analysées par l’Anses-ANMV (Agence nationale du médicament vétérinaire) ou le CPVL (Centre de pharmacovigilance vétérinaire de Lyon). Comparativement à d’autres espèces, la filière caprine ne déclare que peu d’effets indésirables. Cela concourt à rendre leur analyse délicate car les éléments disponibles sont peu nombreux. Néanmoins, trois cas issus de déclarations récentes nous rappellent que les bonnes pratiques d’administration des médicaments sont un sujet important pour vos élevages.
De nombreux abcès après une vaccination avec un flacon entamé
120 chevrettes de quatre mois ont reçu une dose de vaccin contre l’entérotoxémie. Quelques jours plus tard, chez environ 80 animaux, un gonflement est apparu au niveau du site d’injection, évoluant en quelques jours en abcès. Après étude approfondie, il s’avère que 95 chevrettes ont été vaccinées avec un flacon de vaccin entamé depuis une semaine et stocké au réfrigérateur. Les chevrettes ayant reçu une dose de vaccin d’un flacon neuf n’ont présenté aucune réaction. Les notices des vaccins précisent la plupart du temps qu’un flacon entamé doit être consommé immédiatement. Les pratiques et les conditionnements disponibles peuvent conduire à outrepasser ces recommandations. Un flacon de vaccin entamé peut avoir été contaminé par des bactéries lors de précédentes ponctions par l’utilisation de matériel non stérile. Lors de sa réutilisation, ces bactéries seront injectées aux animaux, provoquant ainsi un fort risque d’infection au site d’injection et dans des cas plus graves un risque de septicémie. De plus, sa réutilisation peut être la source d’un manque d’efficacité : l’antigène du vaccin s’est dégradé et la réponse immunitaire n’est pas suffisante.
Des cas de cécité suite à une surdose d’antiparasitaire interne
Un lot de 26 chèvres angoras pesant entre 35 et 50 kg a été traité contre l’haemonchose avec un vermifuge contenant du closantel. Tous les animaux ont reçu une dose de 20 ml par la bouche au moyen d’un pistolet automatique. Deux jours plus tard, douze chèvres présentaient des troubles nerveux, sept étaient également devenues aveugles et sont finalement mortes. Ces symptômes sont classiques d’une toxicité liée au médicament. La posologie de celui-ci est de 2 ml/10 kg de poids vif. Les chèvres pesant entre 35 et 50 kg ont donc reçu au moins deux fois la dose recommandée. Lors de traitement collectif, l’utilisation de seringue automatique est un gage d’efficacité. En revanche, il faut veiller à disposer d’un matériel capable de délivrer la bonne posologie et qui puisse être réglé pour s’adapter au poids de chaque animal.
Une vermifugation qui manque d’efficacité
Pour traiter une diarrhée, 70 chèvres alpines âgées d’un à sept ans et pesant entre 50 et 70 kg ont toutes reçu sur le dos 10 ml d’un vermifuge contenant de l’éprinomectine. Un mois plus tard, une partie des chèvres présente toujours de la diarrhée. Le résultat d’un examen de crottes réalisé sur cinq chèvres révèle la présence de 1 650 œufs de strongles par gramme de matière. Le manque d’efficacité d’un anthelminthique peut avoir différentes causes. Il peut s’agir d’une mauvaise mise en œuvre du traitement (contention insuffisante, évaluation du poids incorrect, matériel inadapté) ou d’une résistance des strongles intestinaux à la molécule utilisée. Dans le cas présent, la dose administrée, insuffisante pour les animaux les plus lourds, pourrait en être la cause de la persistance de la diarrhée, celle-ci pouvant toutefois avoir aussi une autre cause (origine alimentaire). Néanmoins, le comptage d’œufs élevé pourrait évoquer l’émergence d’une résistance nécessitant des investigations plus compète pour être formellement établie. Un usage trop fréquent et répété d’anthelminthiques de la même famille pendant une durée prolongée, un sous-dosage, une mauvaise administration du produit ou un manque d’étalonnage du dispositif de dosage sont des pratiques qui doivent être évitées car elles peuvent rendre le traitement inefficace et elles augmentent le risque de développement de résistance.
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Comment déclarer les suspicions d’événements indésirables ?
La déclaration des événements observés peut se faire via le vétérinaire qui suit l’élevage directement par internet sur pharmacovigilance-anmv.anses.fr. L’éleveur peut aussi télécharger et remplir un formulaire à renvoyer au CPLV. Il peut aussi déclarer par téléphone (04 78 87 10 40) mais cet appel doit être suivi d’un retour par courrier de la fiche de déclaration envoyée par le CPVL. Il est important de remplir la déclaration de la façon la plus précise et détaillée possible, afin de permettre une exploitation optimale des données. S’ils sont disponibles, les examens de laboratoire, rapports d’autopsie, photos ou toute autre donnée pertinente doivent être joints au dossier, ainsi que les diagnostics différentiels plausibles pris en considération.
La pharmacovigilance vétérinaire surveille les médicaments commercialisés
La surveillance continue des risques et des bénéfices des médicaments commercialisés est réalisée grâce au système de pharmacovigilance, contribuant ainsi à l’amélioration constante de la connaissance de ces médicaments. L’objectif de la pharmacovigilance est de pouvoir détecter le plus rapidement possible tout signal émergent, qu’il s’agisse d’un effet indésirable inattendu, ou bien attendu mais dont la fréquence ou la gravité est inattendue, et de prendre ensuite les mesures adéquates de gestion du risque (modification de l’autorisation du médicament, suspension…) Des analyses et des investigations plus poussées sont généralement nécessaires pour établir le rôle précis du médicament dans la survenue de cet effet.