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« Je me suis installé seul à 19 ans »

Jeune producteur de picodon, Thomas Chaléac a créé son exploitation il y a deux ans à seulement 19 ans. Il revient sur ses premières années d’installation.

A quelques encablures du mont Gerbier de Jonc, l’oppidum de Saint-Andéol-de-Fourchade en Ardèche surplombe la chèvrerie de Thomas Chaléac. Le jeune homme de 21 ans y a créé son élevage il y a deux ans. Non issu du milieu agricole, Thomas a passé un bac CGEA au lycée agricole d’Aubenas, avec une spécialité caprine. Lors de sa scolarité, il effectue plusieurs stages en élevages caprins. « C’est auprès d’éleveurs de chèvres passionnés que j’ai moi-même attrapé le virus », se rappelle Thomas, passionné par l’agriculture depuis toujours.

« À 17 ans, l’âge où certains achètent une voiture, Thomas a acheté des terres agricoles », se souviennent Françoise et Daniel, ses parents, en souriant.

« La première année d’installation, il n’y a aucune rentrée d’argent et beaucoup de sorties. Il faut s’y préparer »

En 2017, une opportunité pour acheter des terres dans le village d’origine de sa famille se présente et accélère son projet d’installation : « ici la terre est assez rare et très recherchée, alors je n’ai pas voulu manquer l’occasion. C’est vrai que j’étais très jeune et qu’il fallait tout construire depuis zéro. Mais j’ai monté mon projet, je me suis accroché, suis allé chercher les financements et aujourd’hui, l’exploitation est là, fonctionne bien. Il reste encore du chemin à parcourir et heureusement que j’ai le soutien de ma famille, parce que quand on n’est pas enfant d’agriculteurs, on ne reçoit pas que des encouragements… », précise Thomas qui a investi 400 000 euros au total pour les terres, le bâtiment, les animaux, le matériel… Il reçoit de l’aide de ses parents et obtient un prêt auprès d’une banque.

Ne pas surestimer la rentabilité et garder une marge de sécurité

« Une des complexités, parmi tant d’autres, dans le projet d’installation est de démontrer qu’on a trouvé des débouchés pour les produits de l’exploitation, mais sans produit à montrer ou à faire déguster ! J’ai réussi à convaincre quelques clients potentiels de s’engager et consolider mon projet auprès des financeurs. » Aujourd’hui, Thomas a réussi à diversifier sa clientèle : restaurants, grandes surfaces, épiceries, vente directe sur l’exploitation et quelques marchés. L’éleveur a aussi tout de suite choisi la certification bio. « Je travaille déjà selon le cahier des charges et cela parle aux consommateurs et permet de mieux valoriser mes fromages. Alors je n’ai pas hésité », explique Thomas.

Rouvrir les paysages : un travail de titan

Situées à 1 000 mètres d’altitude les terres de l’exploitation sont en pente et constituées de nombreuses terrasses qu’il faut débroussailler progressivement. Un travail titanesque de réouverture du paysage entrepris par le jeune éleveur. « Il n’y avait plus d’élevage depuis de nombreuses années dans le hameau », raconte Thomas. « Nous avons déplacé 12 000 m3 de terre pour aplanir le terrain et construire la chèvrerie. Il a aussi fallu faire arriver l’eau du réseau. Si l’eau de source convient aux chèvres, pour la fabrication des fromages j’avais besoin de l’eau de ville. Tout cela a fait prendre du retard sur la construction et lorsque les chevrettes sont arrivées en juin 2019, le bâtiment était loin d’être terminé et n’a été prêt qu’en novembre ! Quand on monte un projet, les imprévus sont rarement bien pris en compte, que ce soit dans le budget ou le calendrier, signale Thomas. Et la première année, c’est difficile, il n’y a aucune rentrée d’argent et beaucoup de sorties. Il faut s’y préparer », prévient le jeune homme. « Heureusement qu’on ne sait pas tout lorsqu’on se lance ! », avance-t-il.

Ramener les bons champignons en fromagerie

Tout a été dimensionné pour 130 chèvres en lactation. Sur ce site protégé, le bâtiment en bois s’intègre parfaitement dans le paysage. Thomas a fait le choix d’un tapis d’alimentation pour limiter la largeur du bâtiment tout en conservant des aires paillées importantes.

Petit à petit, Thomas organise la conduite de son nouveau troupeau : les premières mises bas, les premières fabrications aussi. « Lorsqu’on transforme les premiers fromages, il n’y a pas de flore, tout est neuf. Il faut ramener les bons champignons et se faire la main. Je retrouve maintenant le goût des fromages que faisait ma grand-mère et j’apprends tous les jours », sourit le jeune homme.

« Pour l'instant les 80 chèvres en lactation sont traites une fois par jour. Le volume est suffisant pour la transformation et la vente pour moi seul. Aujourd'hui, je suis sur une moyenne de 450 L de lait par chèvre, je vise 650 litres à terme. » La salle de traite ligne haute, 16 places et huit postes est prête pour aménager un second quai. Au pic de lactation, Thomas transforme 180 litres de lait par jour. Il étudie tout ce qui peut lui gagner du temps, notamment en fromagerie : les blocs-moules et un lave vaisselle par exemple.

Pâturage de mars à décembre

Ce qui est chronophage aujourd’hui, c’est le débroussaillage des parcelles, puis il faudra investir dans des clôtures en dur. Les chèvres pâturent au maximum, de mars à novembre, en fonction de la météo, sur les prairies nouvellement ouvertes et dans un parcours d’une quarantaine d’hectares. Elles reçoivent du foin à volonté et de la luzerne, achetée, en hiver. « À cette altitude et avec les pentes que nous avons, nous n’avons que des prairies de fauche et de pâturage. J’achète aussi le maïs, les céréales et la paille. »

Et demain ? Régis son grand frère reprend cette année des études agricoles après une première expérience dans la communication. L’objectif est que les deux frères s’associent d’ici quelques années. « Il y a largement du travail pour deux. Tout seul, c’est possible mais je ne prends aucun repos, témoigne Thomas. Ce n’est pas tenable sur la durée. » Les deux frères se complètent et ont de beaux projets pour développer l’activité de l’exploitation qui se situe sur un sentier de grande randonnée.

Chiffres-clés

80 chèvres en lactation

40 ha de SAU

20 ha de parcours forestier

25 000 litres de lait transformés en partie picodon AOP

DSC_1157.jpg (3.63 Mo)

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