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Lait de chèvre : « Baisse de l’export espagnol et tensions sur la poudre hollandaise »

Le marché du lait de chèvre évolue avec une baisse de la production espagnole et des tensions sur l’export de poudre de lait infantile hollandaise vers la Chine. Regard européen de Gilles Sanzey en charge de l’approvisionnement en lait de chèvre chez Agrial.

En cinq ans, la production espagnole de lait de chèvre a baissé de plus de 10 %. Comment l’expliquez-vous ?

Deuxième pays producteur de lait de chèvre, l’Espagne a collecté 426 millions de litres en 2023, contre 482 millions en 2018. L’essentiel de la production se fait dans le sud du pays (45 % en Andalousie) et la production a souffert ces dernières années du réchauffement climatique. Les élevages caprins espagnols étant fortement dépendants de l’achat d’aliment, ils ont également été pénalisés par la hausse du coût des aliments. À cela s’ajoute un certain nombre de maladies et de problèmes sanitaires récurrents. L’Espagne avait pour habitude de réagir fortement aux variations du prix du lait. Mais dernièrement, alors que le prix du lait s’est envolé de 23 % en 2023, l’amenant à un prix moyen de 1 050 euros les 1 000 litres, la production n’a pas redécollé.

Comment le lait de chèvre espagnol est valorisé ?

Traditionnellement, le lait de chèvre est mélangé avec du lait de vache ou de brebis pour faire des fromages à pâte pressée. Quelques opérateurs fabriquent aussi des fromages purs chèvre, que ce soit en pâtes pressées ou en lactique. Enfin, une partie de la collecte espagnole est aussi expédiée vers la France sous forme de caillé ou de lait concentré. Les trois grands transformateurs français de lait de chèvres sont d’ailleurs présents en Espagne : Agrial avec Fromandal, Savencia avec Arias et Lactalis. Mais les exportations vers la France ont baissé significativement ces cinq dernières années, passant de 80 à 100 millions de litres en 2017 à 35 à 45 millions de litres en 2023. Les laiteries ont maintenant davantage la volonté de transformer le lait espagnol en Espagne et pour le marché espagnol. À noter que la plupart des laiteries espagnoles n’ont pas une collecte affectée. Les transformateurs achètent le lait à des coopératives de collecte ou des organisations de producteurs avec des contrats de trois mois, six mois et, plus rarement, un an.

Et aux Pays-Bas ? Comment la production de lait de chèvre s’est développée ?

Les Pays-Bas ont connu un intense développement de la production, passant de 180 millions de litres en 2010 à 400 millions en 2022. L’élevage néerlandais se caractérise par des exploitations de taille importante (plus de mille chèvres). Par exemple, dans notre filiale Capra, basée en Belgique, nous avons 60 producteurs au Benelux qui produisent 60 millions de litres. Les élevages ne sont pas forcément beaucoup connectés au foncier et les éleveurs achètent beaucoup d’aliments. Le prix du lait a fortement augmenté en 2022 et 2023 grâce au développement de la fabrication de poudre de lait infantile à destination de la Chine.

« Malgré la surproduction néerlandaise, nous restons confiants dans le maintien du prix français »

Et maintenant ? Quels sont les débouchés pour le lait de chèvre néerlandais ?

Une quinzaine d’entreprises collectent et transforment du lait de chèvre aux Pays-Bas. On y trouve des coopératives de collecte (CBM, Amalthea), des coopératives qui collectent et transforment (FrieslandCampina, Rouveen), des collecteurs et transformateurs privés (Ausnutria, Holland Goat Milk, Bettine, DeJong’s), des traders de lait (Melkweg Aarts & Van Haaren) ou des entreprises étrangères (Capra). En 2023, environ la moitié du lait est transformée en fromage, en gouda principalement, mais aussi en fromage lactique. Plus du tiers du lait est valorisé sous forme de poudre et environ 15 % peuvent être exportés en vrac ou sous forme de caillé ou de lait concentré. Mais la crise économique chinoise a ralenti la demande en poudre infantile de lait de chèvre qui reste là-bas un produit de luxe. Ausnutria a, par exemple, inauguré une nouvelle usine en 2023 et en a fermé une autre. Or cette baisse forte et brutale du débouché chinois entraîne des excédents importants estimés entre 50 et 100 millions de litres. Cela s’est traduit par une baisse rapide du prix du lait à la ferme, passant de 800 euros à environ 600 euros à la mi-2024. Les producteurs néerlandais ont bien gagné leur vie jusqu’à présent et ils semblent pouvoir continuer à le faire même avec un prix qui baisse, ce qui exclue pour le moment une restructuration de l’amont.

La crise hollandaise peut-elle entraîner des conséquences sur le prix du lait en France ?

On peut craindre une surproduction de lait mais, pour l’instant, le lait néerlandais semble intéresser l’Espagne, la Bulgarie, la Roumanie ou la Grèce. Les laiteries françaises privilégient, elles, beaucoup l’origine France, autant pour les produits à marque que pour les marques de distributeurs. La restructuration a permis également qu’il y ait moins d’opérateurs. Il faut aussi que le consommateur français joue le jeu en continuant à acheter français. La contagion devrait pouvoir être évitée. Il faut être vigilant mais nous sommes pour l’instant confiant sur le maintien du prix du lait en France en 2024, au moins à son niveau de 2023.

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Gilles Sanzey en charge de l’approvisionnement en lait de chèvre chez Agrial

Gilles Sanzey en charge de l’approvisionnement en lait de chèvre chez Agrial

Ingénieur agro à Nancy, Gilles Sanzey a intégré la coopérative Agrial en 2013. Depuis 2016, il est en charge de l’approvisionnement en lait de chèvre en France pour Eurial qui collecte environ 170 millions de litres de lait et en transforme 260 millions, notamment sous la marque Soignon. Eurial, la branche lait d’Agrial, possède également deux filiales traitant le lait de chèvre en Europe : Fromandal en Espagne et Capra dans le Benelux.

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