Adapter les élevages caprins au changement climatique
La filière caprine s’est saisie de l’enjeu de l’adaptation des élevages et, notamment, de la sécurisation des ressources fourragères de qualité.
« Le changement climatique est un sujet qui nous touche de près et a été pris à bras-le-corps par l’interprofession, a exposé Samuel Hérault, président de Capr’Inov, en introduction d’un webinaire organisé sur le thème du changement climatique. La feuille de route stratégique de l’Anicap comprend deux volets : l’atténuation, c’est-à-dire la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et l’adaptation. »
Réflexion collective
« Les conséquences du changement climatique sont de plus en plus importantes pour les éleveurs, a souligné Sophie Espinosa, directrice de la Fnec. L’adaptation des élevages est nécessaire afin de garantir la pérennité des filières, de leurs productions et de leur ancrage social et économique dans les territoires. Quand bien même nous mettrions en œuvre immédiatement des politiques ambitieuses d’atténuation, la planète va continuer à se réchauffer. Le temps de latence est de 20-30 ans, voire plus selon les modèles. Il va falloir s’adapter. Cela renforce l’importance d’une stratégie de filière identification de leviers et de solutions », a-t-elle prévenu.
« Les températures ont augmenté en moyenne de 1,7 °C en France depuis 1900, +0,9 °C à l’échelle du globe », a rappelé en ouverture Aurélie Madrid, ingénieure agronome à l’Idele. Côté précipitations, elles sont en augmentation sur la moitié nord et en baisse sur la moitié sud entre 1959 et 2009. Attention cependant aux moyennes, il existe d’importantes disparités entre régions, années ou saisons.
Bien-être animal à préserver
L’objectif du projet Cap’Climat, piloté par l’Anicap et l’Idele, est de décliner à l’ensemble du territoire le travail lancé par les groupes d’éleveurs du Red’Cap dans l’Ouest et incluant le dispositif expérimental Inrae de Lusignan (Vienne). La réflexion collective permet d’adapter localement les solutions face au changement climatique.
« Ses effets sur les animaux, notamment les épisodes de forte chaleur, sont notables, a exposé Jérémie Jost, animateur du réseau RedCap en Nouvelle-Aquitaine à l’Idele. Productivité et qualité de produits, reproduction, santé et bien-être animal sont touchés négativement. »
Les conséquences sur les ressources alimentaires sont également à anticiper. Entre augmentation de la température, changements dans le régime des précipitations, événements extrêmes… prairies et cultures ne croîtront plus au même rythme (voir ci-contre).
Des fourrages de qualité, mais comment ?
De l’herbe plus tôt et en plus grande qualité, des sécheresses estivales, des hivers doux… les éleveurs devront avoir plusieurs cordes à leur arc pour assurer la production fourragère pour le troupeau caprin.
« Au sein des groupes d’éleveurs du RedCap, nous travaillons non pas sur des moyennes, mais des types d’année : poussante ; sécheresses estivale et automnale ; sécheresse précoce et repousse automnale ; printemps pluvieux. L’enjeu dans ces différentes « années types » est de réussir l’implantation et la conduite d’une prairie productive et de qualité, que ce soit pour de l’herbe pâturée ou des stocks », a résumé Jérémie Jost, animateur du réseau RedCap en Nouvelle-Aquitaine à l’Idele, lors d’un webinaire organisé par Capr’Inov sur le changement climatique.
Comment gérer une trésorerie fourragère variable d’une année sur l’autre, avec plus ou moins 15 % de rendement fourrager d’écart ?
Des printemps poussants
Les chantiers de récoltes devront, eux aussi, s’adapter. Avec 20 à 30 % d’herbe en plus sur le printemps, la qualité devra tout de même être au rendez-vous pour satisfaire les chèvres, et le débit de chantier ne sera pas tout à fait le même.
« En cas de printemps pluvieux, environ une année sur quatre, les conditions pour réussir une première coupe de qualité ne seront pas réunies, a poursuivi Jérémie Jost. Il faut, dès aujourd’hui, préparer les solutions : enrubannage, ensilage, séchage en grange ou en botte, vente… »
Autre défi, prolonger le pâturage ou l’affourragement en vert en début d’été avec des sécheresses précoces et plus longues. Il y aura de fait moins de pâturages alimentaires en été et il faudra puiser dans les stocks. Des questions sociétales s’invitent aussi dès que l’on introduit l’irrigation, qui permet de sécuriser la récolte. À condition bien sûr que la ressource en eau soit disponible et le coût supportable.
Mélanges prairiaux adaptés
Les éleveurs sont aussi à la recherche de solutions pour assurer la repousse de l’herbe après une sécheresse estivale avec des prairies multi-espèces adaptées. « Nous avons expérimenté des prairies avec une base de luzerne et en favorisant les graminées qui résistent le mieux, comme la fétuque élevée et le dactyle. Là encore, les groupes d’éleveurs à l’échelle d’un territoire permettent de trouver des solutions adaptées à chacun. »
Enfin, sur la dernière période de l’année, les chèvres pourraient valoriser les prairies avec des hivers plus doux permettant le pâturage, en fonction de l’hydromorphie des sols.
La question de la trésorerie fourragère sera incontournable, soit en stockant suffisamment de ses propres fourrages, soit, pourquoi pas, en contractualisant en avance des achats. L’adéquation du chargement à l’hectare doit aussi être mise sur la table.